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terre, comme nous l'apprenons de Feftus, qui n'a fait en ce la que copier Varron.

Quant à Vertumne, dont le nom vient de vertere, changer, tourner, on croit qu'il étoit le fymbole de l'année & de fes variations. C'eft apparemment ce qu'Ovide a voulu marquer par toutes les métamorphofes qu'il lui attribue, qui ne font dans le fond que l'image des differens changemens qui arrivent dans les differentes faifons de l'année. Ainfi lorfque ce Poëte raconte que ce Dieu prit fucceffivement la figure d'un Laboureur, celle d'un Moiffonneur, d'un Vigneron, & enfin celle d'une vieille femme, c'eft pour défigner le Printemps, l'Eté, l'Automne & l'Hyver. Il y a des Auteurs, & en affez grand nombre, qui croyent que dans le fond Vertumne étoit le même que Janus; ce qui reviendroit à ce que nous venons de dire, puifque Janus & Vertumnus marquoient l'année & fes révolutions. D'autres enfin prétendent qu'il avoit été un ancien Roi d'Etrurie, qui par le foin qu'il avoit pris de la culture des fruits & des jardins, avoit merité les honneurs divins; & ils citent pour le prouver Properce qui fait dire à ce Dieu : Je fuis Etrurien d'origine, & je ne me repens pas d'avoir abandonné un pays où regnent la guerre & les combats. Il est vrai que la foule ne me fuit pas, L'os que je n'ai pas un Temple où brille l'yvoire ; mais c'est assez pour moi de voir le marché de Rome (a).

Properce dans toute cette Elegie où il fait parler Vertumne, lui fait raconter fes métamorphofes, du moins avec autant d'élegance, & plus de briéveté que ne les raconte Ovide mais de tout ce que dit ce Dieu de lui-même, on ne peut pas en conclure qu'il ait regné fur les Etruriens. Il en réfulte feulement qu'il avoit reçu de ce Peuple les honneurs di vins, & que fon culte étoit paffé à Rome où il jouiffoit du même privilege.

Nous apprenons de Varron que la fête de Vertumne, nom

(a) Turfcus ego, Thufcis orior: nec pani

tet inter

Pralia, Volfcinos deferuiffe focos,

Nec me turba juvat, nec Templo lætor eburno

Romanum fatis eft posse videre forum.

Eleg. 1. 4.

mée Vertumnalia, étoit célébrée au mois d'Octobre.

Vertumne n'étoit pas feulement regardé à Rome comme une Divinité champêtre; mais encore comme le Dieu des Marchands, & ainfi que Mercure (a), il avoit un Temple & une Statue au Marché. C'est à cela qu'Horace fait allusion, lorfqu'adreffant la parole à fon Livre, il dit, Il me femble,mon livre,que vous vous tournez souvent du côté deVertumne & de Janus. Vous mourez d'envie d'être relié proprement, & exposé en vente.

Vertumnum Janumque, Liber, fpectare videris, &c.

Le temps nous a confervé quelques repréfentations de Pomone, qu'on trouve dans Patin, dans Beger, & fur quelques pierres gravées. La Déeffe y paroît fous la figure d'une jeune perfonne, tantôt affife fur un grand panier rempli de fruits, ou ayant elle-même fur fon giron des pommes & des branches de pommiers; tantôt avec une ferpe à une main, & un rameau à l'autre ; telle enfin que la peint Ovide, qui dit que cette Déeffe, une des plus diligentes & des plus actives Hamadryades, cultivoit avec beaucoup de foin & d'industrie, les jardins & les arbres fruitiers, fur-tout le Pommier, d'où elle avoit pris le nom de Pomone.

avec

Nous avons auffi quelques ftatues de Vertumne: on le trouve dans Beger fous la figure d'un jeune homme une couronne d'herbes de differentes efpeces, & un habit qui ne le couvre qu'à demi; tenant de la main gauche des fruits, & de la droite une corne d'abondance. Dans une autre image tirée d'un MS. de M. de Peyrefc, qui est aujourd'hui dans la Bibliotheque de S. Victor, ce Dieu paroît entierement vêtu, ayant de la barbe, & portant fur fon habit la dépouille de quelqu'animal, fur un repli de laquelle font des fruits de plufieurs fortes.

