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feremment de toutes fortes de matiere, même d'argent. On
les confacroit dans le lieu le plus fecret, qu'on appelloit le
Laraire, penetralia. Là on leur élevoit des Autels, on tenoit
des lampes allumées, & on y joignoit des fymboles qui mar-
quent tous la vigilance, entr'autres le chien, dont ces Sta-
tues portoient fouvent la peau fur les épaules, ainfi que les
Lares, ou en avoient fous leurs pieds une figure (a). Apulée
renferme tous les facrifices des Dieux Lares & Penates
trois mots, thure, mero, & aliquando victimis, de l'encens,
du vin & quelquefois des victimes. Il y avoit pour cela des Au-
tels, tels qu'on peut en voir dans l'Utilité des Voyages, ou-

en

vrage de M. Baudelot (1). La veille de leurs fêtes on avoit (1) Pag. 262, foin de frotter les Statues avec du baume & de la cire pour les rendre propres & luifantes, & pour pouvoir y imprimer les vœux qu'on leur faifoit. Cette cire formoit à la longue une croute qui cachoit la matiere dont ces Statues étoient faites; & c'est fans doute ce qui a trompé les Auteurs, dont j'ai parlé, qui croyoient qu'on ne les faifoit que de

cire.

Anciennement on leur offroit des enfans en facrifice; mais Brutus, celui qui chaffa les Tarquins, changea ce barbare facrifice, en un plus raifonnable, & on ne leur offrit dans la fuite que du vin, de l'encens, des fruits, & quelquefois des victimes fanglantes, des agneaux, des brebis, &c. comme on le voit dans Horace, qui invitant fa Maitreffe de venir assister au sacrifice qu'il préparoit dans fa maison en l'honneur du Génie, lui marque la maniere dont il en avoit fait les préparatifs (b). Tibulle de même parle du facrifice d'une brebis qu'il immoloit aux Dieux Lares champêtres. On couronnoit auffi leurs Statues de feftons, d'ail & de pavot, & on y ajoutoit plufieurs autres petites céremonies qu'il eft inutile de rapporter. Il eft bon de remarquer feulement que dans les facrifices publics qu'on offroit aux Penates on leur immoloit une truye, ainsi que nous l'avons dit dans l'article

(a) Voyez l'Harpocrate de Cupper, & & l'Utilité des Voyages, par M. Baude

lot.

(b) Ridet argento domus; ara caftis Vincia verbenis, avet immolato

Spurgier agno.

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des Lares, après Varron & Properce (a), & on croit que cette coutume avoit été introduite par Enée. C'étoit pendant les Saturnales qu'on célebroit la fête des Dieux Lares & Penates, & il y avoit outre cela un jour de chaque mois, deftiné à honorer ces Dieux domeftiques. Le zéle alloit même quelquefois jufqu'à en fêter quelqu'un tous les jours, & même plusieurs fois dans le même jour, comme Suetone & Tacite le prouvent par l'exemple de Neron, qui négligeoit tous les autres Dieux, en faveur d'un Penate favori.

Comme non feulement les particuliers avoient chacun leurs Dieux Manes ou Penates, mais que chaque Peuple en choififfoit pour veiller à la confervation de l'Etat, on voyoit dans Rome un Temple confacré aux Dieux domeftiques, & on leur avoit marqué un jour de fête qu'on célebroit avec beaucoup de folemnité, le deux des Kalendes de Janvier. On y joignoit les Jeux qu'on appelloit Compitales, comme qui diroit des carrefours, parce que les Penates y préfidoient.

Enfin on avoit tant de respect pour les Dieux Penates, *qu'on n'entreprenoit rien de confiderable fans les confulter: on portoit même quelquefois dans les voyages leurs figures, comme nous l'apprenons d'Apulée : En quelque endroit que j'aille, dit-il, je porte toujours pendant mon voyage la figure de quelque Dieu. Et apparemment que Ciceron eut peur de fatiguer fa Minerve favorite, lorfque prêt à partir pour fon exil, il alla folemnellement la confacrer dans le Capitole.

La figure des Dieux Penates étoit quelquefois la fimple repréfentation de quelque Dieu, d'un Génie, d'un Heros ou demi-Dieu, ou enfin de quelque Ancêtre célebre : fouvent c'étoient des figures Panthées, c'eft-à-dire, de celles qui portoient les fymboles de plufieurs Divinités. On en trouve plufieurs de celles-là dans Spon, dans Cuper, & particulierement dans l'Utilité des Voyages, par Baudelot.

l'ave

Comme l'homme eft naturellement curieux, & que nir l'inquiette, il y a apparence que parmi les Dieux Penates

(a) Liv. 4. Eleg. I. Martial, 14. dit auffi: Ifte tibi faciet bona Saturnalia porcus, Inter fpumantes ilice partus apros.

