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invicto, à l'invincible Soleil (a), & fur une autre médaille d'Heliogabale, celle de fancto Deo Soli. On fçait que cet Empereur fe glorifia toujours d'avoir été Prêtre du Soleil dans la Syrie, & que fon nom fait allusion à cette dignité; mais nous ne devons pas oublier , qu'il confacra à Rome un Temple au Soleil, où, dans le deffein de le rendre plus refpectable, il fit tranfporter le culte de Cybele ou de Vefta, le Palladium, & les Anciles. Il voulut même y joindre le culte que rendoient au vrai Dieu les Samaritains, les Juifs & les Chrétiens (b). Herodien nous a confervé l'histoire du culte que cet Empereur rendoit au Soleil dans ce Temple. Heliogabale, dit-il, érigea un Temple magnifique à ce Dieu, (le Soleil) & y plaça plufieurs Autels, fur lefquels il immoloit tous les matins des hécatombes de taureaux & un grand nombre de brebis; & après y avoir repandu une profufion d'aromates, il y faifoit des libations de vins vieux des plus excellens; en forte qu'on voyoit le vin & le fang ruiffeler de tous côtés. Des Choeurs de Mufique rangés autour de ces Autels augmentoient la celebrité de ce culte. Des femmes Pheniciennes avec leurs Inftrumens de Mufique, qui étoient des Cymbales & des Tympanons, danfoient en cercle ; & les entrailles des victimés, ainfi que les aromates, étoient portées dans des baffins d'or, par tout ce qu'il avoit de plus qualifié à Rome.

Mais une plus grande marque encore de la diftinction du Soleil & d'Apollon, c'est que fuivant le même Auteur, le premier dont le culte fur très-célebre à Rome, fur-tout du temps du bas Empire, n'étoit pas toujours representé par une ftatue faite de main d'homme, comme le fecond, & que fa figure n'étoit qu'un grande pierre ronde par le bas, & qui s'élevoit en pyramide. C'est ainsi qu'il paroît fur la médaille d'Heliogabale, qui représente un char tiré par quatre chevaux, fur lequel, au lieu d'une figure humaine, est une pierre

(a) Les Perfes, comme on l'a dit dans, le premier Volume, donnoient les mêmes épithetes à leurs Mithras qui étoit le Soleil. (6) Ant. Varius, au rapport de LamTome II.

pridius, fit auffi conftruire dans la même ville nn Temple en l'honneur du Soleil, mais qui fut moins célebre que celui d'Heliogabale.

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(1) T. 1.1.4.

ronde par le bas, & qui s'éleve en pointe. Les Rhodiens, dont le Soleil étoit la grande divinité, & pour lequel ils avoient fait ce magnifique Coloffe, que nous avons décrit dans l'article des Statues (1), représentoient fur leurs médailles le Soleil tantôt couronné de rayons, & quelquefois feulement avec une face large. Enfin, dans une pierre gravée du cabinet de M. de la Chauffe, le Soleil paroît la tête environnée de rayons, avec deux ailes, les cheveux longs, frifés & bouclés, un Trident, un Croiffant & un Inftrument de Mufique. Les Antiquaires croyent que cette Pierre marque le Soleil Levant, le Trident nous apprenant qu'il fort de l'Ocean; le Croiffant femble annoncer que la Lune difparoît quand le Soleil fe leve; l'Inftrument de Mufique défigne l'harmonie du Ciel tant célebrée par Pythagore, & les ailes la rapidité de la course de cet Aftre.

L'Antiquité ne nous a pas laiffé ignorer les noms des qua(2) Met. 1. 2. tre chevaux qui conduifent le char du Soleil. Ovide (2) les nomme Eous, Pyrois, Ethon & Phlegon, noms Grecs dont l'étymologie marque les qualités : le Mythologue Fulgen(3) Liv. 2. ce (3) les appelle Erythous, ou le rouge; Acteon, le lumineux; Lampos, le refplendifant; & Philogeus, qui aime la terre. Le premier défigne le lever du Soleil, dont les rayons alors font rougeâtres. Acteon marque le temps où ces mêmes rayons, fortis de l'athmosphere, font plus clairs, c'eft-à-dire les neuf ou dix heures du matin Lampos figure le midi, où la lumiere de cet aftre eft dans toute fa force; & Philogéus représente le coucher du Soleil qui femble s'approcher de la terre.

