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Ce Prince, ennemi déclaré de l'Idolatrie, n'accorda point de grace à ceux de fes sujets, qui, malgré fes ordres, voulurent y perfifter; mais cette perfécution, qu'il avoit commencée par fon propre pere, occafionna de fréquentes défertions; plufieurs fe retirerent chez les peuples voifins. Ogouz-khan ne tarda pas de les y pourfuivre, il les foumit, de même que ceux qui leur avoient donné retraite. Cette espèce de guerre de Religion dura, dit-on, douze ans. On prétend qu'il conquit enfuite l'Empire du Khatay ou de la Chine, le Royaume de Tangout, le Carakhatay dont le Khan étoit appellé Itburak.

Ce fut dans cette occafion que la femme d'un de fes principaux Officiers qui avoit été tué dans un combat, s'arrêta dans le tronc d'un arbre pour accoucher d'un fils auquel on donna le nom de Kiptchaq, c'eft-à-dire, Arbre creux. Cet enfant eft le fondateur de la Horde des Kiptchaq. Dans la fuite Ogouz le mit à la tête d'une armée confidérable, & l'enyoya foumettre les Ourous, les Wlaks,les Madgiares ou Hongrois,& les Bafchкirs qui habiTin c'eft toient fur les bords des rivieres de Tin,* d'Atel & de Jaik.

à-dire le

Tanais.

Itburak-khan qui regnoit dans le Cara-khatay, c'est-àdire dans le pays de Kafchgar & d'Aкfou, attira une feconde fois fur lui la colere d'Ogouz, dix - fept ans après la premiere expédition. Il perdit la vie dans cette guerre, & Ogouz refta maître de fes Etats. Ce Prince marcha enfuite vers Taraz, Seiram, Taschkond, Samarkande & la grande Bukharie; il s'empara de Seiram & de Taschkond, pendant que fon fils prenoit les villes de Turkeftan & d'Andifchan. Ogouz conquit ainfi toute la Bukharie, Balkh, Khor, Kaboul, Ghazna & le Kaschmir où il y avoit un Prince fort puiffant nommé Iágma. La résistance des habitahs de ce pays fut caufe qu'Ŏgouz les paffa tous au fil de l'épée. Après cette grande expédition il retourna dans fes Etats héréditaires.

Dans la fuite, il réfolut de porter la guerre dans les pays que les Orientaux appellent Iran, c'eft-à-dire dans la Perfe, & les autres lieux voifins. Après avoir paffé le fleuve Amou ou Oxus, il entra dans le Khorafan, foumit cette Province

enfuite l'Iraque, l'Adherbidgiane, l'Armenie & s'avança jufqu'à Scham ou la Syrie, où il fit un affez long féjour. De-là il revint dans fon pays, & il y mourut après un regne de cent feize ans. On compte depuis ce Prince jufqu'à Genghizkhan environ quatre mille ans ; ainfi, Ogouz auroit vécu vers l'an deux mille huit cens avant Jefus-Chrift. (a) Mais une époque auffi reculée,accompagnée de tant de détails qui ne font rapportés que par des Hiftoriens modernes, femble être une preuve du peu de fond que l'on doit faire fur ces traditions, & fi elles ont quelque certitude, il faut les placer dans un tems moins ancien.

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bati, 4. Karedi, 5. Sultanli, 6. Okli,
7. Kukli 8. Sultzli

, 9. Haralanli,
10. Jurazi, 11. Zamzi 12. Turun-
co, 13. Kumi, 14. Surki ou Surchi,
15. Kortzik, 16. Suerzik, 17. Cara-
fih, 18. Kafquet, 19. Kergis, 20. Ta-
kan, 21.Za, 22. Zama, 23. Murda, 24.
Schui.

(b) Ogous-khan (c) laiffa fix enfans (d) qui avoient cha(a) Les grandes Conquêtes d'Ogouzkhan dans la Perfe furent faites, à ce que prétendent quelques Ecrivains orientaux, fous le regne de Giamschid troifiéme Roi de Perfe. Ali-jezdi, dans d'Herbelor, les place depuis la mort de Caioumarrath premier Roi de Perfe jufqu'au regne d'Houfchenk qui lui fuccéda. C'est un intervalle de deux cens ans, pendant lequel il n'eft fait mention d'aucun événement; mais le regne de ces Rois de Perfe eft encore plus incertain que les traditions Tartares & ne peut nous indiquer l'époque d'Ogouz. Je n'en parle que pour en faire connoître la fausseté.

(b) Les fix. enfans d'Ogouz-khan font Kiun-khan, Ay-khan, Jouldouz-khan, Kuk-khan, Tag-khan & Zingis-khan que d'Herbelot appelle Tenghin. Ils eurent chacun quatre fils legitimes & quatre fils naturels, Kiun fignifie le Soleil, Ay, la Lune, Jouldouz, l'Etoile, Kuk, le Ciel, Tag, montagne & Zingiz, la mer.Ces mots fe trouvent encore dans la langue des Turcs de Conftantinople. Les fils de Kiun-khan font Kagi, Baiat, Alkaaduli, Carajuli; ceux d'Aykhan font Jazir, Japhir, Dodurga, Dugar. Ceux de Jouldouz font Ufchar, Kafik, Begdali, Karkin. Ceux de Kuk-khan font Bagender, Bazina, Ziuldor, Zabni. Ceux de Tagkhan font Salur, Imar, Alajunti, Ufgar. Ceux de Zingiz khan font Igder, Baydus, Auwa, Kannek.

