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Dionyf.

Le Poëte Nonnus dit (1) que les Satyres nâquirent de (1) Quator Mercure & de la Nymphe Yphtimé, & Memnon dans Pho- ziéme de fes tius affûre qu'ils tiroient leur origine de Bacchus & de la Naïade Nicée fille de Sangar, qu'il avoit enyvrée en changeant en vin l'eau d'une fontaine où elle buvoit ordinairement; mais ce ne font-là que des origines fabuleufes.

Quelques Auteurs ont crû que les Satyres étoient veritablement des hommes; & faint Jerôme a été de ce fentiment. Albert le Grand, & Pic de la Mirandole qui l'a fuivi, parlent de deux efpeces d'hommes, Satyres, & non Satyres: mais il eft plus vrai-femblable que l'introduction des Satyres dans le monde Poëtique, eft venue de ce qu'on a vû quelquefois dans les bois de gros finges reffemblans affez à des hommes velus; ou peut-être des Barbares reffemblans de loin à des finges: c'eft le fentiment de Pline (a) qui prend, comme nous, les Satyres pour une efpece de Singes; & cet Auteur affûre que dans une montagne des Indes il fe trouve des Satyres à quatre pieds, qu'on prendroit de loin pour des hommes. Ces fortes de Singes ont fouvent épouvanté les Bergers, & pourfuivi quelquefois les Bergeres; & c'est peutêtre ce qui a donné lieu à tant de fables, touchant leur complexion amoureuse: fi on ajoute à cela que des Bergers couverts de peaux de chevres, ou quelques Prêtres de Bacchus, ont fouvent contrefait les Satyres pour féduire d'innocentes Bergeres, je crois qu'on aura la vraye clef de cette fable. Dès-là l'opinion fe répandit que les bois étoient remplis de ces Divinités malfaifantes : les Bergeres tremblerent pour leur honneur & les Bergers pour leurs troupeaux; ce qui fit qu'on chercha à les appaifer par des facrifices, & par les of frandes des premiers fruits, ou des prémices des troupeaux. On compofa quelques Cantiques que les Pafteurs chantoient. dans les forêts, & où on tâchoit en les invoquant, de fe les rendre favorables. Les Poëtes ayant trouvé le fujet divertif fant, inventerent mille contes. Les Peintres donnerent aussi quelque cours à ces fables, en peignant Pan & les Satyres comme des hommes

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(a) Efferacior Cenolephalis natura, mitiffima Satyris, and Tome II.

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7051

Paul Hermite.

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Telle a été l'origine de ces Divinités champêtres, tel a été le fujet de leur culte & des facrifices qu'on leur offroit. Je n'ignore pas que de grands Hommes ont cru le contraire, & qu'ils ont humanifé les Faunes & les Satyres; mais on doit convenir auffi que la plupart des Auteurs n'examinent pas affez fcrupuleufement les matieres fur lefquelles ils travaillent, & que fouvent ils font esclaves des préjugés ; ils suffit qu'un homme en reputation d'un fçavoir extraordinaire ait avancé une opinion, pour foumettre leur raison fous le joug de fon autorité. D'ailleurs on aime mieux ne fe point fatiguer par des recherches ennuyeuses, que d'éviter par un ferieux examen, de tomber dans l'erreur fur des préjugés qu'on a aveuglement adoptés.

Mais, dira -t-on, que répondre à faint Jerôme lorsqu'il (1) Vie de S. rapporte (1) que faint Antoine allant vifiter faint Paul Hermite, rencontra d'abord un Hippocentaure, & enfuite un Satyre tel que les Poëtes & les Peintres les représentent; & que l'ayant interrogé, il lui répondit qu'il étoit une de ces créatures mortelles qui habitent les Déferts, & que l'aveugle Paganisme appelloit Faunes ou Satyres: il lui préfenta même du fruit, qu'on croit être des dattes. Si le respect, que nous avons pour faint Jerôme, nous empêche de penfer comme un Auteur moderne (2) qui traite cela de fable, (2) Maius, Hift. des Ani- nous pourrions du moins répondre que c'étoit quelque démon qui apparut au bon Saint: auffi étoit - il accoutumé à en voir fouvent fous differentes figures, ainfi que le rappor tent ceux qui ont écrit fa vie: on pourroit ajouter encore, que le Cardinal Baronius dit que ce prétendu Satyre n'étoit non plus que les autres, qu'un Singe à qui Dieu permit de parler, comme autrefois à l'Aneffe de Balaam.

maux.