A Rome, dans la rue appellée Vicus Thufcus on voyoit (1) InVerr. I. une statue de Vertumne, de laquelle Ciceron parle ainsi (1), à l'occafion de l'avarice de Verrès: Y a-t-il quelqu'un qui dans

(a) Le Scholiafte d'Horace dérive de là le nom de Vertumne, Deus eft prafes, Vertendarum rerum, hoc eft vendendarum & emendarum,

le

le chemin qui conduit de la ftatue de Vertumne au grand Cirque, n'ait trouvé fur chacun des dégrés des marques de ton avarice?

&c.

J'ai dit qu'Ovide & Properce décrivent les differentes métamorphofes de ce Dieu, qui prenoit tantôt la figure d'un Moiffonneur, d'un Faucheur, tantôt celle d'un Vigneron, d'un Laboureur ; tantôt celle d'un Pêcheur, d'un Soldat, Cependant on ne l'a jamais peint fous ces déguisemens, ou le temps a détruit les monumens qui le représentoient fous quelqu'une de ces figures.

Avertiffons avant que de finir ce Chapitre que les Etruriens reconnoiffoient une autre Divinité champêtre, fous le nom de Voltumna, ou Vulturna. Tite-Live parle en plus d'un endroit de fon Hiftoire du Temple qu'elle avoit près du lac Ciminius, où les peuples déliberoient de leurs affaires.

Priape étoit auffi parmi les Romains le Dieu des Jardins, & il n'y en avoit aucun foit fruitiers, foit de fimples parteres, où l'on ne trouvât une ou plufieurs ftatues de ce Dieu. J'ai prouvé dans le premier Volume, que Priape étoit le même que Belphegor, cette Idole d'iniquité dont parle S Jerôme; que fon culte avoit été porté à Lampfaque, ville de l'Asie mineure, fur les côtes de l'Hellefpont, & que de là il avoit paffé dans la Grece & dans l'Italie. Il me refte maintenant à expofer au fujet de ce Dieu la Mythologie des Grecs & des Romains. Mais il faut obferver auparavant qu'il y a apparence qu'il ne fut connu qu'affez tard chez ces deux Peuples, puifque Hefiode & Homere n'en parlent point. Quoiqu'on ne convienne pas unanimement fur le pere & la mere de Priape, puifque quelques anciens affûrent qu'il étoit fils d'une Nymphe nommée Naiade, ou felon d'autres Chione, le grand nombre des Auteurs s'accorde affez à dire qu'il étoit fils de Bacchus & de Venus. Junon, ajoute-t'on, jalouse de cette Déeffe fit tant par fes enchantemens qu'elle rendit monftrueux & tout contrefait le fils qu'elle portoit dans fon fein. Ainfi Venus l'ayant mis au monde, l'éloigna de fa préfence & le fit élever à Lampfaque, d'où ce Dieu a toujours porté depuis le furnom de Lampfacenus. Devenu dans Tome II.

Bbb

Vulturne

Priape

la fuite la terreur des maris, il fut chaffé de cette ville; mais les habitans affligés d'une maladie fecrete, le rappellerent, & il fut depuis l'objet de la veneration publique; on lui bâtir un Temple, & on établit des facrifices en fon honneur.

