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des fables? Comme parmi ces traditions incertaines ou méme fabuleuses, il s'en trouve plufieurs qui femblent avoir rapport à quelques événemens dont je parlerai dans la fuite, & qu'elles nous font connoître le fentiment de cette Nation fur fon origine; j'ai crû devoir les réunir toutes à la tête de ce volume, me réfervant à les expliquer à mesure que l'Hiftoire m'en fournira d'elle-même les occafions & les moyens..

Tatars.

Après que Noé fut forti de l'Arche, il partagea la terre Hift. géà fes trois enfans. Kham fut envoyé dans les Indes, Sem néalog. des eut l’Yran, c'est-à-dire les pays qui font fitués au Sud de la riviere Oxus, entre l'Indus & le golphe Perfique (a). Japhet habita dans les pays de Kuttup Schamach : c'est ainsi que l'on appelle ces vaftes contrées que l'on voit au Nord, au Nord-Ouest de la mer Cafpienne, & au NordEft des Indes. Il campa aux environs des rivieres Etel ou de Volga & de Jaïk. Après y avoir demeuré pendant deux cent cinquante ans, il mourut laissant huit fils (b) qui sont Turk (c), Chars, Saklab, Ruff (d), Maninach, Zwin

(a) Selon les Orientaux fon pere lui donna en partage les pays qui font fitués au Nord & à l'Orient de l'Arménie. Avant que de partir pour habiter dans ces Contrées, Noé lui fit préfent d'une pierre que les Turcs Orientaux appellent GioudéTafch ou Giour-Tufch, & les Perfans Senk-Jede, fur laquelle étoit écrit le grand nom de Dieu. Les Arabes la nomment Hajr el Mathar, c'est-à-dire pierre de la pluye: avec cette pierre on pouvoit faire defcendre la pluye du Ciel quand on le vouloit.

Japhet fut appellé Aboul-Turk, c'està-dire le Pere des Turcs.

(b) D'Herbelot en nomme onze qui font Gin ou Tchin ou Sin, le même que Zwin le pere des Chinois, Seclab celui des Efclavons, Manfchouge le même que Maninack ou Mameluk pere des Gots ou Scithes appellés Yagiouge & Magiouge. Gomari, ou Camari le Gomer de la Genêfe il porte encore le nom de Keimak; Turk le pere des Turcs; Khofar le même que Chars dont

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defcendent les Khofariens, Rouff pere
des Ruffes ou Mofcovites, Souffan, ou
Sadenan, Gaz & Tarage les peres des
Turcomans. Japhet les maria tous à leurs
propres fœurs avant qu'ils fe difperfaf-
fent.

(c) Le nom de ce Patriarche a été don-
né à toute fa poftérité. Les Orientaux le
donnent aux Tartares, aux Mogols, aux
Ygours & aux Khataiens. D'Herbelot dit
que fa poftérité fut divifée en quatre
grandes Tribus qui font Erlat, Gelair
Caouchin & Berlas ou Perlas, qui fe
partagerent fous Ogouzkhan en vingt-
quatre peuples.

(d) Selon les Orientaux ce perfonnage eft le pere des Ruffes auxquels on a donné encore le nom de Benageca, d'où M. d'Herbelot croit que les Tartares de Budziak tirent leur origine. Rouff, à ce que l'on prétend,étoit d'un naturel inquiet & turbulent. Il fit fouvent la guerre à fon frere Khofar, & l'obligea à lui abandonner les lles qui font dans le Volga. Il fit femer le bled que nous appellons de

(a), Camari (b) & Taridge(c). Il choisit Turk, en qui il avoit reconnu un efprit fupérieur, pour chef de toute la nation. Turk avoit reçu de fon pere le furnom de Japhet-Oglan, c'est-à-dire fils de Japhet: il inventa quantité de chofes utiles, il fit des tentes, demeure ordinaire de ces peuples. Il pénétra plus avant du côté de l'Orient, & vint habiter dans les pays où fe trouve le lac Iffi-kol (d) près du fleuve Ili & vers Harcas, qui eft aujourd'hui la réfidence du Khan des Calmouks.

