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Jupiter l'y fuivit, & après l'avoir battu une feconde fois, il l'obligea d'aller chercher un afyle en Italie, où il fut reçu par Janus. Les Titans répandus alors dans diverfes contrées de la Grece, jaloux de la puiffance du nouveau Conquerant, comme ils l'avoient été de celle de fon pere; ou follicités, comme on le croit, par Saturne lui-même, affemblerent des troupes, & lui prefenterent le combat; mais ayant été défaits, ils allerent se cacher dans le fond de l'Efpagne, où Saturne les fuivit. Jupiter après avoir délivré de prifon fes freres & fes fœurs, alla chercher les Titans dans le lieu de leur retraite, & les battit enfin pour la derniere fois aux environs du Tarteffe, & ce fut par cette bataille qu'il termina cette guerre, qui avoit duré dix ans. Saturne ne fe voyant plus en fûreté dans (1) Philoc. un pays où fon fils étoit le maître, paffa en Sicile, (1) où il apud Clem. mourut de chagrin, ou de la fuite d'une opération cruelle, qu'il avoit lui-même fait fouffrir à fon pere Urane.

Alex.

C'est à cette derniere victoire, & à la mort de Saturne que commença le le regne de Jupiter. Son véritable nom étoit Jou, c'eft-à-dire jeune, pour marquer non-feulement qu'il étoit le dernier des enfans de Saturne, mais auffi qu'il s'étoit extrémement diftingué par fes exploits dans fa jeunesse. On ajouta dans la fuite la qualité de Pere, pater, ce qui le fit appeller Joupater, & avec un petit adouciffement, Jupiter. (a) Devenu le maître d'un vafte Empire, il époufa fa foeur, que les Latins nomment Junon, & les Grecs Hera, ou la Maîtreffe, & il ne fit que fuivre en cela l'exemple de fon grand-pere & de fon pere.

Comme il étoit difficile de gouverner feul des Etats qui avoient une fi vaste étendue, Jupiter les diftribua en différens gouvernemens. Auffi apprenons nous de Diodore de Sicile, qu'Atlas gouvernoit les frontieres de l'Afrique. Ce Prince

(a) On donne plufieurs autres étymolo- | gies du nom de Jupiter; mais on ne finiroit pas, fi on vouloit s'arrêter à toutes ces minuties. On dira feulement que Varron dérive ce nom de Juvan, ou Juvans pater. Les Grecs nomment ce Dieu Zeus, & fouvent on l'appelle Jovis, qui est le génitif de

Jou.Par la qualité de Pere, qu'on lui donnoit, on vouloit marquer fa fuperiorité sur les autres Dieux, de même que par les épithetes d'Optimus Maximus, qui étoient devenues une formule, ajoutée à fon nom.

étoit fils d'Iapet, & par conféquent coufin-germain de Jupiter, puifque Tapet étoit frere de Saturne. Soit donc qu'Atlas fe fût emparé de ces Provinces éloignées du centre de l'Empire, pendant la guerre des Titans; foit qu'il les eût à quelqu'autre titre, il eft certain que ce fut dans ce pays qu'il s'établit, & où il devint fi célebre, qu'il donna fon nom à cette chaîne de Montagnes qui s'étendent jufqu'à la mer, & qu'on appelle aujourd'hui le Mont-Atlas ; & à la partie de l'Ocean qui le baigne, nommé l'Ocean Atlantique mais nous parlerons plus au long de ce Prince, dans un autre endroit.

de l'Enfer.

Nous trouvons auffi dans les Anciens, que Pluton fut établi Gouverneur des parties Occidentales de l'Empire des Titans, des Gaules & de l'Espagne, ainfi que je le dirai dans l'Hiftoire (1) de ce Dieu. Après la mort de Pluton, fon Gou (1) Liv. IV. vernement fut donné à Mercure, qui s'y rendit très céle- des Dieux bre, & devint la grande, Divinité des Celtes. On ignoré, l'hiftoire des autres Gouverneurs d'un fi vafte Empire on sçait seulement que Jupiter s'étoit réservé tout l'Orient ; c'eftà-dire, la Grece, les Ifles, & cette partie de l'Asie d'où venoient fes Ancêtres. (a).