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Explication de la Fable de Phaëtan, des Heliades fes fœurs

& de Cygnus.

CE que nous venons de dire du Soleil nous conduit à la (4) Met. 1. 2. Fable de Phaeton. Cette Fable décrite par Ovide (4) dans un grand détail, se réduit à ceci. Phaëton ayant eu un differend avec Epaphus fils de Jupiter & d'Io, celui-ci lui reprocha

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qu'il n'étoit pas fils du Soleil comme il s'en vantoit, & que Clymene fa mere n'en avoit fait courir le bruit que pour cacher la foibleffe pour quelque amant. Phaëton piqué de ce reproche alla s'en plaindre à fa mere, qui lui ordonna d'aller au Palais du Soleil, & de lui demander, pour preuve de fon origine, la conduite de fon char pendant un jour. Phaeton exécuta l'ordre de fa mere, & après avoir expliqué à fon pere le fujet de fon arrivée, il le conjura de lui accorder une grace, fans la fpécifier, Le Soleil, qui ne soupconnoit pas que le jeune homme pût lui demander une chofe auffi au-deffus de fes forces, que l'étoit la conduite de fon char, jura par le Styx qu'il ne lui refuferoit rien ; & Phaeton lui demanda alors la permiffion d'éclairer le monde. Engagé par un ferment irrévocable, le Soleil, après avoir fait tous fes efforts pour détourner fon fils d'une entreprife fi difficile & fi dangereufe, & le voyant inflexible, lui accorda ce qu'il demandoit; le jeune témeraire monte fur le char du Soleil, mais les chevaux ne reconnoiffant point la main de leur maître, fe détournent de la route ordinaire, & montant tantôt trop haut menacent le ciel d'un embrafement inévitable, ou defcendant trop bas tariffent les fontaines & les rivieres. La Terre allarmée s'adresse à Jupiter, & implore fon feceurs. Ce Dieu touché des juftes plaintes de cette Déeffe, renverse d'un coup de foudre le jeune Phaeton, qui fe noye dans l'Eridan. Les Heliades fes foeurs fe livrent au plus cruel désefpoir, & font changées en arbres. Cygnus fon frere meurt de douleur, & les Dieux le métamorphofent en cygne.

Ceux qui ne regardent les Fables que comme les dépofitaires de la morale & de la Phyfique des Anciens, n'ont pas beaucoup de peine à expliquer celle-ci, en difant qu'elle eft l'emblême d'un témeraire qui forme une entreprise inégale à fes forces; mais falloit-il tant d'appareil pour nous débiter une moralité fi triviale ? J'avoue qu'il eft difficile de ramener cette fiction à sa veritable origine; mais le fond n'en eft pas moins hiftorique ; & il s'y agit de perfonnages très-réels, dont l'Antiquité nous a tranfmis la genealogie. Suivant l'opinion commune Phaeton étoit fils du Soleil & de Clymene,

foit que fous le nom du Soleil on ait voulu parler d'Orus Roi d'Egypte, car cette hiftoire paroît verir de ce pays là, comme nous le dirons dans la fuite; ou de quelqu'autre perfonnage de ceux qui ont été pris pour cet Aftre. Quelques Anciens lui donnent pour mere la Nymphe Rhode fille de Neptune & d'Amphitrite, & Hefiode dit qu'il étoit fils de Cephale & de l'Aurore; genealogie qui a été adoptée par Apollodore, & de laquelle Eufebe, après Jules Africain, s'eft fervi pour fixer l'époque de Cecrops. Suivant cet Auteur, Herfé fille de ce premier Roi d'Athenes, fut mere de Cephale enlevé par l'Aurore ; c'est-à-dire, qui abandonna la Grece pour aller s'établir dans le Levant. Cephale eut un fils nommé Tithon, qui mit au monde Phaëton. Suivant cette genealogie Phaeton reconnoiffoit Cecrops pour fon trisayeul; ainfi on peut croire qu'il a vêcu 150. ans après ce premier Roi d'Athenes, qui regnoit 1582. ans avant l'Ere Chrétienne, & près de 400. avant la guerre de Troye, comme on peut (1) Liv. 5. le prouver par Denys d'Halicarnaffe (2), & par Cenforin (a). Après avoir fait connoître ce Prince par la généalogie, & avoir déterminé le temps auquel il vivoit, il faut voir maintenant ce qui peut avoir donné lieu à la fable finguliere qu'on a débitée fur fon fujet. On voit bien qu'au rabais du merveilleux, elle fait allufion à quelque chaleur exceffive qui arriva (2) InMeteor. pendant fon regne. Ariftote (2) croit fur la foi de quelques