Turk eut quatre fils (e), Taunak,Zakale, Berzazar & Amlak. Le premier lui fuccéda & fut un grand & puiffant Prince, qui inventa le fel (ƒ) & en procura l'ufage à fes fujets. Il vécut deux cent quarante ans, & laissa le Thrône à fon fils Eltchi-Khan (g). Celui-ci après un regne très

Turquie, & que les Turcs appellent Rouil & Borlgar. Il fit des loix injuftes & tyranniques. Il ôta aux enfans mâles la fucceffion aux biens de leurs peres pour la donner aux filles, & introduifit la coûtume de mettre entre les mains des garçons une épée lorsqu'ils étoient en âge de la porter. C'étoit tout leur héritage.

(a) Ce nom que l'on joint toujours à Magin défigne les Chinois Méridionaux, comme Yagiouge & Magiouge, ou Gog & Magog,défigne dans les Auteurs Orientaux les Chinois Septentrionnaux, quoique quelques-uns mettent les peuples de Yagiouge & Magiouge vers le l'ôle. Mais le voyage d'un Arabe nommé Salam, dans ce pays, fous le Kalif Watheq, nous indique la Chine environnée de cette fameufe muraille, que les Arabes attribuent à Alexandre. Gin ou Tchin ou Sin étoit pere de Magin. Il enfeigna aux Chinois la peinture, la fculpture & l'art de préparer la foye.

(b) Camari ou Gomar, à ce que prétendent les Orientaux, vint habiter près du fleuve Etel ou Volga, où il eut deux enfans nommés Bulgar & Bethas, qui fonderent chacun une ville du même nom. Le premier fut le pere des Bulgares. La ville de Bulgar n'étoit pas loin de Sarai.

(c) Les Ecrivains Orientaux donnent

encore à Japhet un fils nommé Ghaz. qui après avoir été vaincu par Turk, fe retira fur les bords du fleuve Bulgar ou Volga, & s'y établit.

(d) D'Herbelot par une tranfpofition de lettres prononce ce mot Silencai ou Silouck, & il dit que c'eft la premiere ville ou habitation du Turkeftan.

(e) D'Herbelot les nomme, Tontok ou Tontek, Gengthel, Barfegia ou Ba regia, Ilak ou Imlak.

(f) D'Herbelot attribue cette invention à Ylak qu'il fait quatriéme fils de Turk, & qui eft le même qu'Amlak. C'eft en laiffant tomber un morceau de viande qu'il mangeoit & qu'il trouva d'un meilleur gout, qu'il découvrit le fel. Les Chinois donnent à cette invention la même origine, & ils l'attribuent à Hoam-ti, un de leurs plus anciens Empercurs.

(g) Il y a deux Traditions fur le Succeffeur de Turk: les uns prétendent que ce fut Taunak, & les autres Ilmengé ou Ilmicuge, que l'on fait aufli fon fils aîné. On dit qu'il eft le pere de Dibbacaoui; en conféquence je crois qu'llmengé eft le même qu'Eltchi - Khan, qu'Aboulgazi nomme Jelza.. Ilmengé gouverna fes fujets felon les loix que fon pere lui avoit laillées : il en ajouta d'autres, & fit regner la justice dans fes

long eut pour fucceffeur fon fils Dibbacoui - Khan: le Throne paffa enfuite à Kayouк-Khan (a), fils de Dibbacoui ; & de Kaïouk à fon fils Alinge-Khan.

Jufques alors, fi l'on peut ajouter foi à ces traditions les Turcs avoient perféveré dans la connoiffance du vrai Dieu, & dans la pratique de la véritable Religion. Sous le regne d'Alingé la paix & l'abondance leur firent oublier les maximes de leurs ancêtres. Uniquement occupés des objets qui leur étoient les plus chers, on vit un fils fe faire un Dieu de l'image de fon pere, un mari de celle de fa femme, un pere facrifier à fon fils, & une femme à fon mari. Le culte que l'on rendoit à ces figures, d'abord tenu caché, ne tarda pas à devenir public.

Alingé-Khan (b) eut deux fils jumaux, l'un appellé Tatar, & le fecond Mogul ou Mung'l,entre lefquels il partagea fes Etats. C'eft du premier de ces Princes que la Tribu des Tartares prétend être defcendue, de même que celle des Mogols rapporte fon origine au fecond. Voici le nom des Princes qui regnerent fur la Tribu des Tartares. (c)

Tatar-Khan.

