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voient de nourriture, & lors qu'ils étoient en état de maniere des armes plus fortes & plus péfantes, ils prenoient le parti de la guerre. Ainfi ils n'étoient cenfés hommes que quand ils en avoient tué, ou qu'ils étoient devenus affez forts & affez habiles pour le faire. La guerre étoit alors leur unique occupation, & le feul moyen d'acquérir l'eftime de toute la Nation. Les jeunes gens jouiffoient de tous les avantages. Les vieillards, dont on oublioit les fervices paffés, étoient exposés au mépris de cette jeuneffe guerriere, qui ne prévoyoit point que le même fort l'attendoit.

En tems de paix, les Huns faifoient des courfes fur les Su-ki. terres de leurs voifins, & particulierement fur celles des Chinois la Chine, par fa fertilité & fes richefses, étoit pour eux un tréfor inépuifable qu'ils ne ceffoient de piller. Tant que la fortune les favorifoit, ils s'avançoient dans les terres au moindre défavantage, ils ne rougiffoient pas de prendre la fuite, mais ils n'en étoient alors que plus redoutables. C'eft dans ces déroutes fimulées que l'Ennemi devoit employer la prudence. Il étoit ordinaire de voir ces Huns revenir fubitement à la charge pour tourner auffi-tôt le dos. L'agilité de leurs chevaux leur étoit d'un grand fecours pour cette maniere de combattre, & les troupes reglées, telles que font celles de la Chine, ne leur réfiftoient difficilement. Dans d'autres occafions, ces armées innombrables de Tartares, poursuivies de trop près, fe diffipoient dans les déferts comme la pouffiere, & leurs Ennemis qui étoient entraînés dans ces folitudes affreufes y périffoient de mifere.

que

Celui qui pouvoit enlever le corps de fon camarade tué ssu-ki. dans un combat, devenoit fon héritier & s'emparoit de fon bien. Au refte, ces peuples s'attachoient, comme ils le font encore, à prendre le plus de prifonniers qu'ils pouvoient. Ces captifs, faifoient leurs principales richeffes: ils les employoient auprès de leurs troupeaux & de leurs beftiaux. Leurs armes confiftoient dans un arc, des fléches & un fabre. Ils étoient tous voleurs & brigands à l'égard de leurs voifins, mais d'une fidélité à toute épreuve entre

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tum-kao.

eux. Le nombre de leurs femmes n'étoit point fixe, ils en prenoient autant qu'ils pouvoient en nourrir, fans avoir aucun égard aux degrès d'alliance ni de parenté qui pouvoient fe trouver entre eux. Il n'étoit point extraordinaire de voir un fils époufer les femmes de fon pere, & un frere celles de fon frere. Telles font en peu de mots les mœurs de ces anciens Huns,qui s'étoient rendus formidables aux Chinois, & qui par les fréquentes incurfions qu'ils faifoient dans les Provinces Septentrionales, c'eft-à-dire dans celles de Chenfi, de Chanfi & de Petcheli, les ont fou vent réduits à l'extrémité.

J'ai déja dit que les Huns n'étoient pas moins anciens que les Chinois, qui les ont connus avant même que la Dynastie de Hia, qui commença à regner vers l'an 2207 avant Jefus-Chrift, montât fur le Throne; mais l'Hiftoire ne nous a confervé que l'époque de quelques invasions de ces peuples, ou plutôt des Tartares en général, & encore n'en est-il rapporté aucunes de celles qu'ils ont faites Ven-hien fous cette premiere Dynaftie Chinoise. On en cite quelques-unes, mais en petit nombre, pendant le regne de la Dynastie de Cham; elles fe faifoient pendant les chaleurs de l'Été, qui étoit le tems le plus propre. L'Empereur Vou-tim (a) fut obligé d'envoyer contre eux fes armées; Sous Vou-ye (b) ils recommencerent leurs courfes, & ils furent chaffés. Dans la fuite, & après que Vou-vam (c) fe fut rendu maître du trône Impériale & qu'il eut établi la Dynaftie des Tcheou, tous les peuples barbares du Midi & de l'Occident, les Huns & les Tartares de Niu-ché lui envoyerent des tributs & fe foumirent. Mais du tems de Y-vam (d) les Huns firent des courfes jufqu'à Kim au Nord de la riviere Kim, dans le territoire de Fongtciang - fou une des villes du Chenfi. Les Ecrivains Chinois regardent ces incursions comme une punition du ciel

(a) Ce Prince eft mort l'an 1266 avant Jefus-Chrift.

