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tatis. Ces malheureux, après avoir ainfi tiré leur fang par ces cruelles incisions, en faifoient un facrifice à cette Déeffe. Il paroît que dans la fuite cette cruauté n'étoit que fimulée. Ces Prêtres étoient des fanatiques, qui dans leurs enthousiasmes prédifoient la prise des villes, la défaite des ennemis, & n'annonçoient que fang & que carnage; ce qui fait dire à Juvenal (1):

Sed & fanaticus æftro

Percuffus, Bellona, tuo divinat, &c. (a).

Le culte de Bellone, quoique célébre à Rome, l'étoit beaucoup davantage à Comane: il y avoit deux villes principales de ce nom, où elle étoit honorée d'un culte particulier, ainsi qu'on l'a dit plus au long dans le Tome I.

Bellone paroît fur quelques monumens & fur les Medailles des Bruttiens avec Mars, armée d'une pique & d'un bouclier; mais il est très difficile de la diftinguer de Pallas, comme nous l'avons dit dans le premier Tome.

(a) On peut confulter Rofin, Ant. Rom. L. 4. ch. 10. & Cafaubon fur Lampridius, Loc. cit.

(1) Sat. 4. V. 124.

A

СНАРITRE Х.

Hiftoire de Mars & de la Victoire.

BELLONE & à la guerriere Pallas il eft naturel de join dre le Dieu des combats. Mars, appellé Arès par les Grecs, étoit felon Homere (2) & les autres Poëtes Grecs, (2) Iliad.l.1. fils de Jupiter & de Junon; & ce n'eft que parmi les Poëtes Latins qu'on trouve la fable ridicule qui dit que Junon piquée de ce que Jupiter avoit mis au monde Minerve fans fa participation, avoit conçu Mars en touchant dans une prairie une fleur que la Déeffe Flore lui avoit montrée: fiction inconnue à la plupart des Anciens, & qui apparemment n'a d'autre fondement que quelque allégorie qu'il eft fort inutile

Gen. des

(1) Boccace de vouloir pénétrer ; ou qui n'a été inventée, comme le prétend un ancien Mythologue (1), que fur le caractere feroce Dieux. 1. 19. de Mars, qu'on n'a pu s'imaginer avoir été fils d'un Prince

(2) Dial. de la danfe.

auffi poli que Jupiter. Il eft vrai qu'Apollodore dit dans fa Bibliotheque, que Junon mit au monde le Dieu Mars, fans la participation d'aucun homme; mais il ne dit rien du refte de la fable.

Quoiqu'il en foit, Lucien nous apprend (2) que Junon fit élever le jeune Mars par Priape qui, felon le même Auteur, étoit l'un des Titans ou des Dactyles Idéens ; qui lui apprit la danfe & les autres exercices du corps, comme les préludes de la guerre ; & que d'un Dieu ruftique & groffier ilen fit un grand Capitaine (a). Les Bythiniens, ajoute l'Auteur que je viens de citer, difent que c'eft pour cela qu'on offre à Priape la dixme des dépouilles qui font confacrées au

Dieu Mars.

Pour bien démêler l'hiftoire de ce Dieu, il eft bon de diftinguer plufieurs Princes de ce nom. Le premier, à qui Diodore attribue l'invention des armes, & l'art de ranger les Troupes en bataille, eft fans doute Belus, que l'Ecriture ap(3) Gen. c. 5. pelle Nembrot, ce fort chaffeur devant le Seigneur (3), qui après avoir exercé fon adreffe contre les bêtes féroces, s'en fervit contre les hommes ; & en ayant fubjugé un grand nombre, s'en fit déclarer Roi. Justin donne à Ninus, & la Chronique d'Alexandrie à Thutas l'un de fes defcendans, ce que Diodore de Sicile dit de Belus. Hygin nous apprend (4) qu'on donna à cet ancien Roi de Babylone le nom de Belus, à caufe qu'il étoit (b) le premier qui avoit fait la guerre

(4)Fabl.274.

aux animaux.

