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donner un nouveau luftre à la Noblefle Bretonne ; par cette fage Loi (a), qui rend le Chef de chaque Mailon, véritablement grand Seigneur. Un partage trop égal entre Tes freres, mettoit l'aîné hors d'état de foutenir avec éclat, une illuftre naiffance. C'eft ce Prince aimable, aufli grand que malheureux, qui va, à la fleur de son âge, finir fes jours. Il meurt, quand Philippe alloit le rendre, par fa protection, un puiflant Souverain, en forçant le Roi d'Angleterre à lui donner l'Anjou. En achevant ces mots le Comte de Rethel & le Sire de Couci arriverent chez le Duc de Bretagne : ils apprirent qu'il venoit d'expirer (b). Hélas! mon cher Raoul, s'écria Roger pénétré de douleur, ma tendreffe pour la Comteffe de Dammartin ne m'a donné occafion de connoître deux grands Princes., Henri de Champagne & Geoffroi de Breta

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gne,

(a) Appellée l'affife du Comte Geoffroi.

( b ( Il fut inhumé à Notre-Dame de Faris.

gne, que pour avoir le chagrin de les voir mourir prefque dans mes bras.

Il y avoit chez le Duc de Bretagne une foule de Seigneurs de la Cour de Philippe-Augufte: chacun y parloit diversement de la mort prompte & furprenante de Geoffroi, dont les projets fe trouvoient auffi-tôt détruits que formez ; & tout le monde le plaignoit. L'ambition, dit le Comte de Rethel au Grand Sénéchal & à Raoul, n'étoit qu'un prétexte spécieux, qui couvroit le voïage du Duc de Bretagne. Que la véritable caufe de ce voïage lui coûte cher ! Ces paroles miftérieufes furent rapportées au Roi par le Comte des Barres. En fortant de chez Geoftroi, Roger fut à la Cour: le Roi en le voïant, lui fit figne de le fuivre. Ce Prince, lorfqu'il fut dans fon Cabinet, demanda à Roger l'explication de ce qu'il avoit dit au Grand Sénéchal.Je fçais, ajoûta Philippe, l'amitié doit vous honoroit Geoffroi: le féjour que vous avez fait à la Cour, vous a fans doute donné occafion de pénétrer un fecret qui n'eft pas venu jufD5 qu'à

qu'à moi. C'est ce secret que je veux fçavoir: parlez.

Puifque Votre Majefté me l'ordonne, répondit Roger, je vais lui obeïr. Ce que j'ai vû pendant mon féjour en Bretagne, m'avoit fait foupçonner ce que le Prince Geoffroi, une heure avant de mourir, a justifié en me confiant le fecret de fon cœur. Ce qu'il m'a dit, & le genre du mal qui l'a conduit fi promptement au Tombeau font douter que fa mort foit naturelle. Vous allez juger, Sire, fi mes foupçons font bien ou mal fondez.

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me

Je crains que Madame de Fou-. geres ne foit la cause innocente de la mort du Duc de Bretagne, comme elle pouvoit être le véritable fujet qui lui avoit fait quitter fes Etats pour venir à la Cour de Votre Majefté. J'étois à celle de Geoffroi, lorique Madame de Fougeres, encore Mademoiselle de Rhedon, y parut. Je vis le Duc de Bretagne touché de tant de charmes, empreffé à lui rendre des foins. Il trouva des prétextes pour don-

ner

ner des Fêtes, qui paroiffoient n'avoir pour but qu'un plaifir général; mais dont Blanche de Rhedon étoit le véritable objet. Evrard Seigneur de Rhedon, fon pere, allarmé de la paffion qu'il s'apperçut que fa fille infpiroit à fon Souverain, fongea d'abord à la marier, Le Seigneur de Fougeres avoit auffi laiffé furprendre fon cœur aux attraits de Blanche; & quoiqu'il ne fût plus de la premiere jeuneffe, Evrard l'écouta avec plaifir, & lui accorda fa fille. Le Duc étoit trop jufte, malgré le chagrin que pouvoit lui caufer ce mariage, pour s'opposer à un établiffement fi avantageux pour Blanche. Fougeres fut bien-tôt auffi pénetrant qu'Evrard. Inquiet & allarmé, il douta que la vertu de fa femme fût une barriere affez fûre contre les attaques d'un Prince aimable: il craignit enfin un Rival dans fon → Souverain; crainte peut-être bien fondée! Voulant, fans doute, s'affranchir d'une inquiétude d'autant plus vive, qu'il eft pallionnément amoureux de fa temme, Fougeres D 6 přic

prit la résolution de paffer fecretement à la Cour de Votre Majefté. D'intelligence avec le Seigneur de Rhedon, il mit les arrangemens néceffaires aux affaires de Ja Maifon, & fans avoir pris congé du Duc de Bretagne, il vint en France. Votre Majefté l'y reçut avec bonté. Depuis près de deux ans qu'il y eft avec Madame de Fougeres, il a toujours flatté Geoffroi, qui fe plaignoit & de fon départ, & de fon abfence, de re tourner en Bretagne. Fatiguédes délais de Fougeres, ce Prince toujours tourmenté de fa paffion, a couvert, fans doute, la démarche qu'elle lui faifoit faire, du projet d'unir fous la protection de Votre Majefté, l'Anjou à la Bretagne. J'étois encore en Allemagne quand Geoffroi a paffé en France pour demander cette protection qu'il craignoit d'obtenir trop prompte

ment

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J'ai fçû depuis mon retour, par le Comte de Rieux Favori & Confident de ce Prince, que Fougeres, fans paroître allarmé de fon

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