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Un premier coup d'œil fuffit ici pour faire appercevoir fenfiblement la différence du Proteftant au Catholique Romain: car celui-ci fe foutient dans fes principes, & celui-là les dément entiérement. Allez dans les trois Royaumes de la Grande-Bretagne, allez dans les Provinces-Unies, allez dans tous les pays Proteftans d'Allemagne & du Nord, vous ferez impunément tout ce que vous voudrez, pourvu que vous ne foyiez pas Catholique Romain. Ce dernier titre est un crime, comme celui de Chrétien du tems de Rome païenne. Cependant le Luthérien & le Calvinifte, pour ne pas parler de leurs fubdivifions fans nombre, foutiennent des dogmes contraditoires. N'importe tout eft fouffert, tout eft toléré, malgré la différence des créances contradictoires: c'eft un concordat entr'eux, & on veut que Dieu en paffe par-là. Le Catholique Romain ne l'entend pas ainfi : il prétend qu'il eft une convention antérieure entre Dieu & l'homme, & que rien n'y peut donner atteinte. De-là fa fermeté à ne recevoir aucune compofition qui puiffe déroger à la foumiffion entière & abfolue que demande & que mérite l'autorité d'un Dieu, fur quelque point que ce foit qu'il daigne s'expliquer. En cela le Catholique Romain eft d'accord avec lui-même, & le Proteftant fe dément

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Je vais rendre fenfible ce que je dis ici par une fuppofition. Que diroit-on d'une Religion qui admettroit des dogmes contradictoires dans la Morale, qui regarderoit du même œil la Foi conjugale vouée à une femme unique & l'adultère, la fidélité & l'infidélité dans les contrats la tempérance & l'ivrognerie, la juftice & l'injuftice: Il n'eft perfonne qui ne se récriât contre un pareil plan de Religion, & qui pour le renverfer n'appellât à fon fecours la fainteté effentielle à Dieu dans un degré parfait & infini. Mais le Dieu de fainteté n'eft-il pas également le Dieu de vérité ; & fi les contradictions dans la Morale offenfent néceffairement fa fainteté, les contradictions dans les dogmes offensent - elles moins fa vérité & fa véracité ?

Les Stoïciens foutenoient que tous les péchés étoient égaux, & que la même égalité fe trouvoit entre toutes les bonnes actions. La propofition prife en elle-même eft fauffe; cependant, à la faveur des explications que quelques-uns en donnoient, elle préfentoit un jour véritable en apparence. Mais il n'en eft pas de la vérité ou de la fauffeté, comme de la bonté ou de la malice morale des œuvres des hommes: celles ci font fufceptibles de plus & de moins; mais la vérité confifte dans un point indivifible, ainsi que je l'ai déja obfervé. Que s'enfuit-il de-là le Voici:

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voici c'eft que le Tolérant qui fçait raisonner: car le pauvre peuple, hélas ! que fçait-il ? c'eft, dis-je, que le Tolérant qui fçait raisonner, en admettant, même dans les feules communions Chrétiennes, toutes les Religions, n'en admet véritablement aucune.

En effet, & voilà le, pied fur lequel font aujourd'hui les choses, il n'eft pas encore pleinement permis de fe déclarer hautement pour être fans Religion; & il eft à préfumer qu'indépendamment du véritable efprit de Religion qui eft dans les Princes, la politique humaine étant intéreffée à s'y oppofer, on s'y oppofera toujours." Pour ne pas offenfer le Gouvernement fous lequel on eft né, il faut donc avoir une Religion, celle du Prince eft ordinairement la plus fuivie par les fujets. Mais quelle qu'elle foit dans toutes les communions Chrétiennes, elle ne laille pas dans bien des points d'être gênante. Quel partiprend-on pour être en droit de ne s'en pas gêner? Celui de recevoir tout & de ne rien

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croire. C'est pourquoi je prétens que le Tolérantifine & l'irreligion font des termes fynonymes, au moins par rapport à ceux qui font initiés dans la fcience de l'irreligion.

Mais je découvre une autre fource de la tolérance, & elle paroîtra dans le vrai aux honnêtes gens qui veulent bien réfléchir, & qui font

d'humeur à avouer franchement ce qui les em barraffe. Dès qu'on eft féparé de l'Eglife Romai→ ne, dans quelque communion qu'on foit, il eft des difficultés infolubles, ce n'eft pas précisément dans la profondeur des dogmes révélés : car ces difficultés font communes à toutes les communions Chrétiennes, & il n'en, eft aucune qui foit véritablement infoluble, ainfi que nous l'avons déja montré. Mais il en eft de particu einquiè lières, & n'y eût-il que celle de fa féparation de l'Eglife Romaine, c'en feroit affez : on n'y

Voyez la

me prop.

a jamais répondu, & jamais on n'y répondra. On n'aime pas néanmoins à fe trouver feul de fon parti. Que fait-on pour groffir la lifte on fe paffe mutuellement les uns aux autres: ce qu'on ne fe pafferoit affurément pas, fi on étoit dans une autre pofition.

L'Eglife Romaine, qui fçait qu'elle eft la feule véritable Eglife de Jefus-Crift, croiroit fe deshonorer elle-même & deshonorer fon Auteur, fi elle ufoit de pareils ménagemens. Comine elle eft dépofitaire des Oracles de fon divin Fondateur, & qu'elle a appris de lui que qui n'est pas pour lui eft contre lui, & que qui ne recueille pas avec lui diffipe: Qui non eft mecum 13-23. contra me eft: & qui non colligit mecum, dif pergit; elle ne croit ni devoir, ni pouvoir, enten↔ dre parler de conciliation dans ce qui intéreffe

Luc.

da Foi & les Moeurs. Invariable & inflexible fur ees deux points, plutôt que de fe féparer de Jefus-Chrift & d'abandonner ce qu'elle en a appris, elle abandonnera, s'il eft néceffaire, le refte de l'univers, & elle s'en féparera avec gé nérofité.

ret. Go

Dès le tems de Tertullien, le Tolérantifme étoit connu & familier aux Hérétiques : ce trait n'a pas échappé à ce Père, & il a fçu le faire valoir comme un des caractères de l'Héréfie: On De pra fcrip. Ha ne fçait, dit-il, celui qui parmi eux eft catéchumène, & celui qui eft fidèle..... Ils ont la paix XLI. avec tout le monde. Car, quoiqu'ils foient de fentimens différens, l'unique chofe qui leur importe eft de confpirer tous ensemble à la deftruction de la vérité....le fchifme eft unité pour eux: Schifma eft 1a. Ib. c unitas ipfis.

XLII.

Je remarque à cette occafion qu'il femble que l'Héréfiarque Appelles eft le premier, je ne dis pas qui ait mis en pratique le Tolérantisine mais qui fe foit déclaré hautement pour ce fentiment. Je me fonde fur l'autorité d'Eusèbe, qui rapporte d'après Rhodon difciple de Tatien, que le vieillard Appelles difoit qu'il ne falloit inquiéter perfonne fur fa façon de penfer, mais laiffer cha- Eccl. I. cun vivre tranquillement dans la créance qu'il avoit embraffée, & que tous ceux qui mettroient kur efpérance dans Jefus crucifié, feroient fauvés,

Hip.

5. v. 13.

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