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a le crime de quelque Veftale, & celle qui étoit foupçonnée
coupable étoit obligée de s'en purger. On ajoute qu'Emilie
une des Veftales dont la vertu étoit équivoque, jetta pour
cela fon voile au milieu de la cendre facrée, & que le feu fe
ralluma. On le laiffoir éteindre feulement au dernier jour de
l'an, & on le rallumoit le premier jour de Mars, qui étoit le
premier jour de l'année.

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(1) Liv. 2.

L'opinion commune étoit que l'on confervoit dans le Temple des Veftales, outre le feu facré, plufieurs autres chofes, qu'Enée avoit apportées de Phrygie: c'étoit fans doute le veritable Palladium, avec les Dieux Penates, & quelques autres images des Dieux Samothraces que Dardanus avoit apportés en Phrygie, & que le religieux Enée avoit eu foin de conferver au milieu des tempêtes (1). Ce fut pour fauver ces précieux dépôts qu'on regardoit comme neceffaires à la Aut. Rom. confervation de la ville, que Cecilius Metellus fe jetta au milieu des flammes lorfque le feu brûloit le Temple des Veftales, & que ces timides Prêtreffes s'enfuiolent; ce qui lui merita une ftatue dans le Capitole avec une belle infcription....... C'étoit Numa qui avoit fait bâtir ce Temple, Romulus n'ayant jamais ofé, quelque devotion qu'il eût, à la Déeffe, en faire élever un, de peur de renouveller le fouvenir du crime de fa mere, & d'autorifer par fon exemple le déreglement des autres Veftales, s'étant contenté, comme nous l'apprend Denys d'Halicarnaffe, de faire conftruire en l'honneur de Vefta de petites Chapelles dans chaque Tribu. 25 od

Il eft conftant que le culte de la Déesse Vesta & du feu, avoit été apporté de Phrygie en Italie par Enée & les autres Troyens qui y aborderent; mais les Phrygiens eux-mêmes. l'avoient reçu des autres Peuples de l'Orient. Les Chaldéens avoient une grande véneration pour le feu, qu'ils regardoient comme une Divinité: il y avoir dans la Province de Babylone une ville confacrée à cet ufage, que l'on nommoit la ville d'Ur, ou du Feu. Les Perfes étoient encore plus fuperflitieux fur ce fujet que les Chaldéens : ils avoient des Temples qu'ils nommoient Pyrées, deftinés uniquement à conferver le feu facré, comme nous l'avons dit dans l'Hiftoire

L. VII.

(1) Tom. I. des Dieux des Perfes (1), où nous avons fait voir, que le culte du Feu avoit penetré dans les pays les plus éloignés, & même jufqu'au Perou, & dans d'autres pays de l'Amerique. On doit ajouter feulement ici, 1°. que ce n'étoit pas feulement dans les Temples & dans les Pyrées que l'on confervoit le feu facré, puifque chaque particulier devoit prendre foin de l'entretenir à la porte de fa maison; & c'eft de là, fi nous (2) Faft. 1. 6. en croyons Ovide (2) qu'eft venu le nom de veftibule. Virgile nous fait remarquer qu'Enée avant que de fortir du palais de fon pere, avoit retiré le feu du facré foyer (a).2°. Que le nom de Vefta eft fynonime avec celui de feu, appellé par Grecs Efta (b), par les Chaldéens & les anciens Perfes Avefta. C'eft fans doute, fi nous en croyons le fçavant M. Hyde, ce qui porta le fameux Zoroaftre, de donner à fon Livre, où il étoit parlé du culte du feu, le nom d'Avesta, comme qui (3) De Rel. diroit la garde du feu (3).

ver Perfarum.

