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que

que ce Tyran, qui regnoit dans la Phocide, n'aimoit pas les
Belles-Lettres. Comme il avoit fait démolir les Colleges &
les Académies où elles étoient enfeignées, on dit pour le
rendre odieux, qu'il avoit voulu faire violence aux Mufes ;
les Dieux pour
les en garantir leur avoient donné des
ailes, & qu'il avoit perdu la vie en les pourfuivant. Ovide
eft le feul que je fçache, qui ait parlé de ceTyran, qui n'est con-
nu que par une avanture fi deshonorante. C'est fans doute fur
cette hiftoire que l'Antiquité s'eft fondée pour donner des
ailes aux Mufes, comme nous les voyons représentées dans
un Monument rapporté par le R. P. de Montfaucon.

Le défi que firent les Piérides aux Mufes, de mieux chanter qu'elles, eft encore une avanture que je n'ai trouvée dans aucun Poëte plus ancien qu'Ovide. On dit pour l'expliquer que Pierus étoit un fort mauvais Poëte, dont les Ouvrages étoient pleins d'hiftoires peu avantageufes aux Dieux. Plu(1) Dans fon tarque même nous apprend (1) qu'il en avoit compofé un qui deshonoroit les Mufes. Voilà l'origine du combat que décrit Ovide. On publia que fes filles, c'eft-à-dire, fes Ouvrages, avoient été changées en Pies, parce qu'ils étoient remplis d'un verbiage également ennuyant & dégoûtant.

Livre de la
Mufique.

Mufis.

Quoique je ne veuille pas entreprendre d'entrer dans un grand (2) Sent. de détail fur l'article des Mufes, que Lylio Giraldi (2) a traité fort au long, & dont on peut voir toutes les Images dans le premier Tome de l'Antiquité expliquée, je ne dois cependant pas omettre de marquer ici du moins une partie des differentes épithetes qu'on a données à ces Déeffes, & les motifs qu'on a eu de les leur donner.

Celui de Camana vient, felon Feftus, Macrobe & Servius, du verbe cano, parce que leur principale occupation étoit de célebrer les actions des Dieux & des Heros. On les a appellées Heliconiades, d'une montagne de Béotie nommées l'Helicon, qu'Othus & Ephialtès fils d'Aloéus confàcrerent aux Muses, & non pas d'une colline de même nom joignant le mont Parnaffe, comme Servius & la plupart des Grammairiens l'ont penfé. Quelques Auteurs ont cependant prétendu que ce nom ne venoit pas de l'une ni de l'autre de ces

montagnes, mais d'un inftrument de Musique, auffi appellé Helicon, dont Ptolemée fait mention.

Le nom de Parnaffides que lui donnent auffi les Poëtes vient du mont Parnaffe dans la Phocide, où on a publié qu'elles fe trouvoient ordinairement: celui d'Aonide, eft tiré des montagnes de Béotie appellées les monts Aoniens, d'où

cette Province elle-même eft fouvent nommée Aonie. De Thefpia ville de Béotie, elles furent nommées Thefpiades : & Caftalides, du nom de la Fontaine de Castalie qui étoit au pied du mont Parnasse.

Quoique les Mufes ayent reçu les honneurs divins, & que leur culte ait été célebre dans plufieurs endroits de la Grece & de la Macédoine, où on leur offroit des facrifices, perfonne ne les a tant honorées que les Poëtes, qui à l'imitation d'Hefiode, d'Homere & de Virgile, ne manquent gueres de les invoquer au commencement de leurs Poëmes, comme des Déeffes capables de leur inspirer cet anthousiafme qui eft fi effentiel à leur art.

On les a nommées Citheriades, du mont Citheron; Pierides ou Pieria, du mont Pierus, felon Feftus, ou suivant Stephanus, du nom d'une ville, ou de cette partie de la Macedoine appellée Pieria; les noms de Pegafides & d'Hippocrena leur furent donnés de la Fontaine que Pegase fit fortir de terre d'un coup de pied: c'eft encore du nom de la même fontaine qu'elles font fouvent nommées Aganippides, parce cette fontaine a été également appellée Aganippe & Hippocrene.

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(1) In Bac chis.

L

CHAPITRE X VII.

Hiftoire de Bacchus.

ES Grecs qui vouloient que tous les Dieux & tous les Heros euffent pris naiffance dans leur pays, ne manquerent pas de mettre Bacchus de ce nombre; & pour donner plus de merveilleux à l'hiftoire qu'ils en publierent, ils y ajouterent à leur ordinaire plufieurs fables.

di

Euripide (1), Orphé, Ovide, & plufieurs autres, fent que Jupiter étant devenu amoureux de Semelé fille de Cadmus, Junon qui en devint jalouse, prit la figure de Beroé Nourrice de fa Rivale, pour tâcher de lui infpirer adroitement des foupçons fur la perfonne de fon Amant; lui faifant entendre que s'il étoit en effet Jupiter, comme il fe vantoit de l'être, il ne fe déguiferoit pas comme il faifoit, fous la figure d'un homme mortel; qu'il falloit que quelqu'autre Amant fans doute abusât d'un nom fi augufte, pour la féduire, & qu'il étoit important de s'en éclaircir: que le moyen d'y réuffir étoit de lui propofer de paroître devant elle avec la même majefté qu'il voyoit Junon; & que s'il étoit véritablement le pere des Dieux, il ne lui refuferoit pas cette marque de tendreffe, qui ferviroit à un éclairciffement fi néceffaire à fon repos. Semelé ayant fuivi le confeil de la fauffe Beroé; & Jupiter étant allé chez elle avec fes foudres & tout l'éclat de fa majefté, mit le feu au Palais, & Semelé périt dans cet incendie. Comme elle étoit groffe alors de fept mois, ce Dieu fut obligé de retirer de fon fein le jeune Bacchus, pour le porter dans fa cuiffe les deux mois qui restoient pour être à terme, ainfi que le rapporte au long Övide dans fes Metamorphofes (a). Le Poëte Manilius dit la même cho(2) Fab. 179. fe (b): ou fi nous en croyons Hygin (2) & Lucien, Mercure (a) Inferitur femori, maternaque tempora complet. Met. L. 3.

