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autres Dieux, leur offroient des facrifices, & faifoient de grands (1) In Att. festins, ce qui duroit douze jours. Paufanias (1) parlant de ceux des Ethiopiens qui habitoient la ville de Meroé & les plaines voisines, & qui paffoient pour les plus juftes de tous les hommes, dit qu'on croyoit que c'étoit chez eux que le Soleil tenoit fa table; c'eft fans doute de cette table & de

ces feftins que les Grecs, & enfuite les Romains, prirent l'usage de fervir des tables devant les ftatues de leurs Dieux, ceremonie qu'ils nommoient le Leatifterne (a).

Je fçais que ceux qui ramenent à l'allegorie toutes les anciennes fictions, prétendent que le Poëte a voulu nous apprendre par celle-ci, que le Soleil, & les Planetes dont les Dieux portoient les noms fe nourriffoient des vapeurs de l'Ocean, mais Homere avoit-il penfé là-deffus comme le Philofophe Cleante ?

Quoiqu'il en foit, la Fable de l'Ocean eft très-obfcure, & ce qui y a apporté tant de confufion, c'eft qu'on y a mêlé l'Hiftoire avec la Phyfique, & qu'on a regardé l'Ocean tantôt comme un Prince Titan, tantôt comme le grand amas d'eaux qui porte fon nom. Les Anciens ont débité à ce fujet bien des chofes qu'il feroit également ridicule de rapporter toutes à l'Hiftoire, ou toutes à la Physique; on doit penfer de même des enfans qu'on lui donne, & qu'il eut, ditde Tethys fa femme & fa foeur, puifqu'on met de ce nombre non-feulement les Fleuves, les Nymphes & les Fontaines, mais encore la plupart des perfonnes qui avoient regné ou habité sur les côtes de la mer, comme Protée, Ethra femme d'Atlas, Perfé mere de Circé, & plufieurs autres.

on,

(a) Voyez ce qui a été dit à ce sujet dans l'article des Sacrifices, t. 1. 1.4.

CO

CHAPITRE IV.

Neptune & Amphitrite.

(1) De idol,

OMME l'Ocean, ainfi que le remarque Girard Voffius (1) après les Mythologues anciens, marquoit la Mer 1.3 exterieure, ou le grand amas d'eaux qui environne toute la terre, Neptune étoit pris pour la Mer intérieure, comme la Méditerranée & les autres Mers. Les Philofophes Stoïciens embarraffés de fçavoir ce que c'étoit que ce Dieu, convinrent enfin que c'étoit une intelligence répandue dans la Mer, comme Cérès étoit celle de la Terre; mais Ciceron (1) avoue qu'il ne fçavoit, ni ne concevoit ce que c'étoit que cette intelligence de la Mer & de la Terre, ni ne foupçonnoit pas même ce que ce pouvoit être.

Deor. 1. 3.

(2) De Nat.

Si nous nous en rapportons à Varron, les Latins donnerent à ce Dieu le nom de Neptune, à nubendo, parce qu'il couvre la Terre (a); le fçavant Pere Tournemine fait venir ce mot de l'Hebreu Naphta, qui veut dire couler, & cette étymologie vaut mieux fans doute que celle qui dérive ce nom de nager, en changeant un peu les premieres lettres; car comment fauver cette étymologie, puifque bien loin de changer les premieres lettres, la premiere eft la feule qui fe trouve dans le mot Neptune, & dans celui de nare, nager. Auffi Cotta dans Ciceron (2) s'en moque-t-il: Il est vrai, dit cet Interlocuteur, que faifant venir Neptune de de Nat. Deor. nager, en quoi, pour ainfi dire, vous m'avez paru nager vousmême plus que Neptune, vous trouverez aisément l'origine de toas les noms imaginables, puifqu'il ne vous faut pour la fonder, que la conformité d'une feule lettre.

Remarquons en paffant, & cette remarque aura lieu plus d'une fois dans cet Ouvrage, la negligence de quelques

(a) Neptunus à nubendo, quod nubat, id eft, operiat terras.

(3) Liv. 3:

de Neptuno.

Auteurs, d'ailleurs très-fçavans, qui trouvant un mot dans un Synt. 5. Ecrivain, croyent que c'eft fon fentiment. Lylio Gyraldi (3) dit que Ciceron fait venir le nom de Neptune du mot nager. Il eft vrai que dans le fecond Livre de la Nature des Dieux un des Interlocuteurs de ce Dialogue, dit que les Perfes le difoient ainsi; mais dans le troifiéme, Cotta, qui eft Ciceron lui-même, détruit prefque toujours ce que les deux autres avoient avancé; encore ne peut-on pas trop fçavoir ni dans les deux premiers Livres de cet Ouvrage, ni même dans le troifiéme, quel eft le veritable fentiment de cet Auteur. Quant à ceux, dit-il, qui veulent fçavoir quelle eft fincere ment ma pensée fur chaque matiere, ils pouffent leur curiofité trop loin. Qu'on me pardonne cette petite digreffion, je l'ai crûe néceffaire.

(2) Liv. 2. C. 51. 52.