(3) In Attic.

Si l'on m'objectoit encore ce que rapporte Paufanias (3) d'un certain Euphemus, qui ayant été jetté par la tempête avec fon Vaiffeau fur les côtes d'une Ifle déferte, vit venir à lui des efpeces d'hommes fauvages, tous velus, avec des queues derriere le dos, prefqu'auffi longues que celles des chevaux, qui voulurent faifir leurs femmes avec tant de fureur, qu'ils eurent bien de la peine à les arracher; ce qui fit

que

1.7.

(1) Theog.

(2) Geogr.

liv. 7.

appeller ce lieu l'Ifle des Satyres : Que Ptolomée (1) dit que fur la mer de l'Inde au-delà du Gange, il y a trois Ifles habitées par des Satyres ; & que Pomponius Mela ajoute (2) qu'il y a au-delà de la Mauritanie dans l'Ocean Atlantique, des Ifles où l'on ne voit perfonne pendant le jour, mais la nuit on y apperçoit de grands feux, qu'on y entend un bruit confus de flûtes & de tambours, & que l'on croit communément que ces Ifles font habitées par des Satyres : que Pomponius au refte, n'a fait que copier la Relation du fameux Annon chef des Carthaginois, qui avoit été dans ces Ifles: que Plutarque (3) rapporte que du de Sylla, (3) DeSylla.

temps

on trouva en Epire un Satyre tel que les Poëtes les décrivent, qui formoit quelque voix femblables aux cris des chévres ; & que perfonne ne put expliquer: Que l'Archiduc Philippe, felon Albert le Grand (4), en mena deux à Genes l'an 1598. (4) Traité des lorfqu'il y fit fon entrée; cet Auteur, ajoutant même qu'on Animaux, en prit deux dans les forêts de Saxe, l'un mâle, & l'autre femelle; que la femelle étant morte, on apprivoifa le mâle, & qu'on lui apprit même à articuler quelques paroles. Je répondrois qu'admettant toutes ces rélations, fur lefquelil y auroit peut-être bien des chofes à dire, on peut fort bien y appliquer ces efpeces de Singes, dont nous avons parlé après Pline (5). Ce que dit Pomponius Mela n'eft pas diffi- (5) Loc. cit. cile à expliquer: lorfqu'Annon alla dans ces Ifles, qu'on croit être vers l'Ile de faint Thomas fur les côtes de Guinée, ou plutôt près de celles du Cap verd, les habitans effrayés, se cacherent pendant la jour dans des cavernes, & allumerent du feu pendant la nuit ; & firent un grand charivari pour épouvanter ces étrangers, & les obliger à fortir de leur Ifle; ce qui leur réuffit.

Il eft encore plus facile de répondre à ce qu'on pourroit m'alles leguer de ce Satyre qui paffa le Rubicon en présence de Cefar & de toute fon armée: ce fut un ftratagême de ce fameux Capitaine. Cefar voyant la peine que fes foldats avoient paffer ce fleuve, en fit fecretement habiller un en Satyre, pour perfuader aux autres que puifqu'une Divinité leur avoit montré le chemin, ils pouvoient & devoient y paffer. De

(1) Liv. 1.

(2) Chan. 1. 1. c. 12.

même, lorfque Diodore (1) dit que Bacchus, c'eft-à-dire
Ofiris (car c'eft de lui qu'il parle en cet endroit,) fut accom-
pagné dans fa conquête des Indes par quantité de Satyres;
c'est que quelques foldats de ce Conquerant s'habillerent en
Satyres pour épouvanter les Peuples qu'on vouloit fubjuguer;
ou bien qu'il mena avec lui de ces fortes de gros finges qu'on
trouve en Afrique, pour le divertir ou faire des gambades
avec fes foldats habillés comme eux; ou, comme l'ont voulu
quelques Auteurs, on lui amena quelques Ethiopiens grof-
fiers, & tous velus, comme il s'en trouve parmi ces Barba-
res, pour le divertir & l'amufer: car ce bon Prince aimoit
fort à rire, fi nous en croyons l'Auteur que nous venons de
citer (a), & n'aimoit nullement à fe battre; n'ayant entrepris
ce voyage que pour apprendre l'agriculture aux Peuples étran-
gers, & meriter par là d'être mis au rang des Dieux. On peut
ajouter qu'on n'a jamais tant fait de découvertes que depuis
deux fiécles, & qu'on ne voit pas qu'on ait rien trouvé de
femblable aux Satyres, que les finges dont je viens de parler.