Ceux des Anciens qui avoient écrit l'Hiftoire de l'Ile de Crete, louoient beaucoup Jupiter pour fon courage, fa prudence, fa juftice, & pour fes autres vertus civiles & militaires; & c'étoit de ces Hiftoriens, dont les Ouvrages ne subsistent plus, que les Auteurs Grecs avoient tiré ce qu'ils nous apprennent de ce Prince. Peu content de paffer pour Conquerant, nous dit-on, ils voulut encore être Légiflateur: il fit en effet des Loix juftes & équitables, qu'il eut foin de faire observer pendant fa vie, en puniffant ceux qui ne les fuivoient pas. Il extermina les brigands qui s'étoient cantonnés dans la Theffalie & dans d'autres Provinces de la Grece; & outre la tranquilité qu'il procura par leur défaite à fes fujets, il tra vailla à fa propre fûreté, puifqu'il avoit établi fa principale demeure fur le mont Olympe, qui eft dans la Theffalie. C'étoit

(a) Dans cette feconde tradition il que Jupiter demeura feul maître de l' n'eft point parlé du partage du monde en pire, & ne donna que des Gouvernee les trois freres, il paroît au contrairemens à fes freres & a les autres parens, D

Tome II.

là principalement qu'il tenoit fa cour, lorfque les affaires ne l'obligeoient pas à s'éloigner. Il alloit auffi très-fouvent dans l'Ifle de Crete où il avoit été élevé : heureux s'il n'avoit pas terni fes belles actions par le trop grand penchant qu'il avoit pour le plaifir. De là tant d'intrigues amoureuses, dont on nous a tranfmis l'hiftoire fous l'image de fes métamorphofes. On a déja expliqué ce qu'on doit penfer de ces changemens imaginaires; mais toujours est-il vrai qu'il n'oublia rien pour réuffir dans fes Amours.

Comme il y a eu plufieurs Princes qui ont porté le nom de Jupiter, ainfi que je l'ai dit, il eft sûr qu'on a chargé fon Hiftoire de toutes les avantures arrivées à ceux qui l'avoient ufurpé; mais il n'est pas moins vrai qu'il fe livra entierement au plaifir,& que la pudeur des femmes les plus vertueufes, ne fut pas à Fabri de fes pourfuites. Ces galanteries trop fréquentes indifpoferent fi fort Junon, qu'elle entra volontiers dans une conjuration qu'on forma contre lui. Il la diffipa dès qu'il en fut informé; & ce fut-là le dernier de fes exploits. Accablé de vieilleffe il mourut dans l'Ifle de Crete, où fon tombeau s'eft vû long-temps près de Gnoffe, l'une des principales villes de cette Hle, avec cette Epitaphe: Ci git Zan, que l'on nommoit Jupiter. Il vécut cent vingt ans, & en regna foixante-deux (1) Voyez depuis la défaite des Titans & la mort de Saturne (1). Les Suidas au mot Curetes, qu'Ennius dans fon Hiftoire facrée appelle fes fils, (2) Ennius, quoiqu'ils fuffent fes oncles, prirent foin de fes funerailles (2). apud Lact. Di- L'Empire de Jupiter eut le fort des grandes Monarchies, & ne put fe foutenir dans l'éclat que lui avoient donné les Princes Titans dont je viens de parler. Après la mort fes Etats furent divifés en un grand nombre de petits Royaumes, où regnerent quelques-uns de fes fucceffeurs; mais qui la plupart nous font inconnus. Ce que nous fçavons de la fuite dé cette hiftoire, eft peu confiderable, & ne merite pas d'ê tre rapporté. L'Ifle de Crete fut la portion de l'Empire des Titans qui fubfifta le plus long-temps. Crès fils de Jupiter,y re(3) Ennius gna après la mort de fon pere (3), & les Curetes s'y diftinguerent fur-tout par le foin qu'ils prirent des affaires de la religion. Cependant les Anciens nous ont confervé deux faits qui nous

Πήκος.

vin. Inft.l.1.c.

II.

ibidem,

apprennent que quelques-uns des fucceffeurs de ces Princes furent encore puiffans, depuis la mort des Titans. Le premier eft que Deucalion, fils de Promethée, & par conféquent de la race des Titans, s'établit dans la Theffalie, & que fes enfans regnerent long-temps dans différentes parties de la Grece: le fecond, que ce furent les Curetes qui établirent dans le même pays les Jeux Olympiques, qui devinrent fi célebres dans la fuite.

(2) Liv. 3.