de D'e nat.

C. 27.

Anciens, que du temps de Phaeton il tomba des flammes du (3) In Chron. ciel qui confumerent plufieurs pays, & Eufebe place (4) ce Déluge de feu dans le même fiécle qu'arriva celui de Deucalion (b). On peut confirmer la pensée d'Ariftote par le nom même de Phaëton, qui formé du mot qara, fulgeo, peut fignifier brûlant ou lumineux. Ceux qui écrivirent les pre miers cet événement, employerent quelque figure vive & expreffive, & dirent fans doute qu'il falloit que ce jour-là le Sofeil eût confié fon char à quelque jeune étourdi, qui n'ayant pas bien fçû le conduire, avoit embrafé la terre.

(a) Voici l'ordre de fa généalogie, Cecrops, Herfé fa fille, Cephale, Tithon, Phaeton.

(b) Ovide infinue que cet événement eft arrivé avant la guerre de Troye, par ces mots, Arfurusque iterum Xanthus.

que les

On pourroit penfer, ou que l'embrafement des villes criminelles, ou peut-être le prodige arrivé du temps de Jofué, ou celui d'Ezéchias, a donné lieu à cette fiction. Il est sûr Chaldéens remarquerent la retrogradation du Soleil, arrivée fous le regne de ce Roi de Juda, & qu'ils envoyerent une Ambaffade fous prétexte de le féliciter du rétabliffement de fa fanté, mais en effet pour s'inftruire à fond d'un événement fi extraordinaire.

Toutes ces conjectures ont leur fondement dans l'Antiquité, & de célebres Auteurs les ont avancées. Saint JeanChryfoftome en propose une autre. Selon lui c'eft le char du Prophete Elie, dont le nom a tant de rapport avec celui d'Elios, que les Grecs donnent au Soleil, qui eft le véritable fondement de cette fable. Voffius (1) prétend qu'il s'agit (1) De Orig. d'une fable Egyptienne; & ce fçavant Auteur confond le & progr. Idol deuil du Soleil, pour la perte de fon fils, avec celui des Egyptiens pour la mort d'Ofiris; ainfi que les larmes des Heliades avec celles que le Prophete Ezéchiel vit verser à ces femmes qui pleuroient la mort de Thammus. Ovide femble donner lieu à une conjecture fi bien fondée, lorsqu'il parle dans cette fable, du differend de Phaeton avec Epaphus Roi d'Egypte. Cette idée m'en a fait venir une autre, qui y porte une nouvelle lumiere. Les Grecs qui anciennement connoiffoient peu les pays étrangers, les ont fouvent confondus. Ils ont placé dans l'Orient ou dans l'Ethiopie la fcene de plufieurs événemens qui étoient arrivés en Egypte; ainfi on peut croire qu'ils fe font trompés fur le pays de Phaëton. Je fuis perfuadé que c'étoit l'Egypte ; c'eft - là où avoit regné Orus, dont le culte fut confondu dans la fuite avec celui du Soleil. Le culte d'Osiris qui étoit le Jupiter des Egyptiens, y étoit auffi fort célebre peut-être que Phaë ton reconnoiffoit l'un de ces deux Rois pour fes ancêtres. Comme Epaphus rapportoit fon origine au fecond, ces jeunes Princes eurent quelque differend, dont Phaeton se tira mal: la Satyre publia le refte de la fable en l'honneur de celui qui avoit été le vainqueur. Quoiqu'il en foit, cette Hiftoire a été fort embellie, & on y a mêlé de la Physique &

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