Le fecond Mars étoit un ancien Roi d'Egypte : le troifiéme étoit Roi de Thrace, nommé Odin, qui fe diftingua fi fort par fa valeur & par fes conquêtes, qu'il mérita parmi ce peuple belliqueux les honneurs du Dieu de la guerre,

(a) Comme la Mythologie varie beau- | coup fur toutes ces anciennes fictions, pluheurs Auteurs prétendent que ce fut Mars qui apprit à Priape la danfe & la guerre, Homere donne en effet à Mars l'épi

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thete de danfeur.

&

(b) Belus à Belluis; mais peut-on compter fur une étymologie Latine, tirée d'un nom qui certainement n'y a aucun rapport?

c'eft celui qu'on nomme Mars Hyperboréen. C'eft apparemment de celui-là que Paufanias dit (1) qu'il fut nourri par une (1) In Lacon. femme de 1hrace nommée Thero, qui étoit peut-être fa

mere.

Le quatriéme eft appellé le Mars de la Grece, furnommé Arès; le cinquiéme & le dernier eft le Mars des Latins, qui entra dans la prifon de Rhea Sylvia, & la rendit mere de Remus & de Romulus: & celui-là étoit Amulius frere de Numitor. Enfin on donna le nom de Mars à la plupart des Princes belliqueux, & chaque pays fe fit honneur d'en avoir un, ainsi qu'un Hercule. On le trouve en effet parmi les Gaulois fous le nom d'Hefus; & cet ancien Peuple, fi nous en croyons Lucain, & après lui Lactance (a), lui immoloit même des victimes humaines (b).

On le trouve auffi parmi les Scythes, qui l'honoroient foust figure d'une Epée, & chez les Perfes, fous le nom d'Orion, qui étoit le même, si nous en croyons Voffius (2),, (2) De Idol. que le fameux Nembrot, dont on changea le nom dans le temps de fon Apothéofe. Enfin Julien l'Apoftat fait mention d'un Mars d'Edeffe, furnommé Azifus (3).

1.1.c. 16.

(3) Orat. 4.

Les Grecs ont chargé l'hiftoire de leur Mars des avantures de tous ceux que je viens de nommer. Ce qu'on fçait de particulier de lui, c'eft l'avanture qui lui arriva avec Allirrotius fils de Neptune. Ce jeune Prince, comme nous l'apprennent Apollodore (4), Paufanias (5), Demofthene & Plutar- (4) Bibl. I. 1. que, étant amoureux d'Alcippe fille de Mars, & ne pou- (5) In Atticis. vant la rendre fenfible, lui fit violence; ce qui irrita fi fort

fon

pere contre ce témeraire, qu'il lui ôta la vie. Neptune défefperé de la mort de fon fils, fit appeller Mars en jugement, & les plus graves Athéniens s'étant affemblés fur une. affaire fi férieufe, le déclarerent innocent; & le purgerent à la maniere accoutumée Le lieu où fut porté ce célébre jugement, fut appellé l'Aréopage, nom formé de celui de Mars qu'on nommoit Arès, & du mot Pagos, parce qu'on

(a) Galli Hefum & Teutatem fanguine humano placabunt Deos. La& l. 1. c. 21. (b)Et quibus immitis placatur fanguine cafo

Teutates, horrenfque feris altaribus He--
fus. Pharf. I. 1.

s'étoit affemblé sur une hauteur: ou bien, ce qui revient à peu près au même, dApñs magos, Martis rupes, la roche de Mars; & voilà, pour le dire en paffant, l'origine du fameux Tribunal de l'Areopage, fi connu dans la fuite. Ce célebre évenement, qui fait une époque considérable dans l'Hiftoire Grecque, arriva, fi nous en croyons la Chronique de Paros, fous le regne de Cranaüs, c'eft-àdire l'an 1560. avant Jefus-Chrift (a). Comme on n'écrivoit guéres dans ces tempslà d'évenement fans l'embellir, on dit que Mars avoit été abfous par le jugement des douze grands Dieux, parce que les Juges qui travaillerent à fon procès, étoient au nombre de douze, des premieres familles d'Athénes.

