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A Grande Tartarie comprend à préfent tous les vaftes pays qui font renfermés entre le fleuve Etel ou Volga & la mer orientale. Au midi elle eft bornée par la Chine, par le Tibet, & par le fleuve Gihon ;au nord elle confine, dans toute fon étendue, à la Siberie. Anciennement elle portoit le nom de Scythie, & elle avoit à peu près les mêmes limites, finon que, du côté du nord, les anciens Géogra phes ne lui en affignoient aucunes, parce que tous les pays qui compofent aujourd'hui la Siberie leur étoient

inconnus.

le

Ptolémée divife la Scythie en deux grandes parties; la premiere qu'il appelle Scythie en deça de l'Imaüs ; & la feconde, Scythie au-delà de l'Imaüs. L'une étoit terminée, du côté du couchant par la Sarmatie Asiatique & par Rha ou Volga; au nord par des pays inconnus, qui, autant que l'on peut en juger, ne s'étendent pas jufqu'à Tobolsck en Siberie; au midi par les Saces & les peuples du Maouarennahar ou de la Tranfoxiane; & enfin à l'orient par le mont Imaüs. L'autre, adoffée du côté du couchant à cette même montagne & au pays des Saces, s'étendoit vers le nord jufques dans des contrées dont on n'avoit alors aucune connoiffance. A l'orient elle étoit terminée par la Tome I.

a

Serique ou la Chine & les provinces voifines comprises fous ce nom qui en dépendoient; au midi par la partie de l'Inde qui eft au-delà du Ganges. Cette divifion de Ptolémée eft en quelque façon celle de la nature. Au nord des fources du Ganges, il s'éleve une chaine de montagnes qui va gagner Khoten, Yerken & Kaschghar, courant au nord & à l'oueft. A Kafchgar, elle tourne vers le nord-eft & va jufqu'à la riviere d'Ili qu'elle fuit en remontant au nord. C'eft là ce que Prolémée appelle le mont Imaüs, par lequel il divife la Scythie en deux parties.

Cette grande chaîne de montagnes a porté différens noms, & elle eft formée de plufieurs montagnes que quelques Auteurs regardent comme fort différentes les unes des autres, & dont ils ont formé la chaîne ou le cours fort différemment. On vient de voir celle de Ptolémée. Les Chinois font, des montagnes qui font depuis Hami jufqu'à Kafchgar, une feule chaîne, & une autre depuis Kaschgar Kam-mo. jufqu'au nord de l'Inde. La premiere porte chez eux le nom. 1°. De Tien-chan ou Montagne célefte, les Huns l'appelloient dans leur ancienne langue Ki-lien ou Ki-lo-man qui repond au Tien-chan des Chinois. 2°. Sioue-chan ou Montagne de neige, parce qu'en plufieurs endroits elle en étoit couverte. Mais ce dernier nom s'étend encore à la feconde chaîne qui court depuis Kafchgar jusqu'aux Indes. Les Tartares appellent aufli ces montagnes Muf-tag qui a la même fignification que Sioue-chan. Tag fignifie une montagne, & Mus de la neige. C'eft de là fans doute que le nom d'Imaüs a été formé; au moins y a-t-il beaucoup de reffemblance entre ces deux noms. Cependant on pourroit le rapporter encore à celui d'Imeia; c'eft ainfi que les Indiens appellent les montagnes qui font au nord du Ganges & qui font partie de celle dont il s'agit. Mais pour revenir à la premiere chaîne de montagnes, elle a porté encore plufieurs autres noms que l'on verra dans la fuite, felon les différens pays qu'elle côtoyoit. La feconde chaîne de montagnes eft appellée par les Chinois Tong-ling & Sioue-chan. Celle-ci continue vers l'Eft tout le long du Nord de l'Inde jufqu'à la Chine, & laiffe appercevoir un

Hift. des
Tat.

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terrein au nord qui eft renfermé comme dans un cercle. Différens rameaux de cette montagne vont fe perdre dans les Indes.

Depuis les nouvelles connoiffances que nous avons eues de la Tartarie, nous y avons apperçu plufieurs autres chaînes de montagnes très-étendues qui fe joignent à celle dont je viens de parler, qui en font comme des rameaux & qui coupent l'Alie d'occident en orient , en faisant plufieurs grandes finuofités. Vers Kafchgar, le mont Imaüs ou la montagne du ciel continue fon cours directement à l'oueft, & enfuite au nord-oueft, en ferpentant le long du fleuve Sirr ou Jaxartes jufques vers Tharaz. Du côté de l'orient, c'eft-à-dire à Hami, la même montagne va gagner les frontieres de la Chine, fuit la grande muraille remonte au nord-eft vers le Leao-tong & fe termine fur le bord de la mer orientale. Dans toute cette grande étendue elle porte chez les Tartares le nom de Koutchouq-tag & d'Uskunlug-tugra.

