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affermir vos pas: enfin vous tous, Dieux & Déeffes, dont »le foin s'étend fur les campagnes, qui répandez dans le fein de la terre une fecrette fécondité, & qui verfez les pluyes ❤ abondantes fur les champs cultivés.

Telle eft d'abord l'idée qu'on doit avoir des Dieux de la Terre: commençons par le Génie qu'on croyoit l'animer.

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CHAPITRE I.

Démogorgon.

Ous mettons avec raifon Démogorgon à la tête des Divinités de la Terre, puifqu'il en étoit le Génie, comme fon nom le fignifie (a). Boccace dans fa Génealogie des Dieux (1), en parle fur l'autorité de Theodontion, qui avoit (1) Liv. 1. lui-même copié Pronapidès, & ce qu'il en raconte fe réduit à ceci. Demogorgon étoit un vieillard craffeux, couvert de mouffe, pâle & défiguré, qui habitoit dans les entrailles de la terre. Il avoit pour compagne l'Eternité & le Chaos; s'ennuyant, ajoute-t-on, dans cette trifte folitude, il fit une petite boule fur laquelle il s'affit, & s'étant élevé en l'air, il environna toute la terre, & forma ainfi le Ciel. Ayant paffé par hazard fur les monts Acro-Cerauniens (b), il en tira de la boue enflammée, qu'il envoya dans le Ciel pour éclairer tout le monde, & forma ainfi le Soleil, qu'il donna en mariage à la Terre, d'où nâquirent le Tartare & la Nuit, &c.

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Les Auteurs que j'ai cités donnent plufieurs enfans à Démogorgon, & Boccace ena dreffé un arbre génealogique. Le premier de fes enfans étoit la Discorde litigieufe. Demogor gon, difoit Pronapidès, troublé dans le fond de fon antre par les douleurs que fentoit le Chaos, lui ouvrit le ventre &

(a) Ce nom eft compofé de deux mots grecs, darpar & yopy; Genie ou Intelligence de la terre.

(6) Mot qui veut dire, frappé de la

foudre. Le fommet de ces Montagnes jet-
toit quelquefois des flammes; ce qui fuf-
fit
pour expliquer cette circonftance de la
fable.

en tira la Discorde, qui fortit du fond de la Terre, pour ve nir habiter fur fa fuperficie. Il en tira de même Pan, qui eft fon fecond fils, & les trois Parques, Clotho, Lachesis, & Atropos; puis le Ciel, Python, & la Terre qui fut fon huitiéme enfant. La Terre eut enfuite plufieurs autres enfans dont on ignoroit le pere; fçavoir, la Nuit; le Tartare, Phar ca, Tagès, & Antée. Le neuviéme enfant de Démogorgon fut l'Erebe qui eut lui-même une grande pofterité; mais j'ai honte de rapporter de pareilles rêveries.

Il eft aifé de juger que ce n'eft là qu'une fable physique, une Theogonie particuliere, fous l'enveloppe de laquelle les Anciens ont renfermé d'une maniere fort groffiere le myfte re de la création du monde, qu'une Tradition défigurée leur avoit appris. Voici à peu près de quelle maniere cette fable s'eft introduite. Les Arcadiens ayant vû que la terre por toit d'elle-même des fleurs & des fruits; qu'elle formoit des fontaines, des ruiffeaux & des Rivieres; qu'elle jettoir fouvent des feux & des flammes, & qu'elle étoit fujette à des tremblemens, s'imaginerent qu'elle étoit animée, & donnerent à la Divinité qu'ils crurent qui y présidoit, le nom de Démogorgon. On avoit tant de vénération pour ce nom terri(1) Liv. 6. ble, qu'il n'étoit pas permis de le prononcer ; & on peut (2) Liv. 4. croire que ce que Lucain (1) & Stace (2) difent du Dieu qu'il n'eft pas permis de nommer, doit s'expliquer de Démogor

gon.