(b) Atque iterum patrio nafcentem corpore Bacchum.

le

le retira des flames, & le porta à Nyfus, qui le fit élever dans les antres du mont Nyfa en Arabie. Paufanias rapporte qu'à Brention, ville de Laconie, il y avoit une autre tradition fur la mort de Semelé.

Il femble que les Anciens ayent repandu à deffein sur l'éducation de ce Prince l'obfcurité myfterieufe de fa naiffance; car fi nous en croyons Ovide, Ino fa tante fut fa premiere nourrice (a): mais le même Poëte, peu conftant dans fes narrations, dit que ce Dieu fut nourri par les Hyades (6): Demarchus dans le Poëte Nonnus (1), affûre que les Heures furent les nourrices de ce Dieu. Paufanias (2) prétend que c'étoit une tradition reçue parmi le peuple de Patras en Achaïe, que Bacchus avoit été élevé dans la ville de Mefatis, & que Pan & les Satyres lui avoient fouvent dreffé des embûches, dont il avoit eu de la peine à fe délivrer. Apollonius dit (3) que Mercure porta par l'ordre de Jupiter le jeune Bacchus dans l'Ifle d'Eubée, pour le donner à Macris fille d'Ariftée; & que Junon jaloufe que le fils de fa rivale fût élevé dans une Ifle qui lui étoit confacrée, en avoit chaffé la jeune nourrice, qui s'étant retirée dans le pays des Phéaciens, l'avoit élevé fecretement dans un antre.

D'autres Auteurs affûrent qu'il fut élevé dans l'Ifle de Naxe, & plufieurs affûrent après Lucien, que ce fut dans l'Arabie. Prenoient-ils plaifir, ces graves Auteurs, à donner tant de nourrices à un Dieu qui devoit être immortel? ou plutôt dans l'envie de faire croire que tous les Dieux étoient originaires de la Grece, ne s'aveugloient-ils pas jufqu'à ne point appercevoir le ridicule de tant de narrations extravagantes? Quoiqu'il en foit, plufieurs anciens Auteurs mieux inftruits que ceux que je viens de citer, & parmi lefquels se trouvent Herodote (4), Plutarque (5), & Diodore (6), difent avec plus de vraisemblance, que Bacchus étoit né en Egypte, qu'il fut

(a) Furtim illum primis Ino matertera

cunis

Educat, inde datum Nympha Nyfeides

antris

Occulere fuis, lactifque alimenta dedere.
Ov. loc. cit.
Tome II.

fe

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(6) Liv. 3.

(1) Loc. cit.

élevé à Nyfa, ville de l'Arabie heureuse, où fon pere Ammon l'avoit envoyé; & qu'en un mot, c'est le même que le fameux Ofiris qui fit la conquête des Indes. Et certes, difent ces Auteurs, il est évident que ce que les Anciens racontent de Bacchus, ne peut convenir qu'à cet ancien Roi d'Egypte car, pour ne pas parler ici de fes autres avantures, le fecours que ce Dieu donna à Jupiter dans la fameuse guerre des Geants, qui a précedé de plufieurs fiécles la naiffance de Cadmus & de Semelé, peut-il regarder le Prince Thebain que les Grecs font paffer pour le vrai Bacchus? Il eft pourtant vrai, felon la tradition Poëtique, que Bacchus, couvert de la peau d'un Lion ou d'un Tigre, fecourut vigoureusement le pere des Dieux, & que les Geants le mirent en pieces, circonftance qui regarde la mort funefte d'Ofi ris, tué par le Geant Typhon fon frere, comme nous l'avons dit en fon lieu.

Diodore ajoute (1) que ce qui peut avoir trompé les Grecs, c'est que le culte de cette ancienne Divinité d'Egypte étoit paffé dans la Grece, que c'étoit Orphée qui l'y avoit apporté, & qu'y ayant ajouté plufieurs céremonies de fa façon, il tâcha de le rendre méconnoiffable, dans le deffein qu'il avoit pour honorer la famille des Cadméens qui l'avoient fort bien d'accommoder la fable & les céremonies de cette ancienne Divinité d'Egypte, peu connue en Grece, à quelque Prince de la famille de Cadmus.

reçu,

On ne fçauroit contefter cette verité, que deux chofes rendent certaine; l'une que le culte de Bacchus ressemble trop à celui d'Ofiris, à quelques céremonies près, pour ne pas croire qu'il ne foit le même ; l'autre, qu'il eft impoffible de comprendre comment l'oppofition que fit Cadmus à l'établissement du culte de Bacchus, & qu'Ovide décrit si au long, peut regarder fon petit - fils. Se feroit-il oppofé, ce Prince nouvellement établi dans la Grece, où il devoit chercher à fe rendre recommandable, à un culte qui faifoit tant d'honneur à fa famille? Auroit-il rifqué par une délicateffe mal entendue, à perdre fon Royaume, à paffer pour un impie, en empêchant qu'on ne mît au rang des Dieux fes enfans?

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