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Mamercus, & ce nom fut donné enfuite à la famille Emilia. Le nom d'Enyalius, lui venoit de Bellone, & paroît confirmer le fentiment de ceux qui difent qu'elle étoit fa mere. Celui de Thurius, marque fon impetuofité dans les combats.

Les Grecs & les Latins donnoient fouvent à Mars le nom ou l'épithète de Dieu commun, ainsi qu'on peut le voir dans Homere, dans Ciceron, & dans Servius fur le huitiéme de l'Eneide; & il eft bon de fçavoir qu'on appelloit ainfi les Dieux qui favorifoient également tous les partis. Les Romains & les autres Peuples Latins lui donnoient auffi l'épithète de Pater, pere: ils l'appelloient auffi, Sylveftris, & on l'invoquoit, felon Caton, pour la confervation des biens de la campagne. Les anciens Latins le nommoient Salifubfulus, à caufe des danses guerrieres, comme nous le dirons dans la fuite, en parlant de fes Prêtres. On lui donnoit quelquefois l'épithete Cacus, ainsi qu'on le voit dans Virgile, cæco Marte refiftunt. On trouve dans Homere celle de Refiftant, & dans d'autres Poëtes celles de Corithaix, comme qui diroit branlant fon cafque; de fanguinaire, de cruel, de terrible, &c. qui lui convenoient parfaitement.

On a publié un grand nombre de fables au fujer de ce Dieu, qui ne nous arrêteront pas beaucoup, & dont le fens fe découvre aifément; comme quand on a dit ; que fon chariot étoit traîné par Bellone; que fes chevaux, nés de Borée & d'Erynnis, fe nommoient la terreur & la crainte; que ce Dieu fut bleffé au Siege de Troye par Diomede; que fur fa cuiraffe étoient peints plufieurs monftres ; que la Fureur & la Colere ornoient fon calque; que la Renommée le dévançoit par-tout où il alloit; que la Fureur marchoit devant lui, &c.

Quoique Mars ait été adoré en plufieurs lieux, il n'y en a point où il l'ait été antant qu'à Rome, où il avoit plufieurs Temples, parmi lesquels celui qu'Augufte lui dédia après la bataille de Philippe, fous le nom de Mars le Vengeur, étoit des plus célébres. Parmi les Colléges Sacerdotaux celui des Saliens, Prêtres de Mars, qui étoient deftinés à garder les Anciles, ou les Boucliers facrés, devoit fon inftitution à Numa Pompilius, qui l'établit à l'occasion d'un évenement rap porté par Denys d'Halicarnaffe.

Un Bouclier étant tombé du ciel, on confulta les Harufpices fur ce prodige, & ils répondirent que l'empire du monde étoit deftiné à la ville où ce bouclier feroit confervé. Numa Pompilius, de peur qu'il ne fût volé, en fit faire plufieurs tout-à-fait femblables, afin qu'on ne pût pas reconnoître le véritable, & les fit mettre au Temple de Mars. Plutarque ajoute: « que le Roi Numa prédit des chofes merveilleufes fur ce Bouclier, qu'il difoit avoir apprises d'Egerie & des Mufes : cet Ancile (a), difoit-il, étoit envoyé " pour le falut de la ville, & il falloit le garder avec onze autres de même figure & de même grandeur, afin que la difficulté de le reconnoître empêchât les voleurs de le pren>dre. Ce fut Mamurius qui fabriqua ces boucliers, & n'eut >> d'autre récompense de fon travail, que la gloire de les avoir faits."

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Graces aux monumens qui nous reftent, nous connoiffons la forme de ces boucliers, & la description qu'en fait le dernier Auteur que je viens de citer, eft celle qui approche le plus de la verité. Ils ont, dit-il, une échancrure en forme de coquille, & à caufe de cela ne font pas tout-à-fait ronds; ce feroit plûtôt des ovales, fi l'échancrure qui eft des deux côtés n'en alteroit la forme : leur plus grande longueur paroît être de deux pieds & demi.

