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I I.

LES HUNS EUTHALITES.

1. 2.

ENDANT que l'Europe étoit défolée par les ravages Après J.G. prefque continuels que les Huns des Paius Méotides y faifoient, la Perfe étoit pareillement obligée de se défendre contre les entreprises d'une autre efpéce de Huns que nos Hiftoriens ont appellé Huns blancs. Ils étoient Procop. de cantonnés dans le Maouarennahar, dans le Kharifme, bel. Perf. & le long de la côte orientale de la mer Cafpienne. Leur capitale fe nommoit Korkandge. La couleur de leur visage, & la maniere dont ils vivoient, les rendoient différens de ceux qui demeuroient dans le nord, dont le teint étoit bafané. Beaucoup plus policés qu'eux, ils habitoient dans les villes, ils étoient en commerce & contractoient des alliances avec leurs voifins, ce qui contribua beaucoup à les dépouiller de cette barbarie, que ceux du nord avoient confervée. On les a encore appellés Euthalites, Haïatelites (a), Nephtalites, Atelites, Abtelites & enfin Ci- Theop.le darites. Les Hiftoriens orientaux leur ont donné le nom Prius. Confeffeur. de Turcs, qui eft chez eux le même que celui de Huns. Pherdoufi. Après que les anciens Huns (b) eurent été chaffés du nord de la Chine, la plus grande partie fe retira, comme je l'ai rapporté, dans les pays feptentrionaux voifins de 1'Europe: le refte paffa directement à l'occident vers Akfou & Kaschgar, de-là fe répandit dans les plaines qui

(a) D'Herbelot les nomme Haïatelah, & croit qu'ils font les Indofcythes des anciens. Il fe trompe à cet égard. Voyez ce que j'ai dit des Yue-chi Liv. I. p. 42. il ajoute qu'il y a apparence que ces peuples babitent dans le Tibet, & que Barantola capitale de ce pays, eft une corruption du mot Haialiclah Cette conjecture ne

peut avoir lieu, les Euthalites n'ayant ja-
mais demeuré dans le Tibet.

(b) Toutes les époques que j'ai mar-
quées dans cet article ne doivent être
regardées que comme dine udication gé-
nérale vigue. Le défaut d'oriens
ne nous perriet pas de fixer plus exacte-
ment tous ces événemens.

Après J. C.

Ven-bientum-kao.

D'Herbelot
Pherdoufi.

s'étendent jufqu'à la mer Cafpienne & aux frontiéres de la Ferfe, & comme ces Huns portoient le nom de Te-lę ou Tie-lé & qu'ils demeuroient le long du fleuve O us ou Gihon, on les a nommés Ab-te-le; c eft-à-dire les Telites d eau. De-là fe font formés les noms d'Abtelites, & par corruption d'Euthalites & de Nephthalites, ce qui a fait croire à quelques-uns qu'ils étoient des Juifsde la Tribu de Nephthali qui avoient été tranfportés dans ce pays dans le tems de la captivité. Toute la nation des Huns en général étoit donc cantonnée & di perfée dans les vaftes contrées qui font à l'orient, au nord & à l'occident de la mer Cafpienne, & s'étendoit depuis Kafchgar jufqu'aux Palus Méotides, & dans le nord jufqu'à Tobolsk en Siberie. Ce n'eft pas que les Huns fuflent les feuls maitres dans ces vaftes contrées ; il devoit s'y trouver un grand nombre d'autres Scythes qui y demeuroient auparavant. Depuis long-tems le Maouarennahar avoit été la retraite de plufieurs nations orientales. Les Sfu, les Yue - chi, les Ou-fiun étoient venus y habiter fucceffivement. Les Yue-chi qui s'appelloient auffi Getes y devinrent particuliérement très-puiffans, & s'étendirent jufques dans F'Inde. On feroit tenté de les regarder comme les ancêtres de ces Getes qui ont été connus en Europe par plu fieurs incurfions qu'ils y ont faites. Quelques Landes des Sfu auroient pû paffer également dans le nord de l'Europe, d'où, après un féjour affez long pour leur faire adopter les mœurs des peuples feptentrionaux, ils fercient def cendus vers le midi fous le nom de Sueves. Quoiqu'il en foit, ces Scythes étoient difperfés dans le Maourennahar, & les Huns, en y arrivant, ont dû fe confondre avec eux; au moins il y a lieu de croire que les Hiftoriens, peu inftruits de la différence qu'il y avoit entre ces peuples, les ont tous défignés fous le feul nom de Huns. C'est en vain que l'on entreprendroit de les diftinguer ici: ils ne font connus des Hiftoriens Perfans & Romains qu'à l'occafion de quelques courfes paffageres qu'ils ont faites dans le Khorafan & dans les environs.