Plus au nord, à l'oueft de la riviere d'Irtifch, au nord du lac Saissan, on trouve une autre chaîne de montagnes qui court directement vers l'eft, cotoyant la riviere de Selinga jufqu'au lac Paikal; de là elle va gagner la rive feptentrionale du fleuve Amour vers Nerzinskoi, & fuit ce grand fleuve jufqu'à la mer orientale : elle porte le nom d'Ouloug-tag ou de Tougra-toubouf-loug. Mais cette nouvelle chaine n'eft qu'une continuation de celle qui eft plus au midi, appellée Koutchouq-tag. Elles font jointes par un rameau qui part de cette derniere à l'ouest des fources de la Jenifeà, court du fud au nord en cotoyant la rive occidentale de cette grande riviere, jufqu'au 52 degré de latitude qu'elle trouve l'Ouloug-tag. (a) Cette chaîne étoit appellée anciennement Kutt, & aujourd'hui on la connoit fous le nom d'Altai. Ces deux grandes chaines de montagnes fe joignent encore vers le nord de la mer Cafpien

(e) Ouloug-tag fignifie grande montagne On l'appelle encore Artag ou Ortok, & on croit que les Ortokides tirent de là leur origine, le Koutchouc-tag ou la petite montagne eft nommée encore Ghen-tag. Tag fignifie une montagne, c'eft de là qu'on a formé le nom de Dagueftan, e'eft-à-dire le pays des montagnes. Les Daces, peuples connus en Europe, paroiffent tirer leur nom de ce mot.

ne, & après s'être abbaiffées confidérablement, elles fe relevent, vont gagner la ville de Samara, où elles portent le nom d'Arall-tag ou montagne des Aigles, & courant alors directement du fud au nord, elles fervent à féparer la Ruffie de la Siberie, & vont fe terminer vis-à-vis le Détroit de Naffau & la nouvelle Zemble.

Telle. eft la vafte charpente qui foutient la plus grande partie de l'Afie. A ces chaînes & furtout à celles du midi c'est-à-dire à la montagne du ciel, depuis Caschgar jusqu'à Hami,& enfuite plus au midi encore, c'est-à-dire à la chaîne qui va depuis Khoten jufqu'à la Chine, & qui fert à renfermer toute la petite Bukharie comme dans un cercle, tous les grands terreins font comme fufpendus, & s'abaissent à mefure qu'ils s'éloignent de ce centre, qui eft comme la voûte & la partie la plus élevée de tout l'édifice. De-là part une grande quantité de fleuves qui font entraînés en différens fens, felon la pente des terres, les uns du côté du midi,comme l'Indus & le Ganges qui vont fe rendre dans la mer des Indes; les autres coulent vers l'occident; ceuxci font le Gihon & le Sihon qui fe jettent dans la mer Caf pienne. L'Obi, la Jenifea, le Selinga, la Lena fe précipitent vers le nord, & fe déchargent dans la mer feptentrionale.. L'Amour, le Hoam-ho & le Kiam,après un long cours vont fe rendre dans la mer orientale. Tous ces grands fleuves. partent de la ceinture qui environne le terrein compris entre Cafchgar & la Chine d'un côté, le Tibet & la Tartarie proprement dite de l'autre. On lui a donné dans ces derniers tems le nom de petite Bukharie.

Dans cet intérieur, la terre brûlée par l'ardeur du Soleil, n'y eft plus une terre, mais une cendre fluide qui coule au gré des vents, & qui, après avoir enfeveli les voyageurs fous de grands monceaux, ne laiffe plus appercevoir qu'un fond pierreux & brûlé. La providence y a menagé cependant quelques endroits moins mauvais, comme pour fervir de paffage pour pénétrer dans les pays plus orientaux, c'est-à-dire dans la Chine. On y trouve auffi quelques rivieres. Je ne parle point de celles qui font le long des montagnes; celles-ci n'ont pas un grand cours, je parle

'de deux ou trois qui fortent de la partie des montagnes qui eft à l'occident, c'est-à-dire vers Kaschgar & Khoten, & qui coulent vers l'orient. L'une, foit que le terrein n'ait pas affez de pente, foit les fables accumulés en emque pêchent le cours, s'arrête & fe perd au milieu du defert. Les deux autres vont plus loin, & après s'être réunies, elles fe jettent dans un grand lac appelle Lop, qui eft fitué dans la partie la plus baffe de tout ce grand terrein. Les anciens Chinois penfoient que les deux fleuves dont je viens de parler étoient le même que le Hoam-ho, qu'après être entrés dans le lac de Lop,ils s'enfonçoient dans des abîmes, paffoient par-deffous les terres, & repareffoient dans l'endroit où le Hoam-ho prend fa fource. Cette derniere idée mife à part, Ptolémée paroît avoir auffi confondu le Hoamho avec ces deux fleuves fous le nom d'Oechardes.

Après ces refléxions générales fur toute la Tartarie, je viens à la Description plus particuliere de fes différents pays. D'abord je parlerai de ceux qui font fitués entre Kafchgar & la Chine, c'eft-à-dire de la Scythie au-delà de l'Imaüs & d'une partie de la Serique ; car il paroît que ce nom ne doit pas appartenir à la feule Chine feptentrionale, comme quelques-uns l'ont prétendu,mais qu'il faut encore y joindre les conquêtes des Chinois du côté de l'occident, c'est-à-dire Hami, Turphan & les autres pays voisins dont ils étoient maîtres. De-là je pafferai à la Scythie, qui eft au nord d'Igour, & qui doit faire partie de celle dont je viens de parler; mais dont Ptolémée n'a point eu de connoiffance, ou tout au plus, dont il n'a cité que quelques noms. Enfuite je viendrai à la Scythie en deça de l'Imaüs, qui comprend le Captchaq & le Maouarennahar. Je m'attache principalement aux anciens Géographes Chinois, afin de faire connoître l'état & la fituation de ces pays, fous la Dynaftie des Han, c'est-à-dire environ deux fiécles avant Jefus-Chrift, & un siécle après. S'il est furvenu dans la fuite des changemens par rapport aux limites des Empires & des Royaumes de cette contrée l'Hiftoire nous les fera connoître à mesure qu'ils fe préfenteront dans l'ordre des tems. Mais afin que ceux qui

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