Il eft aifé de voir que fous cette fiction on a caché l'hiftoire de la translation du culte de ce Dieu, d'Egypte à Lampfaque; & que ce que j'ai rapporté d'après Herodote, que la naiffance d'un Dieu dans un pays n'étoit que l'introduc tion de fon culte dans ce même pays, doit fur-tout avoir lieu ici. En effet, on publia qu'il étoit fils de ce Bacchus ou Dionyfius qui fit la conquête des Indes, qui étoit le même qu'Oli ris, & il n'est pas douteux que la Venus qu'on lui donne pour mere, ne foit Ifis. Cette Reine d'Egypte, comme nous Tavons dit, avoit introduit après la mort de fon mari l'infame ufage du phallus.. Voilà tout le myftere de Priape, qu'on re préfentoit d'une maniere fi obscene. On me difpenfera de m'étendre davantage fur les infamies qui accompagnoient le culte de ce Dieu, auquel on immoloit l'âne. S. Auguftin avoit pour les reveler des raifons qui ne fubfiftent plus aujourd'hui; & il me fuffit d'ajouter que Boiffart a fait graver un bas-relief qui représente la principale fête de Priape. Ce font des femmes qui la celebrent. La principale d'entr'elles, qui eft apparemment la Prêtreffe, arrofe la ftatue de ce Dieu, pendant que d'autres lui préfentent des paniers remplis de fruits, & des vafes pleins de vin, comme au Dieu des Jardins & de la campagne. On en voit d'autres qui font en attitude de danfeufes, jouant d'un inftrument affez femblable à un cerceau. Il y en a deux qui jouent de la flûte, une autre tient un fiftre, nouvelle preuve que c'étoit une céremonie Egyptienne; une autre vêtue en Bacchante, porte un enfant fur fes épaules.. Il y en a quatre autres qui font occupées au facrifice de l'âne qu'on lui offroit. La victime ceinte au milieu du corps d'une large bande, a déja reçu le coup mor rel, & fon fang coule à grands flots dans un baffin. Enfin on voit près de la Prêtreffe qui fait la fonction de victimaire, un étui à plufieurs couteaux.

J'ai dit que les ftatues de Priape étoient dans tous les

Jardins, j'ajoute ici, que Boiffart en a fait graver une avec cette infcription: Hortorum cuftodi, vigili, confervatori propaginis villicorum ( 1 ).

CHAPITRE VII.

De Pales & de quelques autres Divinités champêtres.

PA

ALE's étoit proprement la Divinité des Bergers, la Tutrice & la Confervatrice des Troupeaux. La Fête qu'on celebroit à fon honneur au 21. d'Avril, s'appelloit Palilia, ou Parilia. Toute la cérémonie confiftoit à faire brûler de grands amas de paille, fur lefquels on fautoit (a). On n'y tuoit point d'animaux, & les purifications fe faifoient avec de la fumée de fang de cheval, & avec les cendres d'un veau qui avoit été tiré d'une vache immolée, ou avec des cendres de feves. On purifioit auffi les Troupeaux avec de la fumée de foufre, d'Olivier, de Pin, de Laurier & de Romarin: enfuite après que les Bergers avoient fauté autour du feu de paille dont nous avons parlé, ils offroient en facrifice du lait, du fromage, du vin cuit, & des gâteaux de millet: Fête veritablement paftorale & ruftique, & telle qu'elle convenoit à la Déeffe des Bergers & des Troupeaux.

Comme Romulus jetta les premiers fondemens de la ville de Rome au 21. du mois d'Avril, & que ce jour étoit confacré dès-lors à Palès, ce Prince fit fervir la Fête qu'on celebroit en l'honneur de cette Déeffe, à la memoire de la fondation de fa nouvelle ville: ainfi on les confondit toujours depuis l'une avec l'autre. Il eft vrai que Manilius dit (b) qu'on commença à bâtir Rome dans l'Automne, fous le figne de la Balance, & fon autorité pour un fait de cette nature, doit être d'autant plus grande, qu'il étoit habile Aftronome; mais

(a) Moxque per ardentes ftipula crepitantis acervos, Trajicias celeri ftrenua membra pede, Ovid. 4. Faft. (b) Hefperiam fua libra tenet quá condita Roma.

(1) Boiffart,

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