La Perfe étoit alors fous la domination des Princes

defcendus de Saffan & que l'on appelloit par cette raifon Saffanides. Le premier de ces Souverains dont l'hiftoire rapporte une guerre avec les Huns étoit nommé Bahram-gour. Les Auteurs orientaux rapportent que pendant qu'on étoit encore occupé en Perfe des fetes qui avoient fuivi le couronnement de ce Prince les Turcs ou Huns, perfuadés que les Perfans, dans la furprise où ils feroient, ne fe trouveroient point en état de les repouffer, raffemblerent`une puiffante armée, qui après avoir paffé le Gihon à Termed fe répandit dans les provinces voifines. Bahram avec le petit nombre de troupes qu'il put ramaffer à la hâte fe rendit dans l'Adherbidjan; mais il étoit fi peu accompagné en fortant de Madain, que fa marche fut regardée comme une fuite. Plufieurs firent fçavoir au Roi des Huns que Bahram fe fauvoit dans l'Arménie, & les Huns croyant fe rendre maîtres de la Peren y entrant, marcherent fans ordre & fans précau

tion.

Après J. C.

L'an 420.

Bahram s'avançoit toujours vers le Derbend (a), & fuivant le bord de la mer Ca pienne, il fe rendit dans le Kharifme, furprit les Huns par derriére & les attaqua fi brufquement qu'il en tua un grand nombre avant qu'ils euffent eu le tems de fe mettre en défenfe. Les Huns abandonnerent leur Roi qui fut tué dans fa tente par Bahram & fe fauverent en défordre. Le Roi de Perfe les pourfuivit jufques fur le bord du Gihon: il paroît qu'il fit un traité avec eux, dont les conditions étoient que le Gihon ferviroit de limite entre les deux nations. Il fit éléver fur le bord de ce fleuve près de Pherbar un monu- boulfeda ment qui défignoit plus particuliérement ces bornes. Cette expédition qui paroît avoir été faite si rapidement, parce que les Hiftoriens ne nous en ont confervé aucune circonftance, a dû cependant exiger un tems affez con

(a) Suivant d'Herbelot qui rapporte ce fait, Bahram en prenant par le Derbend auroit fait le tour de la mer Cafpienne, marche trop fatigante, & qui auroit éxigé beaucoup de tems. On pou

voit croire que Bahram auroit feint
d'aller par le Derbent, d'où il feroit
revenu fur fes pas, en fuivant la côte
méridionale de la mer Cafpienne pour
fe rendre dans le Kharisme.

Après J. C. fidérable, puifque le Roi de Perfe, pour mieux furpren dre fes ennemis, femble avoir fait le tour de la mer Cafpienne. Cette marche nous paroîtroit incroyable fi nous ne l'avions vûe repétée plus d'une fois par plufieurs autres Conquerans.

L'an 457:

Jazdejerd qui fuccéda à Bahram n'entreprit aucune exPherdous pédition contre les Huns, au moins nous n'en trouvons D'Herbelot point de veftiges dans l'hiftoire. Il laiffa en mourant le

Affemani.

Chronol.
Reg Perf.

tom. 3.