Numa Pompilius avoit reglé le nombre des Saliens à douze, Tullus Hoftilius en doubla le nombre, ainfi que celui des Anciles. Au refte la cérémonie de porter ces boucliers dans les fêtes publiques, fe faifoit ainfi. On les ôtoit de leur pla ce, & les Saliens les portoient en proceffion par la ville, en fautant, danfant, & chantant des vers qui avoient rapport à la folemnité. La fête duroit treize jours, & commençoit aux Kalendes de Mars. Pendant tout ce temps-là, il n'étoit pas permis de rien faire de quelque conféquence, de fe marier, d'entreprendre de voyage, ou une expedition militaire: ce qui s'obfervoit religieufement dans les plus anciens temps; mais dans la fuite on fe relâcha un peu de cette coutume.

lia.

(4) C'eft le nom que les Latins donnoient aux boucliers, qu'ils appelloient Anci

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Les anciens monumens reprefentent Mars d'une maniere affez uniforme, fous la figure d'un homme armé d'un casque, d'une pique & d'un bouclier; tantôt nud, tantôt avec l'habit militaire, même avec un manteau fur les épaules: quelquefois barbu; mais le plus fouvent fans barbe; quelquefois enfin avec le bâton de commandement à la main. Mars vainqueur paroît portant un trophée, & Mars Gradivus eft representé dans l'attitude d'un homme qui marche à grands pas, quelquefois il a fur la poitrine un Egide avec la tête de Medufe. Les Scythes, comme nous l'avons dit en parlant de leurs Dieux, honoroient Mars fous la forme d'une épée ; & les Romains, fuivant le témoignage de Varron, rapporté par Clement d'Alexandrie, le reprefentoient fous celle d'une lance, avant qu'ils euffent trouvé l'art de donner la figure hu maine à leurs ftatues ; coutume qu'ils avoient apprise des Sa bins.

La Victoire.

(1) Les Grecs: A MARS & à Bellone nous devons joindre la Victoire (1), l'appelloient être imaginaire dont les Grecs avoient fait une Divinité (2) Theog. qu'Hefiode (2) dit être la fille de Styx & de Pallante, ou de l'Acheron, fi nous en croyons Phurnutus. Les Anciens ajoutent qu'elle affifta Minerve dans le combat des Geants. Paufanias nous apprend que cette Déeffe avoit plufieurs Temples dans la Grece, & Tite-Live parle de ceux qu'elle avoit à Rome. Lorfque les Romains firent venir de Peffi nunte la Déeffe de Phrygie, ils porterent fa ftatue dans le Temple de la Victoire, jufqu'à ce qu'on lui en eût bâti un. Mais les Temples qu'elle avoit à Rome n'étoient pas les plus anciens de l'Italie, puifque Denys d'Halicarnaffe (3) nous apprend que les Arcadiens à leur arrivée en ce pays-là, lui en firent bâtir un fur le mont Aventin. Sylla au rapport de Ciceron, établit des Jeux en l'honneur de cette Déeffe..

(3) Ant. 1. 1.

La Victoire, comme il paroît par les Medailles & par les Marbres, étoit toujours représentée avec des ailes, volant dans les airs, & tenant dans la main une couronne, ou une palme: mais les Egyptiens la repréfentoient fous la figure d'un

Aigle, oiseau toujours victorieux dans les combats qu'il a avec les autres. Les Romains fe fervoient quelquefois pour la repréfenter du Laurier ou de la Palme. Quelquefois on la voit montée fur un Globe, pour nous apprendre qu'elle domine fur toute la terre; & c'eft ainfi qu'elle paroît fur les Medailles des Empereurs, parce qu'ils fe regardoient comme maîtres du monde. Quand on vouloit défigner une bataille navale, on la peignoit montée fur une proue de Navire, & lorfqu'elle tient un Taureau par le mufle, elle indique les Sacrifices qu'on faifoit après avoir remporté quelque avantage.

