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drirent enfin Roger; il parut fe prêter à quelque confolation Raoul jugeant que ce malheureux Ami ne trouvoit d'adouciffement à fa trifte fituation, qu'en parlant d'Alix, l'engagea infenfiblement à lui'conter les fatales circonstances qu'il ignoroit. Roger y confentit avec une forte de plaifir que les feulsmalheureux connoiffent, & trouvent dans le récit de feurs maux.Plaifir étrange,mais confolant! Voici ce qu'il apprit à Raoul.

Lorique j'arrivai à Nantes, dit Roger, il n'y avoit pas encore fix mois que la Comteffe de Dam martin étoit Veuve. Une fcrupuleufe délicateffe lui faifoit trouver ce terme trop court, pour paffer à de fecondes nôces. Elle vouloit attendre que l'année fût expirée. J'étois depuis un mois tous les jours à fes genoux, la conjurer de hâter mon bonheur; mais je l'en conjurois en vain & fi mes inftances réïterées trouvoient une tendreffe qui m'enchantoit, elles trouvoient auffi une fermeté dont j'étois défefpéré. Cette fermeté me fit prendre le parti d'engager le Duc de BreA 3

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tagne & la Ducheffe Conftance à parler à la Comteffe. Ho fe fervirent tous deux du pouvoir qu'ils avoient fur fon efprit; ils la presferent, & enfin ils obtinrent qu'elle me donneroit la main dans deux mois. Les trois queje gagnois par cette parole ne m'empêcherent pas de murmurer contre les deux qu'il me falloit encore attendre. J'inftruifis mon pere que la Comtefle avoit cédé, & fixé mon bonheur à ce terme. Cette nouvelle dont il fut charmé, le détermina à partir de Rethel. Vous le vîtes à Paris où il refta quinze jours; il prit enfuite avec un plaifir inexprimable, la route de Bretagne. Lorsqu'il fut à Rennes, il nous dépêcha un Courier pour nous apprendre qu'un peu de tatigue, & l'envie de voir le Comte de Marcé, avec qui il avoit été autrefois très-uni lui faifoit prendre la réfolution d'aller paffer une quinzaine de jours au Château de Marcé, Helas! la furveille qu'il devoit en partir pour prendre doucement le chemin de Nantes, il fut obligé d'y voler en toute diligence. Depuis

elle

Depuis que la Comteffe de Dammartin étoit en Bretagne s'étoit liée de la plus tendre amitie avec Madame de Rhedon, femme encore aimable, d'une grand naisfance, refpectable par fon caractere & par la vertu. Le Seigneur de Rhedon, auffi bon pere, que bon mari, mais furtout prudent & fage, penfa qu'il étoit tems de marier fa fille. Blanche de Rhedon n'avoit encore que dix-fept ans; fa beauté en paroiffant à la Cour, avoit d'abord captivé plus d'un cœur. Celui du Duc de Bretagne ceda à tant de charmes; Blanche lui intpira une violente paflion. Le Seigneur de Rhedon, pour ne pas donner le tems au cœur de fa fille, de fe déclarer en faveur de quelqu'on fans fon aveu, crut qu'il feroit mieux gardé & mieux défendu par un Mari, que par une Mere idolâtre d'une fille charmante: il fit donc tomber fon choix fur le Seigneur de Fougeres, éperduëment amoureux de Blanche de Rhedon.

Il fut arrêté que le mariage fe

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feroit

feroit à Rhedon. La Comteffe de Dammartin étoit trop intimement unie avec cette Maison pour refuler à Madame de Rhedon, qu'elle règardoit comme la vraie mere, & dont elle étoit chérie, de fe trouver à cette fête. Je ne fçais, mon cher Raoul, fi je vous ai dit que la Comteffe aimoit paffionnément la chaffe: fon adreffe à manier un cheval, la liberté que lui donnoit cet exercice de développer toutes fes graces, étoit peut-être le principe de fon goût; mais depuis fon enlevement, fa trifteffe, & une mélancolie dont rien n'avoit pû. la diftraire, lui avoient fait oublier tout ce qui l'avoit autrefois amufée. Une fituation plus heureufe l'en fit reffouvenir. Elle crut pouvoir fans blâme, fe donner la petite liberté d'aller à chevaljufqu'à Rhedon: elle en propofa la partie au Vicomte de Melun qui n'avoit plus d'autres attentions pour elle & pour moi, que d'aller au devant de tout ce qui pouvoit lui faire quelque plaifir. Hélas! mon cher Raoul, c'étoit le premier qu'elle

avoit ofé se permettre depuis fon féjour en Bretagne. Elle convint avec les Dames qui étoient de cette partie, avec Rieux, le Vicomte & moi, que l'on partiroit aujour naiffant; précaution qu'elle prenoit, pour que l'on ne s'apperçût pas d'une façon galante de voïager affez femblable aux préparatifs d'une fête. Nous partîmes. Non! jamais il ne fut une fi belle & fi majeftueule Amazone que la Comtefle de Dammartin! Je ne pouvois concevoir mon bonheur d'être aimé d'un objet fi charmant, & dont enfin, après tant de traverses, j'allois être tranquille poffeffeur.

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Pour aller à Rhedon, il falloit paffer une Forêt d'une affez grande étenduë. Nous la traverfions; la Comteffe marchoit devant; j'étois aflez loin derriere elle avec le Comte de Rieux lorfque nous entendîmes un bruit de chaffe près de nous. Un Sanglier que l'on pourfuivoit, traverfa la route où nous étions, & paffa fi près de la Comteffe, qu'il fit à fon cheval une large bleffure. Madame de A:5 Dam

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