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l'Aftrologie, ainfi que les autres Titans, elle devint fort habile dans l'art de prédire l'avenir; & après fa mort elle eut des Temples où fe rendoient des Oracles. Ovide parle (1) de celui qu'elle rendoit fur le Parnaffe, du temps du (1) Met. I. x. Déluge de Deucalion fon petit-neveu, qui n'arriva fieurs années après la mort de cette Princeffe.

que pluRemarquons en paffant 1°. que la fable se soutient mal; car puifqu'elle nous apprend que la Terre avoit rendu des Oracles au même endroit avant Themis, comment fe peut-il faire que celle-ci ait été l'inventrice de la Divination? Remarquons en fecond lieu, que fuivant Feftus, c'étoit Themis qui commandoit aux hommes de demander aux Dieux ce qui étoit jufte & raisonnable: qu'elle préfidoit aux conventions qui se font entre eux, & tenoit la main à ce qu'elles fuffent obfervées.

Pour le culte de cette Déeffe, l'Antiquité ne nous en a rien confervé, finon que, felon Paufanias (2), elle avoit un (2) In Attic. Temple à Athenes affez près de la citadelle. Il ne nous refte auffi aucun monument ni aucune ftatue de cette Déeffe: nous fçavons feulement par l'Auteur que je viens de citer (3), que dans le Temple que Junon avoit en Elide, & fur (3) In Eliac. le même trône où étoient les ftatues de Jupiter & de Junon, on voyoit aufli celles des Heures & de Themis leur mere.

CHAPITRE VIII.

Où l'on examine en quel temps vivoient Saturne, Jupiter, & les autres Titans, & quand on a commencé à leur

rendre les honneurs divins.

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Ous avons déja dit que plusieurs perfonnes avoient por-

quelques-uns des plus connus. Il ne s'agit donc ici que du Prince Titan qui porta ce nom ; & quoique l'Antiquité nous ait laiffé peu de lumieres fur le temps auquel il a regné, je crois

Tome II.

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adv. Ant.

Janus.

cependant qu'on peut le déduire de la Généalogie de Deuca lion. Les Marbres de Paros placent en la neuvième année de Cecrops fon regne dans là Lycorie, proche le Parnaffe. C'est ainfi qu'ils s'en expliquent, contre le langage de Pausanias, qui veut que Lycorie ait été, non une Province, mais une ville fituée fur le fommet d'une montagne. Cette époque eft très-considerable, parce qu'on en peut faire ufage pour déterminer le temps où les Dieux de la Grece, Uranus, Chronos, & Zeus ont vécu, puifque Deucalion étoit leur parent très-proche, felon la généalogie d'Apollodore.

On peut avec le fecours de cette époque déterminer à peu près l'âge de Jupiter, qui ayant regné foixante-deux ans, peut avoir commencé 1842. ans avant l'Ere vulgaire, & fera mort 1780. ans avant la même Ere, quelque tems avant Inachus. Deucalion, fans doute, profitant de la foibleffe, ou de l'indolence des enfans des fucceffeurs de Jupiter, se sera approché des frontieres de la Theffalie, & aura commencé un nouvel établissement vers le mont Parnaffe, environ 1573. ans avant l'Ere vulgaire.

On peut tirer encore pour établir cette époque, quelques fecours du témoignage de Tallus, qui au rapport de Theo(1) Liv. 3. phile d'Antioche (1), dit pofitivement que Chronos, ou Saturne vivoit 321. ans avant la prife de Troye, ainfi que nous (2) Hist.de l'avons déja dit (2): ce qui ne s'éloigne pas beaucoup de la date que je viens de déduire de la généalogie de Deucalion ; & s'accorde affez avec l'opinion la plus commune entre les Sçavans qui font vivre Saturne du temps d'Abraham, vers l'an 1914. avant Jesus-Chrift, & Jupiter du temps d'Isaac; comme auffi avec les Auteurs profanes, qui font contemporain Belus avec Saturne.

Le fouvenir de Noé & de fes enfans étoit encore affez recent, ainfi que la tradition du partage qu'ils avoient fait enfemble, & de leur féparation; & c'eft ce qui fait croire qu'on a embelli l'hiftoire des Princes Titans, des avantures (3) Phaleg. des defcendans de Noé. Les traits de vraisemblance qu'on y trouve ont paru fi grands au fameux Bochart (3), qu'il a cru que la famille des Princes Titans étoit la même que

1.1. c. I.

celle des Patriarches; que Saturne étoit le même que Noë; que Jupiter, Neptune & Pluton étoient Sem, Cham & Japhet; que la cruauté qu'exerça Jupiter à l'égard de fon pere, n'eft qu'une mauvaise imitation de l'indifcrette curiofité de Cham (a); que le partage des enfans de Noé eft le même que celui des fils de Saturne; en un mot, il fait des uns & des autres des paralleles fort reffemblans. Gerard Voffius, le P. Thomaffin de l'Oratoire, M. Huet, & en dernier lieu M. Fourmont l'aîné, ont trouvé encore d'autres traits de reffemblance entre les Patriarches & ces premiers Dieux du Paganifme, ainfi qu'on peut le voir dans leurs Ouvrages. Ce dernier, fur-tout dans le parallele de Saturne, ou Moloch, (1) Liv. VIII. avec Abraham, que nous avons rapporté dans le premier Vo- hift. de Molume (1), femble avoir encheri fur les autres. Mais fans comp- loch. ter qu'il n'eft rien de fi aifé que de trouver des traits de reffemblance entre differentes perfonnes, on ne fçauroit me perfuader que l'hiftoire de nos premiers Peres, ait été affez connue des infideles, pour qu'ils ayent formé leurs Dieux & leurs Heros fur leur modele, comme on l'a dit dans l'onziéme fource des fables. Ainfi tout ce qu'on fçauroit accorder à ces Sçavans, c'eft,non que la famille des Patriarches foit la même que celle des Princes Titans, puifqu'on ne fçauroit les confondre fans renverfer ce que l'Antiquité profane a de plus célébre; mais feulement, que les Grecs ont pu apprendre des Orientaux quelques particularités de l'hiftoire des Patriarches, qu'ils ont ajustées à celle de Saturne & de Jupiter.