&

On a donné plufieurs noms à cette Déeffe, comme à tous les autres Dieux du Paganifme. Plutarque nous apprend que les Egyptiens la nommoient Naphthé, fans nous avoir appris ce que fignifioit ce nom. Les Sabins, au rapport de Varron, l'appelloient Vacuna, & de ce nom étoit venue la fête que les Anciens nommoient Vacunalia. Les Grecs lui donnoient l'épithete d'arros, qui veut dire fans ailes Paufanias dit que les Atheniens la représentoient ainsi pour l'engager à demeurer avec eux. Une Victoire de Rome, dont les ailes furent brûlées d'un coup de foudre, donna lieu à une jolie Epigramme: Rome Reine du monde, votre gloire ne Scauroit perir, puifque la Victoire n'ayant plus d'ailes, ne peut plus s'envoler. Pifon nous apprend qu'on donnoit à cette Déesse le nom de Vitula, & quoiqu'on rapporte plufieurs étymologies de ce mot, je m'en tiens à celle qui le fait venir de voce lætari, se rejouir, à caufe de la joye qui accompagnoit les facrifices qu'on lui faifoit.

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Il ne fera pas difficile d'entendre les autres épithetes qu'on lui donnoit; telles que Eteralcea dont fe fert Homere, pour nous apprendre qu'elle inclinoit des deux côtés ; celle de Præpes & de Volucris, pour marquer fa légereté; celle de Cœligena, que , que lui donne Varron, parce que la Victoire vient du ciel, & ainfi de quelques autres.

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Enfin il paroît par les Anciens qu'on ne lui offroit rien de fanglant en facrifice, mais feulement des fruits de la terre.

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Hiftoire de Venus, de Cupidon, de Pfyché, & des Graces.

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y a peu de fujets dans l'Antiquité fabuleuse sur lesquels les beaux efprits de la Grece ayent donné plus d'effor à leur imagination, que celui que j'entreprends de traiter dans ce Chapitre; & dès-là il n'y en a point où ils ayent plus obfcurci l'ancienne & véritable tradition. Hefiode fait naître Venus de l'écume de la mer, & du fang des parties mutilées de Cœlus que Saturne avoit jettées dans la mer. De ce mê lange affreux nâquit, au dire de ce Poëte, la plus belle des Déeffes, aux environs de Cythere, d'où elle afla en Chypre. Les fleurs naifoient fous fes pas; & accompagnée de Cupi don fon fils, des Jeux, des Ris, & de tout l'attirail de l'Amour, elle fit également la joye & le bonheur des hommes & des Dieux. Les Poëtes faififfant cette riante idée, enche rirem à l'envi les uns des autres dans les defcriptions qu'ils firent de cette Déeffe: les Peintres & les Sculpteurs les imites rent,& la Déeffe parur toujours accompagnée de tout ce qu'il y á de plus aimable. Regardez attentivement cette Venus Fouvrage du fçavant Apelles, dit Antipater de Sidon: voyez comme cet excellent maître a parfaitement exprimé cette seau pleine d'écume, qui coule au travers de fes mains & de fes cheveux, fans rien cacher de leurs graces: auffi dès que Pallas l'eût apperçue, elle tint à Junon ce difcours ; Cedons, cedons, & Junon, à cette Déeffe naiffante tout le prix de la beauté.

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Cette ancienne tradition qui fait fortir Venus de la mer étoit la plus autorifée dans la Grece, & prefque tous les autres Poëtes l'ont fuivie. Homere cependant, non moins an→ cien & plus accrédité qu'Hefiode, en a fuivi une autre, puifque felon lui, Venus eft fille de Jupiter & de Dioné. Sinous nous en rapportons à Ciceron, on comptoit quatre Venus.

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