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(1) Paufan.

in Atticis.

L'eau de ce fleuve eft amere & mal saine (1), & c'est en partie la raison pourquoi on en a fait un fleuve d'Enfer; il demeure en effet long-temps caché fous terre, & va ressortir fort loin de l'endroit où il difparoît. Son nom a auffi contribué à cette fable, car il veut dire, angoiffe, ou hurlement : peut-être même qu'Orphée donna à ce lac & enfuite au fleuve, le nom du Marais Acherufe, qu'il avoit vu près de Memphis, lorfqu'il accommoda à la Grece les idées qu'il avoit puifées en Egypte au fujet des morts. On a ajouté dans la fuite plufieurs fables à ce que nous venons de dire: on a dit que l'Acheron étoit fils de Cerès, ou de Titan & de la Terre; que la crainte qu'il eut des Geants, le fit cacher pour quelque temps, & defcendre même jufque dans l'Enfer, pour fe dérober à leur fureur. Quelques Auteurs ont prétendu que Jupiter l'avoit précipité dans l'Enfer, parce que fon eau avoit fervi à étancher la foif des Titans ; fable fondée fur ce que ce fleuve demeure long-temps caché dans la terre, qui étoit la mere des Titans. On ajoute que l'Acheron étoit pere ere de cet Ascalaphe qui fut changé en hibou, comme nous le dirons dans l'Hiftoire de Proferpine; ce qui a fait croire à (2) Antrof- un Auteur (2), qu'il y avoit un Roi d'Epire nommé Acheron, cius in fua naqui a donné fon nom à ce fleuve. vigatione.

1.6.

Quoiqu'il en foit, il ne faut pas oublier de dire qu'il y a un autre fleuve de ce nom dans le pays des Bruttiens, près (3) Strab. de Pandofe, qui donna lieu à une trifte équivoque (3). L'Oracle de Dodone comme le dit Tite-Live, dans le paffage qu'on a rapporté, ayant averti Alexandre Roi des Moloffes de fuir l'Acheron, ce Prince penfant qu'il parloit de celui qui étoit en Thefprotie, ne voulut pas s'éloigner du lieu où il étoit, & y fut tué. Îl y en a auffi un autre près deTenare en Laconie.

Le Cocyte.

Le Cocyte eft un autre fleuve d'Epire, ou plutôt de la Thefprotie, qui fe jette avec le Pyriphlegeton dans le marais Acherufe, & dont le nom fignifie pleurs, gemissemens (4); & ron fe jette dans le lac d'Ambracie ; cependant Thucydide dit qu'il fe jette dans le Lac Acherufe; or ce Lac & ce Golfe font fort éloignés l'un de l'autre. Tous les Anciens font contrai

res à Pline; ainfi il faut abandonner cet Auteur, ainfi que Martianus Capella & Martin del-Rio fur Seneque, qui l'ont fuivi. Voyez Grant-Menil, Græc. Ant.

celui de Pyriphlegeton brilant (1): ces étymologies, & le (1) pady, voifinage de ces fleuves avec l'Acheron, les ont fait mettre au uro. nombre des fleuves d'Enfer. J'embraffe ici le fentiment de M. Samfon, qui donne ce cours au Cocyte, fans cependant en alleguer aucune autorité. Je ne connois aucun Hiftorien qui donne au Cocyte le nom de fleuve (a). Paufanias l'appelle feulementü♪op artoreλaror; ce qui me feroit croire que c'étoit plutôt un marais d'eau bourbeufe qu'un fleuve.

Le Styx eft dans l'Arcadie. C'eft proprement une fontai- Le Sty ne qui coule d'un rocher, & qui forme enfuite un ruiffeau qui demeure long-temps caché fous terre: fon eau est mortelle, & c'eft, comme le remarque Paufanias, (2) cette qualité (2) L.8. c.18. qui a donné lieu aux Poëtes d'en faire un fleuve ou un marais d'Enfer: voici la defcription qu'il en fait.

Auprès d'une ville d'Arcadie nommée Nonacris, eft un précipice fort élevé, d'où il dégoute de l'eau qui defcend dans le fleuve Cratis. Cetre eau eft mortelle aux hommes & aux autres animaux : elle brife les vaiffeaux de verre & de porcelaine & tous les autres, excepté ceux de corne de pied de cheval. Sur cette idée on a compofé une fable; on a animé Styx, con l'a faite fille de l'Ocean (3), & femme d'un cer(3) Hefiod. taip Pallas, ou Piras.(4). On dit qu'elle fut mere de l'Hydre, in Theog. &c. Son nom imprimoit tant de terreur, que le ferment le plus loc. cit. (4) Paufan. inviolable étoit de jurer par le Styx, & les Dieux-mêmes étoient très-religieux à le garder (6). La punition de ceux qui fe parjuroient après ce ferment étoit très rigoureuse. Jupiter ordonnoit à Iris de leur prefenter une coupe pleine de l'eau empoifonnée de cette fontaine, & il les éloignoit de fa table & de fa converfation pendant un an; il les privoit mê me de la Divinité pour neuf ans, comme fi c'eût été une charge dont il fufpendoit les fonctions. Si l'on demande aux Mythologues la raifon pourquoi les Dieux étoient fi religieux fur cet article, c'eft que la Victoire qu'on croyoit être fille du Styx, comme on l'a dit dans l'Hiftoire de Jupiter, avoit

(a) Voyez la Carte de la Grece ancienne de Strabon, & Grant-Menil dans fa Grece, pag. 204.