(d) Bukha Khan, fils de Tatar.
(e) Yalenzé Khan, fils de Bukha.
(f) Ettelé-Khan, fils de Yalenzé.

(g) Attaifir-Khan, fils d'Ettelé. Celui-ci eut de longues & fanglantes guerres à foutenir. Ordou-Khan, fils d'Attaifir.

(h) Baidou-Khan, fils d'Ordou. Ce Prince fit la guerre à

Etats. Ces Loix réduites en Corps font appellées Jaffa.

(a) D'Herbelot le nomme Gaïouk : il dit d'après Mir-khond, qu'il étoit fort libéral & qu'il aimoit la bonne chere; que les injuftices & fes violences firent regretter le regne de fon pere.

(b) On le nomme encore Jlingé. Mirkhond dans d'Herbelet eft conforme à l'Hiftorien Tartare.

(c) Cette Tribu eft une des plus anciennes & des plus fameufes de toute la Tartarie: elle étoit compofée de plus de foixante-dix mille familles, & n'avoit qu'un

feul Khan; elle fe partagea enfuite en
plufieurs branches, dont la principale alla
habiter fur les frontieres du Khataï dans
le pays de Biurnaver: elle fut reduite fous
l'obéiffance du Khatai avec lequel elle a
eu, fouvent des guerres Une autre bran-
che habita le long de la riviere Ikran-
Mouren ou Jenifea.

(d) On le nomme encore Youka,
(e) Ou Bilingé-Khan.
(f) Ou Jffali-Khan.
(g) Ou Akfour-Khan.

(h) D'Herbelot obmet ce Prince.

la nation des Mogols, & mourut avant que d'en avoir vå la fin.

Siuntz-Khan, fils de Baidou. Il fut obligé de foutenir la guerre que fon pere avoit commencée: mais il en fortit victorieux, comme j'aurai occafion de le dire dans la fuite.

Mogol-Khan & fa poftérité formerent un puiffant Empire, qui fubfifta en même tems que celui des Tartares. Le nom de Mogull eft une corruption de celui de Mung'l qui fignifie Trifte, parce que ce Prince étoit naturellement trifte: Mung dans la Langue Chinoife eft pris encore aujourd'hui dans la même acception. Le fucceffeur de Mogull-Khan (a) eft Cara-Khan (b) fon fils, Prince fort puiffant, qui pendant l'été faifoit fa résidence aux environs des montagnes Ouloug-tag & Kioutchoux - tag,. & pendant l'hiver fur les bords de la riviere de Sirr ou Jaxartes, au pied des montagnes qui font au Nord. Sous fon regne il ne refta plus de traces de l'ancienne & vraie Religion. L'idolatrie regnoit par-tout.

(4) Mogolkhan laiffa quatre enfans. 1. Curakhan, 2. Auwas-khan. 3. Cauwaskhan, 4. Carvarkhan. D'Herbelot les nomme Karakhan, Azarkhan, Ghezkhan & Orkhan. De l'aîné defcend Genghizkhan fuivant la tradition de ces Peuples.

(b) D'Herbelot dit que fa Capitale fe nommoit Cara-coum, ville fituée dans une grande plaine de fable noir, ce qui lui a fait donner le nom qu'elle porte Cara noir, coum fable. Il dit qu'elle eft dans la partie de la Scythie la plus avancée vers l'Orient, qui eft bornée par deux grandes chaînes de montagnes que l'on appelle Ar-tag & Gher-tag. L'une étoit fon campement d'hiver l'autre celui d'été. C'est ce que les Turks appellent Jailak & Kischlak. Son fils Ogouz fut, à ce que la tradition rapporte, pendant trois jours fans fe vouloir laiffer allaiter par La mere. Pendant la nuit la Princeffe eut des fonges effrayans, & crut entendre dire à fon fils, qu'il ne tetteroit point qu'elle n'eût quitté l'idolatrie: ce qu'elle fit fecrettement. A la fin de fa premiére an