Il y apparence que les Philofophes n'entendoient par cette Divinité, que cet efprit de chaleur qui donne la vie aux plantes (a); mais le peuple s'imaginoit que c'étoit un véritable Dieu, réfidant aux entrailles de la terre, auquel on offroit des facrifices, fur-tout en Arcadie. N'oublions pas de dire cepen dant que quelques Auteurs ont cru que Démogorgon avoit été un Magicien fi habile dans fon art, qu'il gouvernoit à fon gré les Ombres & les Efprits aëriens, fe faifoit obéir en tout ce qu'il leur commandoit, & puniffoit féverement ceux. qui n'exécutoient pas fes ordres.

(a) Spiritus intus alit, totamque infusa per artus
Mens agitat molem. Virgil. Georg. lib. 2.

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CHAPITRE II.

De la Terre, adorée fous differens noms.

A Terre fut une des principales & des plus anciennes Divinités du Paganifme, & il y a eu peu de Peuples idolâtres qui ne lui ayent rendu un culte religieux: ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft que les Philofophes ont pensé ou du moins affecté de penfer comme le peuple. Platon dit dans le Timée & dans les Loix, que le Monde, le Ciel, les Aftres, & la Terre, font autant de Divinités; Heraclide de Pont fon Difciple, fans parler des autres, range auffi la Terre au nombre des Dieux, furquoi on peut confulter Ciceron, dans fon premier Livre de la Nature des Dieux.

On fçait que la Terre a porté plufieurs noms : le plus ancien de tous eft celui de Titaïa, ou Titée, dont parlent Sanchoniathon, Diodore, & plufieurs autres Anciens. Ce nom, comme nous l'avons dit dans l'Hiftoire des Princes Titans qui étoient fes enfans, fignifie boue, ou terre, & dès-là il lui étoit très-convenable,auffi-bien que celui d'Uranus à son époux, qui fignifioit le Ciel : & comme les Payens ne reconnoiffoient rien, après le Chaos, de plus ancien que le Ciel & la Ter-re, on en doit conclure que c'étoient leurs deux premieres Divinités. Un autre nom de la Terre étoit celui de Rhea, femme de Chronos ou Saturne, Déeffe plus jeune d'une génération que Titée, mais fouvent confondue avec elle: on la confondoit encore avec Diane, Cerès & Proferpine, avec cette diftiction cependant, que. Diane étoit prife pour l'Hemifphere fuperieur de la Terre, & Proferpine, ainfi que Dieu Tellumo, que l'on avoit cru le même que Pluton, pour T'Hemisphere inferieur; enfin Ops, & Tellus, Vefta, Bona-Dea, Cybele, la Grande-Mere, étoient auffi d'autres noms qu'on donnoit à la Terre (4). Comme nous avons fuffifamment parlé (4) Nous avons trois Hymnes fous le nom d'Orphée en l'honneur de la Terre, l'un,

le

(1) De Civit. Dei.1.7.c.24.

des Déeffes qui portoient les premiers de ces noms, il ne nous refte qu'à expofer la Mythologie ancienne par rapport

aux autres ».

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(2) Ops, ab » opere.

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Varron dans faint Auguftin (1), rend raison de ces differents noms, & en explique le myftere. Ils croyent, dit-il, que Tellus eft la Déeffe Ops, parce qu'elle s'amende par le travail (2) s la Mere des Dieux, parce qu'elle engendre beaucoup de chofes ; la grande-Mere, parce qu'elle produit des alimens; Profepine, parce que les bleds fortent de fon fein; Vefta, parce qu'elle fe revêt d'herbes & de gazons: «c'eft ainfi qu'ils rapportent plufieurs Déeffes à celle-ci, & » avec quelque fondement. On l'appelle auffi, dit le même » Auteur, la Mere des Dieux: le tambour qu'on lui donne, eft une figure du globe de la terre; les tours qu'elle porte fur la tête, représentent les villes; les fiéges dont elle est environnée, marquent que tandis que toutes chofes se meu»vent autour d'elle, elle feule demeure immobile. Les Prêtres Eunuques qui la fervent, montrent que pour avoir des grains & des femences, il faut cultiver la terre, parce que tout fe trouve dans fon fein. De ce qu'ils s'agitent & fe » tourmentent devant elle, c'eft pour apprendre à ceux qui » cultivent la terre à ne demeurer pas oififs, parce qu'ils ont toujours quelque chofe à faire. Le fon des cymbales, mar» que le bruit que font les outils du labourage; & elles font d'airain, parce que ces outils étoient autrefois de ce metal, avant qu'on eût trouvé le fer Le Lion délié & apprivoilé fait entendre qu'il n'y a point de terre si sauvage & si fterile, qui ne puiffe être domptée & cultivée «.