Les fils naturels des fix fils d'Ogouzkhan font 1. Kana, 2. Luna, 3. Tur

(c) Mirkhond rapporte que des 24 Peuples qui tirent leur origine des fix enfans d'Ogouzkhan, une partie alla prendre des quartiers dans le Berangar & les autres dans le Givangar, c'eft-à-dire que les uns allerent à droite & les autres à gauche; les trois aînés furnommés Buzuk ou Bujuk, c'est-à-dire, Grands, eurent le commandement de la droite ou du Berangar, les trois autres nommés Ugiuk ou Kugiuk commanderent la gauche ou le Givangar.

(d) On prétend que ces fix enfans d'Ogouzkan étant un jour à la chaffe trouverent un arc & trois fléches d'or qu'ils apporterent à leur pere. Ogouz donna l'arc aux trois aînés & les flèches aux trois autres; les premiers furent appellés Bouzouk, les feconds Ougiouk, ou Outchouk. Bouzouk fignifie rompu parce qu'ils partagerent l'arc entre eux Ougiouk ou Outz-ock fignifie trois fléches. Ock encore dans la langue des Turcs de Conftantinople défigne une filéche. Relativement à cette tradition, les Annales Chinoises rapportent plufieurs divifions des Turcs par fléches; c'est àdire, qu'une fléche répondoit alors au

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cun quatre fils légitimes & quatre fils naturels : l'aîné appellé Kiun - khan (a) lui fuccéda, & regna foixante & dix ans. Il eut pour fucceffeur fon frere Ay-kan; après lui regna avec beaucoup de conduite & de prudence Iouldouzkhan (b) qui laiffa le Thrône à fon fils Mengli ou Mengheli-khan de celui-ci il paffa à fon fils Tingis-khan (c) qui abdiqua l'Empire en faveur de fon fils Ill-khan (d contemporain de Siuntz-khan Empereur des Tartares dont j'ai déja parlé. Ces deux Princes fe firent continuellement la guerre, & Siuntz - khan toujours vaincu, fut obligé d'implorer le fecours du Khan des Kergis; avec ce renfort l'armée d'Ill-khan fut battue, & l'Empire des Mogols détruit; la postérité d'Ill-Khan fe retira dans des montagnes efcarpées, d'où elle ne fortit que long-temps après, comme on le verra dans la fuite.

... Telles font en peu de mots les Traditions (e) qu'un Hiftorien Tartare nous a confervées touchant l'origine (ƒ) de fa Nation. Tout incertaines ou fabuleufes qu'elles puiffent paroître, elles doivent être néceffairement placées à

terme de horde ou tribu. Les fléches défignoient auffi la fervitude, & l'arc la fupériorité.

(a) D'Herbelot le nomme Ghunkhan.

(b) D'Herbelot le nomme Ilduz khan. Jlduz ou Jouldouz fignifie encore dans la langue des Turcs de Conftantinople une étoile.

(c) D'Herbelot l'appelle Tonghour khan; mais la plupart de ces differences ne viennent que de la position des points.

(d) D'Herbelot le fait, fils & fucceffeur immédiat de Mengli-khan au titre d'Illkhan, mais ailleurs il eft conforme à Aboulghazi & il le fait fucceffeur de Tonghour le même que Tingis.

(e) Beidawi autre Hiftorien Perfan rapporte d'une maniere plus abrégée & peut-être en même-temps plus véritable l'origine des Turcs. Il dit que Noë envoya fon fils Japhet dans l'Orient, où il engendra Dibbacaoui qui fut pere de Gour-khan. Celui-ci abandonna la Religion de fes Ancêtres; mais fon fils

Ogouz-khan le tua, s'empara du Royaume & rétablit l'ancienne Religion. Il divifa les Turcs en différentes hordes, & après un intervalle de quatre mille ans, ou felon un autre manufcrit de quatre cens ans feulement,ces Peuples furent défaits par un Roi du Khatay qui avoit pouflé fes conquêtes jufques au Gihon. Ce recit de Bedawi paroît avoir beau coup de rapport avec ce que nous lifons dans l'hiftoire Chinoife, comme nous effayerons de le faire voir dans la fuite ainfi il eft néceffaire de ne pas perdre de vûe cette note.

(f) Plufieurs Ecrivains tels que Pof tel & furtout Menaffé Docteur célébre parmi les Juifs rapporte l'origine des Turcs & Tartares aux dix Tribus des Juifs emmenées en captivité par Salmanafar. Menaffé prétendoit même qu'elles avoient paffé la grande muraille & s'étoient établies à la Chine. Le nom de Tatars fuivant les Auteurs de cette opinion venoit du mot Hébreux Tetar, qui fignifie refic.

la tête de cette Hiftoire. Les Grecs, les Romains, les Chinois & quantité d'autres Peuples ont leurs tems fabuleux, qui ont été fuivis d'un fecond tems, où l'Hiftoire, quoi que vraie,eft encore obfcure & pleine de difficultés. Ce n'eft que dans une troifiéme époque que la vérité hiftorique commence à fe manifefter ; je m'y arrête, & je n'ai plus d'autre garant, pour tout ce qui va fuivre, que des monumens sûrs & de la derniere authenticité.