(b) Ce Prince eft mort l'an 196 avant Jefus-Chr.ft,

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de ce que l'Empereur & fes fujets abandonnoient la vertu 'dont leurs ancêtres leur avoient laiffé de fi beaux models. Ces anciens Chinois étoient perfuadés que la conduite de leur Monarque contribuoit beaucoup au bonheur ou au malheur de l'Empire, & les Princes qui avoient adopté ces maximes ne trouvoient leur bonheur & celui de leurs fujets que dans la pratique de la vertu. Depuis le regne de Y- vam les Huns ne cefferent de faire des courfes. Un autre Empereur auffi nommé Y-vam (a) les chaffa des environs de Ta-yuen - fou où ils s'étoient établis, & leur enleva un grand nombre de chevaux; mais un fi foible fuccès n'étoit pas capable de dédommager les Chinois 'des pertes que ces barbares leur faifoient fouffrir depuis long-tems.

Prefque tous les Empereurs de la Chine, depuis les regne de Tchim-vam (b) & de Kam-vam (c) s'étoient livrés å la débauche. Ils étoient devenus cruels; les peuples les avoient imités, & la vertu bannie de l'Empire, le laiffoit exposé aux incurfions des Huns. Ces Barbares n'y entrerent que pour y exercer toutes fortes de brigandages, défoler fes Provinces & s'en retourner chargés de butin dans la Tartarie. Lorfque Siuen-vam füt monté fur Thrône, il rétablit le bon ordre, & arrêta cette Nation qui avoit pénétré fort avant dans l'Empire. Le Général chargé de cette expédition remporta de grands avantages fur Les Barbares, & les Poëtes du tems fe font empreйés de mettre en vers le récit de fes belles actions. Mais nous paffons légerement fur tous ces événemens qui ne font qu'indiqués dans les Annales.

La Chine étoit alors dans ces tems malheureux où l'autorité du Souverain, méprifée & prefque annéantie, ne pouvoit reprimer les Auteurs d'une guerre civile qui défoloit l'Empire & les peuples. Les Provinces étoient devenues la proye de plufieurs petits Tyrans qui s'y étoient établis. L'origine de tous ces défordres venoit de plus

(a) Mort l'an 879 avant J. C. (b) Mort l'an 1079. avant J. Č.

(c) Mort l'an 1053. avant J. C.