Les Grecs nommoient Neptune Poseidon, & l'on trouve de ce nom plufieurs étymologies; en effet il peut fignifier celui qui foule la terre avec les pieds, ou qui voit plufieurs chofes, ou qui brife les vaiffeaux (a). Ceux qui ont voulu chercher l'origine de ce Dieu, ont été encore plus embarrassés que ceux qui fe font contentés de ne trouver que celle de fon nom. Si nous en croyons Herodote (2), Neptune étoit Libyen d'origine, & avoit de tout temps été en grande véneration dans ce Pays. Les Egyptiens, dit ce même Auteur, ne le connoiffoient point; même quand ils le mirent au nombre de leurs Dieux, ils ne lui rendirent aucun culte ; ce ne fut donc point des Egyptiens, conclut-il enfin, que les Grecs reçurent ce Dieu, comme ils en avoient reçû prefque tous les autres, mais immédiatement des Libyens. L'Hif toire nous apprend que les Peuples d'Afrique avoient connu la Grece, & y avoient amené de leurs chevaux dès les temps les plus reculés, & peut-être même avant que les premieres colonies d'Egypte & de Phenicie y fuffent arrivées. Ce fut par ce moyen fans doute qu'ils commencerent à connoître Neptune, qu'ils mirent au rang de leurs grands Dieux, &

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T'honorerent d'un culte particulier. Mais après tout on ne fçait pas quelle idée en avoient les Libyens. Le regardoient-ils comme le Dieu de la Mer, ou comme celui qui le premier avoit appris à élever & à dompter des chevaux ? Pour moi je croirois volontiers que c'étoit cette derniere idée qu'ils avoient de ce Dieu, & les Grecs qui le prirent pour le Dieu de la Mer, peut être parce que c'étoit par Mer que la connoiffance leur en étoit venue, confervoient toujours l'ancienne notion qu'ils en avoient prise des Libyens ; de-là l'épithete d'Ippius, ou de cavalier, qu'ils lui ont donnée ; delà encore la prétention où ils étoient que c'étoit lui qui avoit fait fortir de terre le premier cheval, comme le dit Virgile, en l'invoquant dans fes Georgiques (a): Et vous, Neptune, à qui la terre frappée de votre trident offrit un cheval fougueux; & il falloit bien que ce fut fous cette idée que le Poëte l'invoquoit; fe feroit-il adreffé au Dieu de la Mer dans un Ouvrage où il parloit de la vie champêtre, & nommément des chevaux dont il traite dans le troifiéme Livre ?

Quelques Auteurs appellent le cheval que forma la terre frappée d'un coup de trident, Arion; d'autres, comme Servius, le nomment Scythius. Mais fon veritable nom étoit Scyphius, & comme ce mot défigne un petit bâtiment de Mer, un-efquif, que les Allemands nomment Chiph, on aura pris pour un cheval le vaisseau qui emmena les Libyens dans la Grece, & pour un cavalier, le Dieu dont ils y porterent le culte. Ce qui confirme cette conjecture, c'eft qu'on peut très-bien comparer un cheval à un vaiffeau, à caufe de fa legereté à courir; & nous fçavons que les anciens habitans de Gadès, ou Cadis, appelloient des chevaux leurs petits bâtimens de Mer, parce qu'ils alloient vîte auffi les Poëtes ont-ils formé leur cheval Pegafe d'un vaiffeau à voiles.

Quoiqu'il en foit, les Anciens & les Modernes font également partagés au fujet de l'idée qu'on doit avoir de Neptune. Le plus grand nombre ne le regarde que comme un Etre

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phyfique, ou Divinité naturelle, qui défigne l'eau, fur laquelle il préfidoit; d'autres cependant, comme Diodore de Sicile & Lactance, d'après l'Hiftoire facrée d'Evhemere le prennent pour un Dieu animé, pour un perfonnage réel. Parmi les Modernes, Dom Pezron & M. le Clerc en ont penfé comme les Anciens que je viens de nommer ; & je fuis convaincu avec eux que Neptune étoit un Prince de la (1) Theog. race des Titans. Il étoit, felon Hefiode (1), fils de Saturne

(2) L. 5.

& de Rhea, & frere de Jupiter & de Pluton; Rhea l'ayant caché pour le derober à la voracité de Saturne, dit qu'elle étoit accouchée d'un poulain, que le Dieu devora de même que les autres enfans de fa femme. Comme il fut le premier, fuivant Diodore (2), qui s'embarqua fur la Mer avec l'appareil d'une armée navale, il merita d'en avoir l'empire, & Saturne fon pere lui ayant donné tout pouvoir fur cet élement, il en fut regardé dans la fuite comme le Dieu; c'eft auffi ce qui fait, continue l'Auteur que je viens de citer, que les Nautoniers lui adreffent leurs voeux & leurs facrifices; ou, ce qui revient au même, dans le partage que les trois freres firent de l'Empire des Titans, Neptune eut pour fon lot la Mer, les Ifles & tous les lieux qui en font proches. Lactance qui avoit lû l'hiftoire d'Evhemere, le dit pofitivement (a): ce qui cependant, ainfi que le remarque M. le Clerc, ne doit s'entendre que de la mer Méditerranée, l'Ocean étant alors fi peu connu, qu'on n'ofoit presque y entrer Neptune fe rendit très-fameux fur la Mer, même pendant le vivant de Saturne fon pere, qui, fi nous en croyons (3) Liv. 5. Diodore de Sicile (3), lui avoit donné le commandement de fa flotte; il eut toujours foin d'arrêter les entreprises des Princes Titans, empêcha les établissemens qu'ils vouloient faire dans quelques Ifles, & lorfque Jupiter fon frere, qu'il fervit toujours très-fidélement, eut obligé fes ennemis à fe retirer dans les pays occidentaux, il les y ferra de fi près, qu'ils ne purent jamais en fortir; ce qui donna lieu à la fable qui porte qu'il tenoit les Titans enfermés dans l'Enfer, & les

(a) Jupiter imperium Neptuno ut Maris, Infulis omnibus,& quæ fecundùm Mare loca funt, omnibus regnaret. Lact. Div. Inft. 1. 1., II.

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