Après tout, fi nous en croyons Bochart (2), l'origine des
Satyres vient du mot hebreu Sair, qui veut dire un Démon
fous la figure d'un Bouc; & c'eft pour cela, felon cèt Au-
teur, qu'on les représente comme des efpeces de Boucs,
danfants & fautants d'une maniere lafcive (b). Nous pouvons
confirmer notre fentiment fur la nature des Satyres, par ce
qui eft rapporté dans une Relation des Indes Orientales (c),
où l'on dit qu'on trouve dans l'Ifle de Céilan des Satyres ou
Bavianes, que les Indiens nomment Orangs, c'est-à-dire,
hommes fauvages. Ils font prefque de la même figure que les
autres hommes, ont le dos tout couvert de poil, le nez plat,
& le vifage rude: ils font robuftes, agiles & hardis. On en
prend avec des lacets, & on les apprivoife fi bien, qu'on leur
montre à marcher fur les pieds, ou plûtôt fur les jambes de

(a) Dum in Ehiopia verfatur, gens Sa- | mot heteb, le démon du midi, & par les
tyrorum ei adducitur, quos pilos in lumbis Velus dont parle Ifaie, ils entendent les
habere ferunt. Diod. I. i.
Satyres habitans du défert. Bochart, loc.

(6) Les Rabbins traduifent le mot hireus par celui de Satyre, & le mot Sair par celui de boue ou de démon; & par le

cit.

(c) Voyage de Schouten aux Indes Tom. 2.

14

Tom. 4.

derriere. Ces Satyres, ajoute l'Auteur, rendent de bons fervices à leurs maîtres: ils lavent les verres, verfent à boire, ils tournent la broche, & balayent la maison. Un autre Voyageur (1) dir que du temps qu'il étoit à Angola, on tua à Ma- (1) Vannicongo un de ces hommes fauvages, qui avoit le corps he- denbrouk, riffé de poil, le nez plat, les narines larges, & une queue fur le dos. On le prit dans un arbre où il étoit avec fa femelle & fon petit, qui fe fauverent. Daper dans fa Relation de l'Afrique, parle d'une autre efpece de finge qui eft encore plus reffemblant à l'homme. C'eft fans doute ces animaux, répandus dans les bois, dont la terre étoit toute couverte, qui ont donné lieu de prendre ces fortes de finges ou de monftres, pour des efpeces d'hommes; je n'en fuis nullement furpris, puifqu'ils reffemblent beaucoup plus aux Caffres & aux Ottentots qui habitent dans les extrêmités de l'Afrique, que ceux-ci ne reffemblent aux autres hommes: & on auroit moins de fujet de s'étonner fi on avoit pris ces derniers pour de veritables Satyres, que de ce qu'on a regardé les finges dont nous venons de parler, comme de veritables hommes. Mais en voilà affez fur ce fujet. Difons maintenant quelque chose de Faunus & de Sylvanus, que l'on a toujours regardés comme des Divinités champêtres, & les peres des Faunes & des Satyres.

CHAPITRE IX.

De Faunus & de Sylvanus.

AUNUS, fi nous en croyons Virgile (2), étoit fils de (1)Eneid. 7.
Picus, dont nous parlerons dans la fuite, & quatriéme

FA

nes,

Roi d'Italie. Il vivoit du temps que Pandion regnoit à Athevers l'an avant l'Ere chrétienne treize cens, ou environ, cent vingt ans avant la guerre de Troye, ou un peu plus tard, fi nous en croyons Denys d'Halicarnaffe; c'est-àdire, du temps d'Evandre & d'Hercule. Ce même Auteur

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