Ogouz-Khar

née, comme toute fa famille étoit assemblée pour lui donner un nom, on vit enfant fe lever deffus fon berceau & dire hautement que fon nom étoit Ogouz. En âge d'être marié, Carakhan lui donna la fille de Ghazkhan son frere; mais quoiqu'elle fût très-belle comme elle étoit Idolatre, Ogouz ne la voulut point voir. La fille d'Azer-khan fon autre frere ne fut pas plus heureuse pour la même raifon, & celle d'Or-khan troifiéme frere de Cara-khan auroit éprouvé le même fort fi Ogouz ne l'eût rencontrée étant à la chaffe & ne l'eût engagée à abandonner le culte des Idoles. Dans l'abfence d'Ogouz, Carakhan affembla fes premiéres femmes & leur demanda le fujet de l'averfion du jeune Prince à leur égard. Elles lui apprirent que la Religion en étoit la caufe, & qu'elles n'avoient pas voulu avoir la complaifance d'abandonner celle du Roi. Cette réponse mit la divifion entre le Pere & le Fils, & fit naître des guerres dans lefquelles Cara-khan perdit la

vie.

(c) Ogouz-khan, fon fils & fon fucceffeur eft un Prince au fujet duquel on a rapporté un grand nombre de fables. Sa naiffance fut merveilleufe, & dès. le berceau il ne fembloit occupé que du foin de ramener les hommes à l'ancienne Religion. Il eut plusieurs femmes, mais il ne voulut avoir de commerce qu'avec celle qui étoit attachée au culte d'un feul Dieu. Cela fut caufe que fon pere Cara-khan entreprit de le faire périr. Ogouz informé de ce deffein par fa femme, raffembla tous fes amis qui fe trouverent en petit nombre. Parmi eux étoient les neveux de Cara-khan: Ogouz leur donna le nom d'OuŸgour (b), c'est-à-dire, qui vient au fecours. De-là defcend la nation des Ouïgours, fort célébre dans la Tartarie.

Cara-khan, quoiqu'avec une armée fupérieure à celle de fon fils Ogouz, fut battu & atteint d'une fléche dans fa déroute. Il mourut peu de tems après de cette bleffure laiffant le Thrône à Ogouz.

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Ogouz-khan, dans une de fes guerres fit un fi grand buttin qu'il fe trouva fort embarafé pour le faire emporter; un homme de fon armée inventa à cette occafion les chariots, & comme ils faifoient beaucoup de bruit on les appella Kunneck, & l'Inventeur Kankli. Sa poftérité a confervé ce nom d'Herbelot les appelle Cankeli on Cangheli. Un de fes Officiers qui fut tué dans un combat laiffoit fa femme enceinte, pendant la marche ne fçachant en quel lieu accoucher, elle fe retira dans un tronc d'arbre. En vieux langage Turk Kipzak fignifie un arbre vuide. Ogouz - khan informé de fon avanture, donna à l'enfant le furnom de Kipzak qui a été tranfmis à toute fa poftérité. On les appelle encore Cabgiack ou Kaptchaq.

Tome I.

Un autre Officier du même Prince s'étant arrêté pour donner du fecours à fa femme qui venoit d'accoucher pendant la route, fe trouva manquer de tout: fa femme fut fi extenuée qu'elle refta fans lait. Pour nourrir la mere & l'enfant l'Officier alla à la chaffe ; on l'amena enfuite en préfence d'Ogouz-khan mais s'étant excufé fur la caufe de fon retardement, Ogouz-Khan le renvoya lui donnant le furnom de Kall-atz, Kall, fignifie refte, & Atz qui a faim : d'Herbelot l'appelle Khaladje pour Cal-adje. Le méme Prince ayant trouvé dans fon armée quelques Soldats qui étoient arrivés long-tems après les autres parce qu'ils avoient été arrêtés par les neiges, leur impofa le nom de Karlik qui fignifie la neige. Ils font les ancêtres des Karliks, d'autres Ecrivains les appellent Cazlak ou Khaflak, cette différence vient de la fituation des points diftinctifs des lettres mal placés dans les manufcrits que les Ecrivains ont eu devant les yeux.

(b) On écrit encor Jgour & Aigour.

B

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