Telle est l'histoire des Princes Titans, & de Jupiter le plus grand des Dieux des Grecs & des Romains; histoire fondée fur d'anciennes Traditions, autorisée par Hefiode, qui décrit au long les générations de cette famille (1), par Callimaque, (1) Theog. par Diodore de Sicile (2), par Evhemere, dont Ennius traduifit l'Ouvrage en Latin, par Sanchoniathon, par Eusebe, par Lactance. On peut ajouter encore que l'Ecriture fainte donne une grande idée des Titans, puifque Judith (3) remerciant le Seigneur de la mort d'Holoferne, dit: Ce n'est point v. 6. un de ces hommes puissans qui lui a ôté la vie: ce ne font point les fils des Titans, ni les Geans; mais une femme, &c.

Cette feconde Tradition eft comme on voit, beaucoup plus vraisemblable, & mieux foutenue que la premiere ; & le Pere Dom Pezron, qui l'a tant fait valoir, n'a fait en cela que fuivre & lier ensemble les différentes autorités des Anciens qui parlent de la puiffance des Titans ; & s'il eft tombé dans quelque méprife, ce n'eft pas pour avoir si fort exalté la puiffance de ces Princes, mais pour s'être perfuadé, que les anciens Celtes en defcendoient en droite ligne, & qu'on parloit encore aujourd'hui la même langue qu'eux dans la baffe Bretagne, & dans quelques Provinces d'Angleterre.

(3) Ch. 16.

Je n'ai pas prétendu au refte, renfermer dans ces deux récits toutes les traditions qui s'étoient répandues dans la Grece au fujet de Jupiter & des Princes de fa famille, mais j'ai rapporté celles qui m'ont paru avoir eu le plus de vogue. Car il paroît qu'il y en avoit plufieurs autres, & Paufanias (4) (4) In Meff. remarque judicieufement qu'on ne finiroit point, fi on vouloit ch, 33. nommer tous les lieux qui fe vantoient d'avoir vû naître ce Dieu. Les Messeniens fur-tout difputoient cet honneur à tous

les autres peuples; ils nommoient même les Nourrices qui Pavoient élevé, l'une defquelles avoit donné fon nom au fleuve Nedis, & l'autre le fien au mont Ithome. Si on les en croit, dit l'Auteur que je viens de citer, les Curetes ayant dérobé le jeune Jupiter à la cruauté de Saturne, le confierent à ces deux Nymphes, qui prirent foin de fon enfance. Elles avoient coutume de le laver dans une fontaine dont le nom rappelle le fouvenir de la précaution qu'on avoit eue de le cacher (a). C'eft en memoire de cet événement, dit le même Paufanias, que l'on porte encore tous les jours de l'eau de cette fontaine dans le Temple de Jupiter Ithome.

Quoiqu'il en foit, comme ces differentes traditions con-tiennent plusieurs fables, je vais tâcher de les expliquer dans l'article fuivant.

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ARTICLE

Explication des Fables

III.

que les Poëtes ont mêlées dans l'Hiftoire qu'on vient de rapporter.

LES Poëtes, dont l'objet n'étoit pas de rapporter fimplement les anciennes traditions qui faifoient le fondement de leurs Ouvrages, les ont embellies de plufieurs circonftances fabuleufes, ainfi que nous l'avons prouvé au long dans une des fources des fables. Ce principe fuppofé, il est évident que plus une hiftoire étoit ancienne, plus elle étoit fufceptible des ornemens de la fiction. C'eft auffi ce qui eft arrivé dans celle qu'on vient de lire, & on peut ramener ici la reflexion de Philon de Byblos, qui après avoir rapporté le Fragment de (1) Apud Sanchoniathon (1), dit fort judicieufement que « les Grecs, Eufeb. Præp. » qui pour la beauté de leur efprit l'ont emporté fur toutes les autres nations, s'étant approprié toutes les anciennes Hiftoires, les avoient ornées & exagerées; que ne cherchant qu'à divertir dans leurs récits, ils avoient compofé des fables agréables, & avoient ainfi renverfé l'Hiftoire ancienne. C'est de là, continue le même Auteur, qu'Hefiode & les autres

1. 1. c. 10.

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20

(a) Paufanias dit que cette Fontaine | deux mots grecs.xλirra, occulto, je cache, S'appelloit Clepfydra, nom composé de ] & de ïdwp, aqua, de l'eau,

I

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