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étoit parfaite, j'en conviens; mais il est peut-être encore quelque objet... Où le trouver cet objet digne de remplacer Alix dans mon cœur, s'écria le Comte de Rethel; Non! mon cher Raoul, je n'aimerai jamais! Non! jamais mon cœur ne fera fenfible! Non ! jamais rien ne pourra me dédommager de la perte de la Comteffe de Dammartin!

Le Comte de Rethel n'eut pas long-tems à attendre la belle Adelaide de Couci arriva ; mais quelle eft la furprise de Roger en la voïant! Quel eft fon trouble! Quelle émotion la vûë ne lui caufe t'elle pas! Il a peine à en croire fes yeux c'eft la Comteffe de : Dammartin! c'eft elle-même! I la retrouve dans Mademoiselle de Couci. C'eft elle! C'est cette Beauté remplie de graces, qui ne différe en rien de celle de la divine Alix, que par plus de fierté dans fa phifionomie, fans qu'il en coûte pourtant à Adelaide cet air de douceur qui fait le charme de la beauté! C'est sa taille, au- deffus

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de

de celles des femmes ordinaires! C'eft fa démarche & fon part! Même proportion dans les traits, même coloris, même degré d'embompoint, même couleur de cheveux, même charme dans le regard, même grace dans le fourire. C'eft Alix enfin ! C'eft ellemême ! Adelaïde rappelle à Rọger l'image vivante de la divine Alix. S'il trouve un charme fecret à regarder Mademoiselle de Couci, elle le fait aufli fouvenir des malheurs de la Comtefle de Dammartin & des fiens: il fe fent troublé. L'idée d'Alix & celle d'Adelaïde, vont fe confondre dans fon efprit agité, & peut-être dans fon cœur ; elles vont enfin devenir inféparables.

Le Comte de Rethel ne put refufer à fes yeux étonnez, la douceur de parcourir tous les charmes de Mademoiselle de Couci, pour mieux reconnoître en elle tous ceux de la Comteffe de Dammartin. Plus il trouve Adelaïde belle, plus il fent renouveller fes

regrets:

regrets: enfin Adelaïde cause également au Comte de Rethel, du plaifir & de la trifteffe. Ces mouvemens fi contraires, fe combattent dans fon cœur, &y triomphent fucceffivement. Il veut fuir Mademoiselle de Couci, pour s'épargner la trifteffe que fa vûë lui caufe: il veut la chercher pour joüir de la douceur de fe retracer en elle, l'idée de fa chere & malheureuse Comteffe; il ne fçait enfin ce qu'il veut.

Si Roger avoit fenti de l'impatience pour voir Adelaïde, depuis l'inftant que Madame de Fajel avoit paru à la Cour, Adelaïde de fon côté, avoit eu un mouvement bien vif de curiosité, dès qu'elle avoit fçû le Comte de Rethel de retour. Elle avoit fenti plus d'une fois, le défir de juger par elle même, fi l'amitié que Mademoiselle de Rocheville confervoit toujours pour Roger, ne la féduifoit pas.

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Mademoiselle de Rocheville n'avoit pas crû devoir faire un miftere de la paffion, que le ComTome II.

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te de Rethel avoit reffentie pour la Comtefle de Dammartin. Ainfi Mademoiselle de Couci, dans fon féjour à Chelles, s'étoit fouvent fait raconter une Hiftoire, dont le récit l'avoit attendrie, & lui avoit en même tems donné une grande idée de ces deux illuftres & malheureux Amans. Les pleurs que répandoit Mademoiselle de Rocheville, en faisant le récit de la vie & de la mort de la Comteffe de Dammartin en avoient quelquefois fait couler des beaux -yeux d'Adélaïde, & lui avoient infpiré pour cette digne fille, une eftime & une amitié particuliere: elle tacha même de la confoler, en lui demandant la place que la Comteffe de Dammartin occupoit dans fon cœur.

Jufqu'au moment que Mademoilelle de Couci vit le Comte de Rethel, elle avoit regardé fon frere comme le plus parfait de tous les hommes. Une jeune perfonne, qui voit dans un atné de fa Maison une espece de petit Sou- | verain, ajoûte aifément aux fen

timens de la nature & du fang celui d'une estime fupérieure qui ne trouve rien d'égal à ce qui a pris fur elle un doux empire; mais la vûë de Roger l'étonna. Le premier mouvement qu'elle fentit, fut une espéce de dépit de ne pouvoir refufer à Roger d'être encore mieux fait que Raoul: elle prétendoit dédommager fon frere de ce défavantage, à la faveur d'une phifionomie qu'elle s'imagina d'abord être plus belle. C'eft avec cette prévention qu'elle étudie celle de Roger; mais le mélange de fa douceur & de fa noble fe, la force à convenir encore de la feconde victoire de celui qu'elle ne pouvoit confentir à mettre vis-àvis de fon frere, fon feul Héros; la différence & le degré d'esprit la confoleront fans doute de la préférence qu'elle vient d'accorder, malgré elle, au Comte de Rethel. Quand il parle, elle l'écoute avec attention. Quel eft fon dépit! Elle trouve dans tout ce qu'il dit, des tours heureux, de la fineffe & de la galanterie; elle E 2 s'ap

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