Ou comme dit Horace Satyr. L. 1. Sat. 3.
Immolet a quis

Hic porcum Laribus.

y en avoit qui rendoient des Oracles. On fçait qu'on n'entreprennoit rien de confiderable fans aller à l'Oracle, mais comme les lieux où ils fe rendoient étoient quelquefois éloignés; qu'il falloit pour les confulter bien des préparatifs & bien de la dépenfe, il étoit plus commode d'en avoir chez foi, que l'on confultoit du moins pour les affaires domeftiques. 11 eft vrai que je n'ai trouvé aucune autorité pofitive, qui nous apprenne ce fait; mais fouvent une Médaille, une Pierre gravée, nous inftruisent de bien des chofes que nous ignorions auparavant. M. le Marquis Cupponi, correspondant honoraire de l'Academie des Belles-Lettres, envoya en 1733. à M. de Boze l'empreinte d'une Cornaline antique gravée en creux, qui représente un Autel fur lequel eft une tête, ou plutôt, un mafque; à côté, & presque derriere, eft la figure d'un homme courbé, appuyant fa tête, comme pour écouter. Sur le devant eft une femme debout, & au bas de l'Autel, un petit Animal. L'explication qu'on en donne dans le neuviéme Tome des Memoires de l'Academie, convient parfaitement à un Dieu Penate qui rendoit des Oracles. Le Masque repréfente, ou le Dieu Pan ou Sylvain, ou quelque autre: l'homme qui prête l'oreille pour écouter, attend sa réponse: la femme qui eft debout, femble être venue pour s'éclaircir ou fur quelque fonge, ou fur quelque autre affaire qui l'inquiette : le petit animal, qu'on peut prendre pour un chien, ou pour un cabrit, eft la victime destinée au facrifice. On peut voir tout ceci plus au long, dans l'endroit que je viens de marquer.

Il eft conftant qu'il n'y a point eu de Peuple idolâtre, où la fuperftition pour les Dieux Penates ait été portée fi loin que parmi les Romains, quoique prefque toutes les Nations les ayent eu en grande vénération (a), comme les Grecs, les Egyptiens, les Pheniciens, les Chaldéens. Il y a apparence que ce culte avoit été apporté à Rome par les Phrygiens. Virgile nous apprend qu'Enée eut grand foin d'emporter

(a) Et toto quippe mundo, & locis omnibus, omnium Vocibus, fortuna fola invocatur. Plin. 1. 1.

avec lui les Dieux Penates (a), fuivant l'ordre qu'il en avoit reçu des Deftins par la bouche d'Hector (b).

Ces Dieux Phrygiens adoptés avec grand refpect par les Romains, que rien ne flattoit tant que l'idée qu'ils avoient de defcendre d'Enée & de Venus fa mere, furent placés dans un Temple près du Marché. Voici la defcription qu'en fait (1) Liv. 1. Denys d'Halicarnasse (1). « C'étoit, dit-il, deux jeunes hommes affis, armés chacun d'une pique, & la fculpture en « étoit très-ancienne. Nous avons encore, ajoute cet Auteur, plufieurs autres Statues de ces Dieux dans de vieux Temples, qui font toutes en habit militaire ».

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Le feu facré ou Vefta, qu'emporta auffi avec foi Enée, étoit fans doute le plus diftingué des Dieux Penates (c), puifqu'après qu'Hector lui eût recommandé ces Dieux, il s'approche lui-même du facré foyer, & en retira les bandelettes de Vefta, & le feu qui y brûloit. Si nous en (2) Sat. 1 3. croyons Varron cité par Macrobe (2), Dardanus avoit apporté d'abord ces Penates Phrygiens dans l'Ifie de Samothrace, & Enée les transfera enfuite de Troye dans le Pays Latin.

G. 4.

Je dois dire auffi que les Idoles que Jacob emporta de la maison de fon beau-pere Laban, & que l'Ecriture-Sainte appelle du nom de Theraphim, étoient des Dieux Penates, dont le culte paffa dans la fuite en Phrygie, de-là en Grece & en Italie; c'eft là fans contredit leur véritable origine.

Ajoutons enfin qu'on croyoit apparemment dans le Paganifme que les maifons n'étoient pas fuffifamment gardées par les Lares & par les Penates, puifqu'on avoit encore d'autres Dieux pour avoir foin des portes, des clefs & des gonds, fur quoi on peut confulter ce que j'en ai dit en parlant du (3) T. I.1. 3. progrès de l'Idolâtrie (3).

(a) Ilium in Italiam portans, victofque Penates. En. 1. 1.
Sacra fuofque tibi commendat Troja Penates:
Hos cape fatorum Comites, his mania quære. Ibid.
(e) Sic ait, & manibus vittas, Veftamque potentem
Eternumque adytis effert penetralibus ignem. Æa. L. 2.

V.LS

LIVRE QUATRIEME

DES DIEUX DE L'ENFER.

P

OUR donner un Traité un peu complet de l'Enfer & des Champs Elysées, tels que les Grecs les avoient connus, je dois examiner, 10. Ce que les Egyptiens penfoient fur l'ame, & fur ce qu'elle devenoit après la féparation d'avec le corps. 2°. Faire voir que les Grecs avoient tiré des céremonies pratiquées par ce peuple dans leurs funerailles, tout ce qu'ils ont dit fur l'état des ames après la mort, & en particulier l'idée de l'Enfer & des Champs Elyfées. 30. Faire une defcription exacte de ces deux demeures, tirée des Ouvrages des Anciens, furtout des Poëmes d'Homere, & de Virgile. 40. Parler des Dieux qui préfidoient aux Enfers. 5. Enfin des Illuftres malheureux qu'on difoit expier dans le Tartare la peine dûe à leurs crimes.

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