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Les Romains & les autres Peuples du pays Latin facrifioient à la Terre, dans différentes faifons de l'année. D'abord le 24. de Janvier, pour la prier de donner croiffance aux grains, & aux autres fruits qu'elle porte ; & les fêtes qu'on célébroit à cette occafion, s'appelloient les Féries de la Semaille, Feria Sementina. La feconde Fête qu'on célébroit à fon honneur, & dans laquelle on l'invoquoit pour qu'elle fous le nom de Rhea, l'autre fous celui de la mere des Dieux, & le troifiéme sous fon nom propre de Terre.

reçût du Soleil une chaleur moderée, & des rayons favorables à la confervation des fruits, étoit nommée la Fête de la Joye; c'est du moins comme je crois qu'il faut traduire le nom d'Hilaria qu'elle portoit on la célébroit le huitiéme des Kalendes d'Avril, temps auquel les jours, comme le remarque Macrobe (a), commencent à être plus longs que les

nuits.

:

C.

(1) Ant. 6.

Cœlius Rhodiginus ( 1 ) croit que cette Fête étoit célébrée en l'honneur de Pan; mais il eft contredit en cela par toute c. 16. l'Antiquité, qui attefte que c'étoit à la Terre, fous le nom de la grande-Mere des Dieux, qu'elle étoit confacrée. Je pourrois alléguer pour le prouver, le témoignage d'une infinité d'Auteurs; mais je me contente de nommer le feul Herodien, qui le dit pofitivement, (b) & qui a été suivi en cela par Lylio Giraldi, Cafaubon, le P. Petau, Lacerda, Lazius, Struck, Meurfius, Gronovius, & plufieurs autres,

Le troisiéme Fête qui étoit célébrée le premier jour de Mai en l'honneur de la Terre fous le nom de la Bonne Déeffe, étoit appellée Damium, d'un nom de cette Déeffe, qu'on furnommoit Damia ainfi que nous l'apprenons de Feftus: Dea quoque ifta sauía appellabatur. Les Critiques font embaraffés de la fignification de ce nom, & lui donnent plufieurs étymologies, mais Cicéron nous en apprend la véritable (2).

1. c. 21.

(2) De Har

Lorsque le temps destiné à la célébration de cette Fête Relp. (a) Celebratur Lætitiæ exordium ad oc- (c) Δάμιον eft un mot du Dialecte tavum Kalendas Apriles, quem diem Hila Dorique, & eft mis pour dμov, c'estria appellant, quo primum tempore Sol lon-à-dire, door public. Paulus &. giorem diem nocte protendit. Macr. Sat. 1. ceux qui l'ont fuivi ont pris cette expreffion pour une contre verité, comme fi elle fignifioit qu'il n'y avoir rien de moins public que cette fête, qui étoit célebrée en particulier par les femmes ; au lieu que fa véritable fignification vient de ce que c'étoit pour le Peuple qu'on y offroit le facrifice à la bonne Déeffe: c'eft. ainfi que Ciceron l'entend. Haruíp. Refp. c. 17. Sacrificium bona Dea per Virgines Veftales pro populo, feu pro falute populi Romani fiebat, & in ea domo in qua eras imperium.

(b) Veris initio, ftato folemnique die pompam Mairi Deum Romani celebrant. In ea, quæ apud quemque funt divitiarum pracipua, fuppellexque pleraque Imperatoria, materiæ aut artis fpectandæ, præferri ante Deam folent. Paffimque omnibus ludendi licentia permiffa, fic ut perfonas induant quas cuique libitum, nullamque non Magiftratuum quoque imaginem, prout cujufque ftudium, repræfentent : fic ut non semerè a falfis veros dignofcas.

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