Servius raconte autrement cette avanture; mais il convient qu'elle donna lieu à l'érection du Tribunal de l'Areopage. Allirrotius, felon cet Auteur, pour venger la défaite de fon pere que Minerve avoit vaincu, réfolut de couper tous les oliviers autour d'Athenes, parce qu'ils étoient confacrés à cette Déeffe; mais la coignée lui étant tombée de la main, il en fut bleflé, & en mourut quelque temps après. Neptune fon pere accufa le Dieu Mars fon ennemi de la mort de fon fils; mais celui-ci fut abfous par le jugement de l'Areopage.

Il falloit que le Poëte Efchile ignorât ces deux traditions, quand il compofa fa Tragédie des Eumenides, puifqu'il fait dire à Minerve, que le lieu où fe tenoit le Tribunal de l'Aréopage, avoit pris ce nom lorfque les Amazones y avoient immolé des victimes au Dieu Mars, & que la premiere cause qui y fut agitée, fut celle d'Orefte; mais nous fçavons (1) Bibl.1. 3. par Apollodore (1), que Cephale y avoit été jugé long-temps auparavant, & condamné à un exil perpetuel, quoique le meurtre de Procris fa femme eût été involontaire ; & que Dédale, pour avoir précipité fon neveu Talus du haut de la citadelle de Minerve, après y avoir pareillement été condamné, fut obligé de chercher retraite à la Cour de Minos, comme nous le dirons dans fon hiftoire. Or Céphale & Dédale vivoient avant la guerre de Troye, & ce ne fut

(a) Voyez les Interprétes de cette Chronique.

qu'après

qu'après la prife de cette ville qu'Orefte fut abfous.

Arnobe qui vouloit prouver aux Payens que le Mars de la Grece n'étoit qu'un homme déifié, nous apprend plufieurs particularités de fon Hiftoire. Il leur reproche d'abord qu'ils fçavoient bien qu'il étoit né à Sparte, ou felon d'autres, dans les extrémités de la Thrace; qu'il avoit demeuré treize mois en Arcadie dans une prifon où les Aloïdes le tinrent enfermé (1); que dans la Carie on lui immoloit des chiens, & chez les Scythes des ânes (a).

(1) Voyez l'hiftoire des Enfers.

Il ne nous refte maintenant qu'à expliquer les noms que les Anciens ont donné au Dieu dont nous faifons l'hiftoire. Les Grecs l'appelloient Arès, dommage, à caufe des maux que caufe la guerre ; mais il y a apparence que ce nom vient de l'Hebreu Arits, qui veut dire, fort, terrible. Les Latins tiroient le nom de Mars de Mares, mâles, parce que ce font les hommes qu'on employe à la guerre. Ils l'appelloient encore Gradivus, & Quirinus, & mettoient cette différence entre ces deux noms, que le premier repréfentoit ce Dieu pendant la guerre, & l'autre pendant la paix. Ils avoient même deux Temples dédiés à cette Divinité fous ces deux titires; l'un dans la ville, & l'autre hors des portes. Les Romains dans l'Apothéose de Romulus, donnerent à ce premier Roi de Rome le nom de Quirinus, pour foutenir la fable de sa naiffance, qui le faifoit paffer pour le fils de Mars. Denys d'Halicarnaffe nous apprend (2) que les Sabins donne- (2) Liv. 2. rent le même nom à leur Dieu Enyalius, & il n'ofe affùrer si c'étoit Mars lui-même : mais comme cet Auteur ajoute que le même Peuple appelloit une lance, Cures, d'où les Latins formerent le nom de Quirinus, il y a bien de l'apparence que c'eft la même Divinité, & que la lance en étoit le fymbole parmi eux, comme l'épée chez les Scythes. Les mêmes Sabins, felon le témoignage de Varron, appelloient Mars

(a) Quis Spartanum fuiffe Martem, non- Scythis afinos immolari ? Non principaliter ne Epicharmus autor vefter? Quis in Thra- cum cæteris Apollodorus? Quis dum genitacia finibus procreatum, non Sophocles At-libus infultat alienis, hafifle in laqueis inricus?... Quis menfibus in Arcadia tribus volutum, non Commentarii veftri, non Sce&decem vinctum? Non Milo fluminis fi- na? Arnob. 1. 4. Adverf. Gent. lius? Quis ei canes à Curibus, quis à Tome II.

V

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