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les

On n'a fait que parcourir rapidement l'Hiftoire des Vestales, ceux qui fouhaitent des détails plus circonftanciés pourront lire le Traité de Jufte-Lipfe, & ce qu'a donné à ce fujer M. l'Abbé Nadal,

Telles étoient les Divinités qui repréfentoient la Terre en general; mais on en avoit introduit une infinité d'autres, quoique d'un moindre rang pour chacune de fes parties. Il y en avoit pour les champs & pour les pierres qui les bornoient; pour les jardins & les vergers; pour les bois & pour les bocages; pour les montagnes & les collines; pour les troupeaux & pour ceux qui les gardoient, pour les boeufs & les chevaux'; pour les bleds & pour les moiffons; pour les villes & les villages ; pour les chemins & les carrefours; pour les maifons, &c. ainfi qu'on va le voir dans les Chapitres fui

vans.

(a) Eternumque ady:is effere panetralibus ignem. Æneid. I. 2.
Efta, unde Vesta mutatâ aspiratione in V. Voffius.

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I les bornes qui féparent les champs avoient toujours été refpectées, les Loix & la Religion n'auroient pas eu befoin de prêter leur miniftere contre ceux qui les dérangeoient. Le fiécle d'or dont les Poëtes parlent tant, ce tempsheureux où tous les biens étoient communs, dura peu; & la même cupidité qui avoit porté les hommes à vouloir poffeder quelque chofe en propre, les engagea bientôt à ufurper ce qui ne leur appartenoit pas de là l'origine de ces bornes que les Legiflateurs obligerent chaque particulier de mettre au terrain qu'il poffedoit. Si nous en croyons Virgile, ce fut Cerès elle-même, cette fameufe Legiflatrice, qui fit tant d'honneur à la culture des champs & au labourage, qui la. premiere établit la Loi qui engageoit chacun à borner fes terres partiri limite campum. Plutarque ne fait pas monter fi haut l'usage des bornes, du moins par rapport aux Romains, puifqu'il dit pofitivement qu'avant Numa Pompilius les champs & les poffeffions qui fe trouvoient dans l'étendue du territoire de ce peuple, n'avoient aucunes limites déterminées, foit par des arbres, foit par des pierres, ou par quelque autre marque qui pût en faire diftinguer l'étendue. Mais ce n'eft ni dans les Auteurs Grecs, ni dans les Latins qu'il faut chercher l'inftitution des anciens ufages. Celui de borner les champs paroît être établi dès les temps les plus reculés, &je foupçonnerois volontiersque les Egyptiens en ont été lès premiers inftituteurs. Comme le Nil par fes inondations periodiques confondoit leurs terres, ils s'appliquerent à la Geometrie, dont on les regarde comme les inventeurs, afin qu'après le dérangement cause par l'inondation, on pût affigner à chacun ce qui lui appartenoit: mais comme cette maniere de reconnoître les champs de chaque particulier étoit longue

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& pénible, il y a apparence qu'on lui en fuftbitua une plus facile, en mettant aux champs des bornes qui tinfferit contre les défordres de leur fleuve. M. de Boze, Secretaire perpetuel de l'Académie des Belles Lettres, qui a fait une fçavan(1) Mem. de te Differtation fur le culte du Dieu Terme (1), de laquelle je profiterai beaucoup dans ce Chapitre, obferve que les Hebreux reçurent des Egyptiens l'ufage de borner les champs, (2) Deut. c. & que Moyfe (2)n'ordonne pas à fon peuple de mettre des bornes à leurs terres, puifque la chofe étoit établie par tout; mais qu'il leur défend feulement de les déranger.

l'Acad. To. I.

pag. 50.

19.

Cependant comme les loix établies pour la feureté des bornes, n'étoient pas un frein capable d'arrêter la cupidité, Numa perfuada au Peuple qu'il y avoit un Dieu protecteur des limites & vengeur des ufurpations. Il lui fit même bâtir un Temple fur le mont Tarpéien, inftitua des fêtes & des facrifices en fon honneur, & en regla les cérémonies. Pour rendre la fuppofition plus vraisemblable, il fit representer le nouveau Dieu fous la figure d'une pierre, ou d'une fouche, (3) Eleg. 1.1. comme nous l'apprenons de Tibulle (3), & d'Ovide (4) ; & fi nous en croyons Lactance, cette pierre étoit la même que celle que Saturne avoit devorée au lieu de Jupiter. Cependant dans la fuite on peignitle Dieu Terme avec une tête humaine, placée fur une borne pyramidale.