Au Nord des frontieres Septentrionales des Provinces de Chenfi, de Chanfi & de Petcheli, habitoit autrefois une Nation célébre, qui a donné naiffance à celles que nous avons connues depuis fous le nom de Huns, de Turcs, de Mogols, de Hongrois & de Tartares: elle paroît commencer avec la Monarchie Chinoife, puifque dès le tems de l'Empereur Yao qui fleuriffoit vers l'an deux mille avant Jefus-Chrift, les Hiftoriens Chinois nous apprennent qu'elle étoit appellée Chan - yong, c'est-à-dire, Barbares des Monta- Ven-biengnes. Sous la premiere Dynaftie Impériale de la Chine, tum-kao. nommée Hia, ces Barbares porterent le nom de Tchong-yo. Les Empereurs de la Dynaftie de Cham connoiffoient ce pays fous le nom de Kuei-fang ou la Contrée des Efprits: ceux de Tcheou fous le nom de Hien-yun, & enfin ceux de Han fous le nom de Hiong-nou, (a) mot corrompu par les Chinois, & dont la vraie prononciation, qui nous eft également inconnue, a formé le nom de Huns, Hunni, devenu célébre en Europe, par les incursions que ces Peuples y ont faites.

Anciennement tous les habitans de la Tartarie étoient 'divifés en Barbares d'Orient & en Barbares d'Occident. Les premiers, qui font les Ancêtres des Tartares Orientaux, habitoient au Nord de la Province de Petcheli, &

(a) Hiong-nou, ce mot en Chinois peut être traduit par malheureux Efclaves; mais je le crois un mot Tartare que les Chinois auront exprimé par deux caractères qui formorent le même fon.Il eft altéré, comme le font tous les mots étrangers qu'ils veulent exprimer dans leur langue, Cependant il pour

roit être Chinois d'origine;il n'eft pas rare
de voir dans la langue Tartare de ces for-
tes de noms. On peut citer pour exem.
ple celui de Mogol pour Mung'l, venu
de Mung qui en Chinois fignifie trifte
& celui de Ung-khan pour Ouang-khan;
c'eft-à dire, le Roi que les Chinois ex-
priment par Ouang.

Kammo.

s'étendoient vers l'Eft jufqu'à la mer Orientale. Les feconds étoient campés dans les plaines & les vallées qui font au Nord du Chenfy, du Chanfy, & même du Pétchéli, fous la conduite de différens Chefs, où ils étoient uniquement occupés du foin de faire paître des troupeaux nombreux. Ils vivoient fous des tentes qui étoient pofées fur des chariots. Avec ces maifons ambulantes, ils fe-tranfportoient facilement aux bords des rivieres & dans les plaines qui leur paroiffoient les plus propres à la nourriture de leurs beftiaux. Les Tartares modernes confervent encore Voyage de ces anciens ufages. Ils font errans : pendant l'hiver ils haRubruquis. hitent dans les plaines qui font au Midi, & pendant l'été Hift.généal. ils remontent vers le Nord. Leurs tentes, dont quelques

des Tatars.

unes ont vingt ou trente pieds de long, font faites de feutre blanc, enduites de chaux ou de terre, & terminées en une pointe qui eft ouverte. Elles font pofées fur des roues & traînées par un grand nombre de bœufs, C'est de l'affemblage de ces tentes, rangées par ordre, que font formées les villes de la Tartarie. Les chevaux & les troupeaux fourniffent à ces peuples la nourriture & le vête ment. La principale de leurs boiffons eft faite de lait de jument qu'ils préparent de différentes façons, pour en faire plufieurs fortes de liqueurs qui enyvrent.

Ven-bien- Les Anciens Huns vivoient de la chair de leurs beftiaux;ils tum-kao. prenoient les peaux pour en faire des habits & des étendars;

Ssu-ki.

Ven-bientum-kao.

ils cultivoient les terres qui leur étoient échues en partage. Ils n'avoient aucune connoiffance de l'art d'écrire,mais leur bonne foi étoit fi connue que dans leurs traités, tout barbares que ces peuples' nous paroiffent, leur parole fuffifoit. La mort étoit le fupplice de celui qui avoit fait un meurtre ou un vol confidérable. Ils apportoient quelques foins à l'éducation de leurs enfans, & les élevoient d'une maniere relative à l'intérêt général de la Nation, c'est-àdire, qu'ils les exerçoient à chaffer & à faire la guerre : ces enfans affis fur des moutons, qu'ils regardoient alors comme des chevaux, tiroient fur les oifeaux & fur les fouris avec de petits arcs. Devenus plus grands ils alloient à la chaffe des liéyres & des renards, qui leur fer

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