Telle eft l'hiftoire de ces premiers Dieux de la Grece. Ceux dont l'hiftoire fera la matiere des Chapitres fuivans en defcendent, & reconnoiffoient prefque tous Jupiter pour pere.

(a) Il prétend que le même mot Phenicien qui fignifie demonstravit patris nuditatem, veut dire auffi, patrem caftravit.

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E commence l'Hiftoire des Dieux de cette feconde race par celle de Minerve, la plus noble production de Jupiter. Rapportons d'abord la Mythologie Grecque à fon fujet, puis nous rechecherons fa véritable origine. Ciceron reconnoît cinq Déeffes de ce nom: « J'ai déja parlé, dit-il, d'une Minerve, mere d'Apollon. Une autre, iffue du Nil, eft » honorée à Saïs ville d'Egypte. Une troifiéme dont j'ai par»lé auffi, fille de Jupiter. Une quatrième, née de Jupiter » & de Coryphé fille de l'Ocean, nommée par les Arcadiens, Corie, & à qui l'on doit l'invention des chars à quatre chevaux de front. Une cinquième, que l'on peint avec » des talonnieres, eut pour pere Pallas, à qui, dit-on, elle » ôta la vie, parce qu'il vouloit la violer (a).

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Saint Clement d'Alexandrie, celui des Peres de l'Eglise qui connoiffoit le mieux l'Antiquité profane, & qui avoit lû un grand nombre d'Auteurs, dont le temps nous a enlevé les Ouvrages, reconnoit auffi cinq Minerves, mais pour leurs parens, il differe un peu de Ciceron. La premiere, étoit Athenienne, & fille de Vulcain; la feconde Egyptienne, fille du Nil; la troifiéme qui avoit Saturne pour pere, avoit inventé l'art de la guerre ; la quatriéme fille de Jupiter; la cinquième enfin, étoit fille de Pallas & de Titanide fille de l'Océan, laquelle après avoir ôté la vie à fon pere, l'écorcha, & fe couvrit de fa peau.

D'abord il fe prefente un Enigme impénétrable au sujet de

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(1) Voyez qui a été dit cette guer

à l'occafion

la naiffance de cette Déeffe. Jupiter, dit-on (a), après la guerre des Titans, fe voyant, du confentement des autres Dieux, maître du Ciel & de la Terre, époufa Metis qui paffoit pour la plus fage fille qui fût dans le monde mais la voyant prête d'accoucher, & ayant appris du Ciel qu'elle alloit mettre au monde une fille d'une fageffe confommée, & un fils à qui les Deftinées refervoient l'Empire du monde, il la dévora; & quelque temps après fe fentant une grande douleur de tête, il eut recours à Vulcain, qui d'un coup de hache lui fendit le cerveau, d'où fortit Minerve toute armée, & dans un âge même affez avancé ; de forte qu'elle fut en état de secourir fon pere dans la guerre des Geants, où elle fe diftingua beaucoup (1). Jupiter, fuivant quelques Auteurs, étoit déja marié avec Junon; & il ne prit le deffein de mettre Mi- ce nerve au monde, que parce que Junon étoit ftérile. Cette de fiction a toujours paru myftérieufe, & ceux qui ont entrepris re de l'expliquer, fe font jettés dans differents partis. De Sçavans Modernes ont crû qu'elle renfermoir les vérités les plus fublimes de la Philofophie, & cette parole (2) qui avoit créé toutes choses; c'est-à-dire, l'idée éternelle qui avoit été le modele de tout ce que l'Etre fouverain avoit mis au monde (b); qu'on avoit voulu marquer l'égalité de puiffance entre cette Déeffe & fon pere, en lui donnant le redoutable Egide (3),qu'aucun autre Dieu que lui ne pouvoit porter ; & que fion (3) Voyez avoit dit qu'elle étoit la Déeffe des Arts & des Sciences', c'eft qu'elle étoit l'intelligence de fon pere; enfin qu'on ne lui avoit confacré la Chouette, le Dragon & le Coq, que pour marquer fa vigilance, & nous apprendre que la véritable fageffe ne s'endort jamais. Mais fi on demande à ces Auteurs, où les Poëtes avoient pris ces hautes idées de la plus fublime Théologie, ils répondent que c'étoit dans les Livres de Mercure Trifmegifte, cet Auteur célebre qui fembloit avoir pénétré le myftere de la Trinité; mais ces Livres ne:

(a) Voyez Homere Hyran. de Pallas. Hefiod. Theog. Philoftr. Tableau de la naiffance de Minerve, & Lucien, Dial. de Jupiter & de Vulcain.

(6) Que S. Paul appelle, figura fubftan tiæ ejus. Voyez faint Auguftin, liv. 7. de la Cité de Dieu, après Varron.

(2) λόγος.

Homer. 1. 6.

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