(4) Faf. 1. 2.

La fête de ce Dieu s'appelloit de fon nom Terminalis, & on la célebroit vers la fin de Fevrier, le fixiéme avant les Kalendes de Mars. On lui faifoit ce jour-là des facrifices publics & particuliers, mais fans aucune effufion de fang; tout devoit fe réduire à des libations de vin, de lair; à des of frandes de fruits & à quelques gâteaux de farine nouvelle. Les facrifices publics étoient offerts dans le Temple, & les autres fur les bornes des champs; les deux particuliers dont les terres fe touchoient, venant de chaque côté orner la borne d'une guirlande, lui offroient leurs prefens, ainfi que le dit Ovide (b). Enfuite on l'oignoit d'une huile préparée

(a) Cette pierre étoit nommée par les, Latins Aladir, & Batile par les Grecs. Voyez ce qui en a été dit dans le Tome I,

(b)Te duo diversâ don ini de parte coron ant, Binaque ferta tibi, binaque liba ferunt. Faft. lib. 2.

fur

fur le lieu même, & ainfi finiffoit la fête. Mais cette premiere fimplicité ne dura pas long-temps; on oublia la Loi de Numa qui avoit ordonné qu'on n'offrît rien d'animé au Dieu protecteur des bornes, dont le culte devoit être tout champêtre, & on lui immola dans la fuite des agneaux & de jeunes truyes, dont les deux familles de ceux qui facrifioient faifoient un repas près de la borne, où l'on chantoit les louanges de la Divinité qui les affembloit.

Conveniunt celebrantque dapes vicinia fupplex,

Et cantant laudes Termine fancte tuas (1).

L'événement que je vais raconter fervit beaucoup à accrediter le Dieu Terme, & ne fit pas certainement diminuer le culte qu'on lui rendoit. Tarquin le Superbe voulant faire bâtir fur le Capitole le Temple que Tarquin l'ancien avoit voué à Jupiter, il fut néceffaire de déranger les Statues & d'abattre les Chappelles qui y étoient. Tous les Dieux cederent fans resistance la place qu'ils occupoient; le Dieu Terme tint bon contre tous les efforts qu'on fit pour l'enlever, & il fallut bon gré malgré le laiffer; & ainfi il se trouva dans le Temple même qui fut conftruit en cet endroit.

(1) Ovid. ibid.

(2) Liv. 1.

Telle eft l'origine du Dieu Terme : cependant il ne faut pas diffimuler qu'avant Numa il y avoit un Dieu protecteur des limites: c'étoit Jupiter lui-même fous le nom de Jupiter Terminalis, que plufieurs Auteurs très-anciens confondent avec le Dieu Terme. Denys d'Halicarnaffe(2) dit même que ce fut à Jupiter Terminal que Numa confacra les limites des champs; & fi nous remontons plus haut, nous trouverons dans la Grece ce même Dieu protecteur des bornes, fous le nom de Jupiter Homorius ou Horius, ainsi que le nomme Polybe (3), (3) Liv. 2. & il eft vrai que les Grecs & les Romains adoroient Jupiter Terminal fous la forme d'une pierre, & que c'étoit par cette pierre que fe faifoient les fermens les plus folemnels felon la Formule, Jovem lapidem jurare, dont nous avons parlé dans le premier Volume. On ne pouvoit pas rendre les limites plus refpectables qu'en fuppofant que le fouverain des Dieux étoit le protecteur de leurs privileges.

Tome II.

Aaa

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