L'an 462

Prifcus le
Rhet.

thrône de Perfe à Hormoz, frere cadet de Pervidz ou Phirouz. Celui-ci ne pouvant fe refoudre à être le fujet d'Hormoz, dans le tems que fon aîneffe fembloit lui donner un droit plus légitime à l'Empire, alla chercher du fecours dans le Maouarennahar & chez le Roi des Huns qui demeuroient dans la vallée de Sogd (a); il en obtint trente mille hommes, mais ils ne lui furent accordés par Khouchnaouaz Roi des Huns, qu'à condition qu'il remettroit aux Huns, lorfqu'il feroit maître de la Perfe, les villes de Termed & de Vasjard fituées fur le bord du Gihon. Phirouz le promit & marcha vers le Khorafan, refolu de faire mourir fon frere. Les Perfans du parti d'Hormoz & les Huns qui fuivoient Phirouz se rencontrerent proche la ville de Rei. Hormoz fut battu & fait prifonnier; mais un refte de tendreffe retint Phirouz qui fe contenta de releguer fon frere dans un palais. Après cette expédition les Huns retournerent dans leur pays où ils refterent affez tranquilles pendant les premiéres années du regne de Phirouz. Une famine confidérable caufée par une grande féchereffe, défoloit alors la Perfe, & ne permettoit pas aux Perfans de fonger à aucune expédition militaire. Enfuite Phirouz, délivré de ce fleau, s'occupa à bâtir les villes d'Ardebil & de Badzan-Phirouzouhi,& ce ne fut qu'après ces travaux qu'il leva des troupes dans le deffein d'aller faire la guerre aux Huns. On avoit apparemment conclu un traité de paix après la défaite d'Hormoz, puifque Phirouz étoit engagé alors à donner fa foeur au Roi des Huns que Prifcus appelle Concha.

(a) Entre Samarcande & Bokhara.

On

Après J. C.

On ignore les motifs qui porterent le Roi de Perle à ne pas observer ses engagemens ; apparemment qu'il regardoit comme une chofe honteufe qu'un chef des Huns épousât la foeur d'un Roi de Perfe. Quoi qu'il en soit, pour ne pas paroître violer les traités, il envoya une autre fille qu'il avoit fait revêtir des habits royaux. Il lui ordonna de garder un profond filence fur fa naiffance & fon état. Mais c'étoit une loi parmi les Huns que leur Roi ne devoit époufer que des femmes nobles, & que celles qui ne le feroient point, feroient mifes à mort; cette loi effraya la Princeffe fuppofée, & dans la crainte que quelqu'un ne fit connoître ce qu'elle étoit, elle prit le parti d'en inftruire elle-même le Roi des Huns. Sa fincérité fut recompenfée; on oublia en fa faveur la rigueur de la loi, elle fut mariée au Roi des Huns; mais ce Prince ne pardonna point à Phirouz cette fupercherie. Dans le deffein de s'en vanger, il feignit d'être fur le point d'entreprendre une guerre contre des peuples voifins, & fit demander à Phirouz de bons officiers. Le Roi de Perfe en envoya plufieurs qui devinrent les victimes des démêlés de leur maître. Ils ne furent pas plûtôt arrivés chez les Huns, qu'on en fit égorger une partie & qu'on renvoya en Perfe les autres tout mutilés. C'étoit là un motif plus que fuffifant pour recommencer la guerre. Phirouz fe mit en campagne & s'avança jufqu'à Gor- L'an 464. ga, vraisemblablement Korkandge dans le Kharifme. Tout ce que l'on peut fçavoir des fuites de cette guerre, c'est que les Perfans battirent les Huns & leur prirent

une

ville appellée Balaam, peut-être Talecan. On fit fans dou- L'an 475; te la paix & l'on convint des limites, puifque nous voyons qu'environ dix ans après il y eut de nouvelles conteftations à ce fujet & que Phirouz reprit les armes.

Confeffeur.

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On fe prépara de part & d'autre à foutenir cette nou- Théoph. le velle guerre & on fe mit en marche. Lorfque les deux Procop. de armées fe trouverent en préfence, les Huns qui feigni- bel Pers. rent d'avoir peur, prirent la fuite & fe retirerent dans un lieu environné de hautes montagnes & couvert d'épaiffes forêts. Quelques-uns de leurs cavaliers y engagerent Tome I.

Tt

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