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l'abattement où j'étois, à la fureur, qui ne s'eft calmée qu'en voïant couler le fang du Traître. Après de tendres embraffemens, le Comte de Rethel alla informer fa Majeftéde tout ce qui venoit de se paffer. Le Roijugeant de l'attachement du Comte de Rieux pour fon Maître, par fon emportement ne put le blâmer, il l'en eftima même davantage, mais fans le loüer.

La mort du Duc de Bretagne & les honneurs que le Roi lui fit rendre firent pendant quelques jours, le fujet des converfations. de la Cour & de la Ville : mais on ceffa bientôt de parler de Geoffroi, pour s'entretenir d'une nouvelle Beauté. Cette Beauté par tagea d'abord les fuffrages, entre elle & la charmante Adelaïde de Couci, fœur de Raoul, qui touchoit à fa dix-huitiéme année. Les louanges exceffives que Roger avoit entendu donner à Mademoi felle de Couci, depuis l'inftant qu'il étoit de retour, ne lui avoient infpiré nulle envie d'en juger par luimême. Il attendoit, fans im

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patience, qu'elle revînt à la Couravec la mere, qui étoit malade dans une des fes Terres près de Paris: mais cette difpute de Beauté qui s'éleva à la Cour excita la curiofité.

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Le Preux de Vergi, voulant remercier le Roi du fecours qu'il lui avoit accordé contre Hugues Duc de Bourgogne, & voulant auffi le complimenter fur la naisfance du Prince Louis, vine faluer fa Majefté avec le Seigneur de Fajel, fon gendre. L'accueil favorable que le Seigneur de Ver gi reçut de Philippe, le détermina à refter à la Cour, & à y faire venir fa femme, & fa fille Gabrielle, âgée de vingt ans. (a) Cette fille charmante n'étoit mariée que depuis un au Seigneur de Fajel. C'eft cette Madame de Fajel qui, à peine arrivée fit naître cette difpute de Beauté dont je viens de parler. On né s'entretenoit plus que de Mademoi,

(a) C'est la même que les Mémoires de ce tems-là appellent la Châtelaine de vergi.

moiselle de Couci & de Madame de Fajel. Le plus grand nombre des jeunes Courtisans étoient perfuadez que rien n'étoit comparable à la belle Adélaïde: il y en avoit quelques autres qui prenoient le parti de la charmante Gabrielle même avant de l'avoir vûë. Embarraffez, lorfqu'on leur demandoit comment elle étoit faite, ils fe fauvoient en difant, fa beauté eft surprenante. La plupart des jeunes gens de ce tems-là étoient avides de nouveauté: ils jugeoient avec autant de réfléxion & de raifon, qu'en emploïent dans notre fiécle bien des jeunes gens qui facrifient la jufteffe de leurs décitions à l'impatiente & fauffe vanité de les donner promptement au Public.

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Quelques jours après, Madame de Fajel parut, & parut comme un Aftre. Voilà la difpute fon dée & plus échauffée que jamais. Le Sire de Couci frappé & é-. bloüi, fe demande à lui - même fi c'eft-là Mademoiselle de Vergi, qu'il a vûë il y a quatre ans au

Camp

AUGUSTE. 93 Camp du Duc de Bourgogne ? Il a peine à comprendre que les graces aïent ajouté tant de charmes à une beauté qui ne lui avoit caufé que de l'admiration. Il veut fe perfuader qu'elle n'étoit pas fous les murs de Dijon, ce qu'elle eft aujourd'hui: il ne veut pas avoir à fe reprocher d'avoir été infenfible à tant d'attraits. Le Comte de Rethel de fon côté, malgré l'indifférence dont il regarde toutes les Beautez de la Cour, ne peut s'empêcher d'admirer celle de Madame de Fajel. Il ne peut aufli concevoir que Mademoiselle de Couci foit aufli belle: cependant il entend dire que fa beauté encore plus parfaite, eft foutenue d'une taille fi réguliere, & d'un port fi majestueux, qu'elle femble être née pour commander au Monde: avantage qui la met au deffus de Madame de Fajel, autant que Madame de Fajel eft au-deffus des autres femmes. Ces louanges font fouvenir le Comte de Rethel que la Comtefle de Dammartin étoit telie; mais elles ne le perfuadent

pas

- pas que Mademoiselle de Couci puiffe l'égaler. Ce n'eft plus avec Madame de Fajel qu'il veut la comparer, c'eft avec la Comte de Dammartin, dont l'idée lui eft toujours préfente: ce défir lui donne celui de voir Adélaïde. Il prie Raoul de Couci de lui procurer ce plaifir máis Raoul lui répond, je veux vous punir de ce que vous ne vous êtes pas fouvenu plutôt que vous me deviez facrifier quelques jours, pour aller voir ma mere à fa Campagne, Vous avez négligé de remplir ce devoir, il n'eft plus tems de re parer votre faute. Ainfi mon cher Roger, Vous ne verrez ma foeur que lorfque la fanté de ma mere lui permettra de revenir à la Cour. Alors vous jugerez ; car vous ne défirez de voir ma fœur que comme un Tableau que vous voulez comparer à un autre, tant votre indifférence eft extrême pour toutes les Beautez que vous voïez: il en eft cependant qui pourroient être dignes de vous plaire. La Comteffe de Dammartin

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