C

loin, & illa faut rechercher dans le tems même de l'établif, fement de la Dynaftie qui regnoit alors, c'est-à-dire celle de Tcheou. Ven-vam & fon fils Vou-vam, (a) qui en font les Fondateurs, confulterent moins leur propre intérêt & celui de leurs Succeffeurs qu'une reconnoiffance indiscrette & fans borne. Pour monter fur le Thrône & chaf fer la Dynastie de Cham, ils avoient eu befoin du fecours de plufieurs braves Officiers dont il falloit récompenfer les fervices. Ils leur diftribuerent les Provinces de l'Empire à titre d'Appanages & de Fiefs. Sous les regnes fuivans,les Defcendans de ces petits Princes tributaires ne voulurent plus reconnoître l'autorité Impériale, & de vaffaux qu'ils étoient ils entreprirent de fe rendre abfolus dans leurs Provinces: l'Empereur ne fut plus qu'un phantôme fans pouvoir, & fouvent obligé de fuivre les caprices de ces Tyrans. Telle fut la premiere caufe des malheurs de la Chine. Mais il en exiftoit encore une autre, & celle-ci eft la principale ; c'eft la mauvaise conduite des Empereurs eux-mêmes. Les vices & la débauche avoient fuccédé à la pratique de la vertu, difent les Chinois; ces Monarques ne connoiffoient plus les fages maximes de leurs ancêtres; les Grands, auxquels une pareille conduite eft prefque toujours avantageufe, en profiterent; mais une fois affermis, ils oublierent qu'ils ne devoient leur puiffance qu'à la foibleffe de l'Empereur. Ils devinrent ambitieux, fe firent la guerre les uns aux autres; alors les Etrangers & principalement les Huns, qui ne pouvoient trouver un tems plus favorable pour s'enrichir aux dépens de la Chine, recommencerent leurs incurfions. Sous le regne d'Ouon-vam (b) Empereur des Tcheou, ils pénétrerent Ven-bien- jufques dans le Royaume de Tçy qui eft fitué dans la Lie-tai-ki- Province de Chantong. Le Roi de Tçy, aidé des troupes d'un autre petit Royaume voifin, deffit les Huns, & fit prifonniers deux de leurs Chefs. Sous Hoei-vam ( c ) ils entrerent dans le Royaume de Yen, aujourd'hui la

Kam-mo.

tum-kao.

Su.

(a) Mort l'an 1116. avant J. C.
(b) Mort l'an 697. avant J. C.

(c) Mort l'an 652. avant J. C..

Province de Petcheli; mais le Roi de cette contrée, qui avoit été secouru par les troupes de Ouon-kum Roi de Tçy les chaffa & mit fes États à couvert.

nom

Prefque tous les regnes de ces Empereurs font marqués Ven-bienpar les courfes des Huns; mais quelque fréquentes qu'el- tum kao. les ayent été, elles font fi peu détaillées dans le petit bre de monuments qui nous reftent, & ces évenemens font fi peu intéreffants par eux-mêmes, que je crois devoir me transporter tout d'un coup au tems où l'Hiftoire commence à entrer dans de plus grands détails; c'est-à-dire, à ces tems fâcheux où les Chinois,fatigués par les fréquentes incurfions des Huns, prirent la résolution de conftruire ce fameux boulevart dont on a tant parlé, & que l'on peut regarder comme une des merveilles du monde. C'eft de la grande muraille de la Chine dont il s'agit. On en a fait honneur à Chi-hoam-ti (a) qui réduisit fous fa puiffance ceux de ces petits Royaumės qui s'étoient maintenus jufques à fon tems; mais ce Prince, tout grand qu'il ait été,n'en eft point entiérement l'auteur. Avant lui un Roi de Tchao, après avoir fait une incurfion dans le Nord & repouffé les Huns, Ven-bienavoit fait conftruire une muraille le long des frontiéres mm. Septentrionales de fes Etats, afin d'empêcher que les Su-ki. Barbares y pénétraffent : elle commençoit au Royaume de Tai aujourd'hui Ta-tum-fou dans la Province de Chanfi; elle cotoyoit la montagne In-chan & s'étendoit vers l'Oċcident jufques à Kao-kouon, éloigné de Ta-tum-fou ̧ de quatre cent vingt lis vers le Nord-oueft. Le Roi de Yen, dont le Général avoit furpris & défait les Tartares Orientaux en avoit aussi bâti une femblable depuis Tcao-yam Ssu-ki.. dans le pays appellé aujourd'hui Pao-gan-tcheou jufques à Siam-pim dans le Leao-tong.

tum-kao

Kam-mo.

Han-chos

De tous les Royaumes qui depuis longtems partageoient Su-ki. la Chine, sept fubfiftoient encore : & de ceux-ci trois confinoient aux frontiéres des Huns. Ils portoient le nom de Yen, fitué dans la Province de Peking, de Tchao dans la Province de Chanfy & les environs, & enfin de Tfin dans la Province de Chenfy. Ce dernier qui étoit le plus

(a) Mort l'an 210. avant J. C.

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