Imágenes de páginas
PDF
EPUB

HISTOIRE

HISTOIRE

GENERALE

DES HUNS

LIVRE PREMIER.

HISTOIRE DES ANCIENS HUNS.

'ORIGINE des Huns dont j'entreprens de donner l'Histoire va fe perdre dans les fiécles les plus reculés de l'Antiquité. Les feuls monumens Chinois nous laiffent entrevoir de tems en tems quelques veftiges de cette nation barbare, qui fervent à former une chaîne, à la faveur de laquelle on remonte infenfiblement jufques aux tems voifins de la difperfion générale des Peuples. Au-delà du déluge univerfel tout eft inconnu aux Chinois, de même qu'aux Nations qui fe font le plus attachées à conferver leur Hiftoire. Moyfe feul nous a rapporté en peu de mots la fuite des générations qui ont précédé le déluge: & c'est une Tome I.

A

chofe digne d'être remarquée,que les Hiftoires de toutes les Nations s'arrêtent comme de concert vers les tems qui approchent de cette grande catastrophe. Envain l'orgueil des Egyptiens & des Chaldéens s'eft efforcé de nous dérober la vérité en lui fubftituant des fables & en comptant des milliers d'années : les recherches des Sçavans ont fait évanouir toutes ces vaines prétentions. L'Hiftoire des Chinois, ces peuples fi anciens, ne contredit point le récit de Moyfe. Si nous remontons des fiécles préfens à ceux qui font les plus voifins de leur origine; nous voyons d'abord une fuite non interrompue de Monarques, une chronologie éxacte dans la difpofition des événemens:mais à mesure que nous nous éloignons de notre tems, l'Hiftoire de cette Nation devient moins certaine, & plus mêlée de fables: dans une époque plus reculée nous n'appercevons plus que les noms de quelques Monarques qui ont donné des loix à un peuple naiffant, qui l'ont policé, qui ont inventé les arts les plus néceffaires,& qui ont enfin tiré du inilieu des forêts des hommes barbares, pour les conduire dans des plaines qu'il falloit défricher. C'eft - là ce que nous pouvons appeller l'origine & le commencement d'une Nation ; & lorfque l'hiftoire de tous les peuples femble s'arrêter vers une même époque, & nous préfenter les hommes comme des barbares qui ne fe font multipliés & qui n'ont été policés que dans la fuite, c'eft nous apprendre qu'il eft arrivé alors une efpéce de renouvellement du genre humain; c'eft confirmer indirectement le récit de Moyfe. Telle eft l'induction que l'on peut tirer de la lecture de l'hiftoire des différents peuples, & particulierement de l'hiftoire des Chinois, les plus anciens de ceux qui fubfiftent à préfent.

Les Huns ne paroiffent pas moins anciens que ces peuples célébres. Il en eft fait mention dans l'Hiftoire dès les premiers tems de la Monarchie Chinoife: ils font donc du nombre de ces Colonies qui abandonnerent les plaines de Sennaar peu de tems après le déluge. Peut-être feroiton tenté de croire que ces deux Nations viennent de la même peuplade.

Quoique je me fois propofé d'éviter dans cet Ouvrage toutes les recherches qui n'ont pour bafe que des conjectures, on me permettra d'expofer ici en peu de mots ce que l'on peut foupçonner de plus raisonnable fur l'origine des Huns ou Tartares.

que

Lorfque les premieres Colonies commencerent à quitter les plaines de Sennaar, il y a beaucoup d'apparence qu'une partie, après avoir peuplé la Perfe & la Bactriane, s'avança jufqu'à cette gorge formée par les montagnes qui font fituées près de l'endroit où l'on a bâti dans la fuite la ville de Kaschgar dans la petite Bukharie. Ce pays eft environné au Nord & au Sud par de grandes chaînes de montagnes. Le milieu eft un vafte défert prefque impratiquable à caufe de la quantité des fables & de la stérilité du terrain. En cotoyant le pied des montagnes qui font dans la partie Septentrionale,on trouve une fuite de terres fertiles, où dans les tems poftérieurs on a conftruit plusieurs villes & villages qui forment une route par laquelle on parvient à la Chine. C'eft probablement celle que les premieres Colonies Chinoifes ont tenue, celle par laquelle elles font entrées dans la province de Chen-fi, qui, felon le récit des Hiftoriens de la Chine, paroît avoir été la premiere habitée, & où les plus anciens Empereurs faifoient leur réfidence.

Ces Colonies ne femblent avoir rien de commun avec celles de la Tartarie. Ces dernieres,en partant des plaines de Sennaar, ont tourné au Nord & fe font enfoncées dans les vallées étroites que forment les montagnes inacceffibles de l'Arménie & de la Géorgie. De-là elles ont pénétré dans les plaines qui font entre les deux grands fleuves, le Volga & le Tanaïs, d'où elles fe font répandues enfuite à droite & à gauche & ont formé du côté de l'Occident les Nations Européennes, du côté de l'Orient les

Nations Tartares.

Le chemin inpratiquable qu'il falloit tenir à travers les montagnes de la Georgie & du détroit de Derbend, a empêché que ces Colonies ayent été fuivies par une foule d'autres; & le petit nombre de celles qui s'y font

peu

engagées y ont contracté une humeur féroce; caractere ordinaire de ceux qui vivent dans les montagnes. Ces ples fe font moins appliqués que les autres à inventer ou à connoître les arts qui avoient été inventés, & ils ont eu moins d'occafion d'être policés par la fréquentation & l'arrivée des nouvelles Colonies. Ceux de la Chine, au contraire, où il étoit facile de pénétrer en fuivant une route prefque toujours fertile & unie, ont reçu plus fouvent & plus facilement les arts inventés ou confervés par les peuples qui étoient reftés aux environs de Babilone. Les Tartares qui n'ont que de vastes pâturages, garderent dans leurs plaines leur ancienne maniere de vivre. Les Chinois qui trouverent par- tout des rivieres, des champs fertiles en grains & en arbres fruitiers, s'adonnerent à l'agriculture, furent obligés d'arrêter par des digues l'impétuofité des rivieres, de creufer des canaux pour en difperfer les eaux ou les diftribuer plus avantageusement: ils cultiverent les fciences, d'abord les plus néceffaires, & pafferent enfuite à celles qui ne font que d'agrément, pendant que la Tartarie, qui ne fournissoit que des pâturages pour nourrir des troupeaux, força fes habitans à fe borner à la vie champêtre & à n'être que des Paftres.

Les Tartares ont négligé de tranfmettre à la postérité l'hiftoire de leurs ancêtres. Plufieurs même n'ont pas connu l'art d'écrire, & nous ne pourrions parvenir à donner quelque chofe d'éxact, fi les Chinois, avec lefquels ils ont eu des guerres prefque continuelles, n'en euffent parlé fréquemment dans leurs Annales (a). Il s'eft cependant confervé parmi eux quelques traditions, qui, fuivant les apparences, font l'ouvrage des Ecrivains poftérieurs. Dans une collection générale des événemens qui regardent l'Hiftoire des Huns, je ne puis me difpenfer de les rapporter. Quelle eft en effet la Nation dont l'hiftoire, fi nous en exceptons les écrits de Moyfe, ne débute pas par

(a) Le principal Hiftorien dont j'emprunte toutes ces traditions eft Aboulgazi Bahadur Khan, Sultan de Kharifme, qui nous a donné une Histoire gé

néalogique des Tatars. Mir-kond s'est auffi fort étendu fur l'Hiftoire de cette Nation. Beidawi en dit peu de chofes, mais il eft plus éxact.

« AnteriorContinuar »