(b) De cujus jurare timent, & fallere numen. Virg. 1. 6.

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donné du fecours aux Dieux contre les Geants, ce qui avoit obligé ce Dieu, par reconnoiffance, d'ordonner que le ferment fait par le Styx feroit inviolable. Mais ce n'est là encore qu'une fable, fondée fur ce qu'on fe fervoit anciennement de l'eau du Styx pour faire les épreuves des coupables & des innocens, à peu près comme les Juifs fe fervoient de l'eau de Jaloufie. Au refte lorsque les Dieux juroient par le Styx; ils devoient avoir une main fur la terre, & l'autre fur la mer, (1) Iliad. 14. comme le remarque Homere (1).

.3.3.8.1

It eft aifé de voir que deux chofes ont contribué à mettre ces fleuves dans l'Enfer: la premiere, c'eft qu'ils étoient pref que tous dans l'Epire, qui a été regardée, à caufe d'Aidonnée, comme le Royaume de Pluton. La deuxième, eft l'étymologie de leurs noms : Acheron veut dire, la derniere, par où l'on marquoit que ceux qui alloient en ce Pays travailler aux Mines, y mouroient prefque tous: Cocyte veut dire hurlement; le Styx Peau du filence; Pyriphlegeton, bra lant.

En general toutes les eaux qui avoient quelque mauvaise qualité, étoient regardées comme des fleuves d'Enfer, ainsi qu'en Italie le lac Averne, près de Pouzzolles ; & le Lethé ou fleuve d'Oubli, qui étoit en Afrique. (a) Et c'eft ainfi que les Grecs avoient voulu trouver dans leur pays, ce qui étoit véritablement en Egypte.

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CHAPITRE VIII.

Autres particularités du systême de l'Enfer des Poëtes.

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A premiere étoit qu'on s'étoit imaginé que les Ombres dont le corps étoit démeuré fans fépulture, erroient pendant cent ans fur le rivage du Cocyte, avant que d'être admis dans la barque de Charon (a). Deux pratiques Egyptiennes peuvent avoir donné lieu à cette idée. La premiere, que quand les Prêtres refufoient le paffage du lac Acherufe à quelqu'un, parce qu'il n'avoit pas payé fes dettes, les rens le gardoient chez eux, jufqu'à ce qu'ils fuffent en état de l'acquitter. La feconde, c'eft que quand il arrivoit qu'en paffant quelque cadavre au delà du lac, il venoit à y tomber & qu'on ne pût le retirer, on lui faifoit au bout de cent ans des funerailles aux dépens du public,ainsi que nous l'apprenons de Servius (b).

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Je ne vois pas qu'on puiffe trouver de même dans les traditions Egyptiennes, rien qui ait rapport au rameau d'or que la Sibylle dit à Enée être néceffaire pour lui fervir de passeport, lorsqu'il voulut defcendre aux Enfers. Ce rameau avoit été cueilli dans le bois d'Hecate ou de Proferpine: « Au milieu d'une vafte forêt, dit la Sibylle (1) dans le fond d'une (1) Ea. 1.6. vallée obfcure, s'éleve un arbre touffu qui porte le rameau d'or, confacré à l'infernale Junon. Il eft défendu à tout » mortel de pénétrer dans les fombres demeures des morts, s'il n'a auparavant cueilli ce rameau, que Proferpine ordonne qu'on fufpende à l'entrée de fon Palais. A peine eftil arraché du tronc, qu'il en vient un autre à la place, & » l'arbre n'eft jamais dépouillé de ce précieux métal.... Si le deftin vous permet de defcendre au Royaume de Plu

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veniatur cadaver, poft centum annos ul-
tima perfolvuntur officia. Hinc extractum,
centum errant annos,&c.Servius. in 6.Ea.

(1) In 6. En.

(2) Od. 19.

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ton, fa tige cedera au moindre effort de votre bras: autrement tous vos efforts feront inutiles; le feu même ne vain ≫ croit pas fa résistance ».

Servius qui a voulu trouver l'origine de cette fiction (1) prétend qu'elle eft prife d'une cérémonie qu'Orefte de retour de la Tauride établit dans le culte de Diane. Ce Héros, après avoir déposé dans un Temple la ftatue de Diane qu'il avoit enlevée à Thoas, ordonna que ce Temple & le bois facré qui l'environnoit fuffent un afyle inviolable. Au milieu de ce bois était un arbre dont un Prêtre de la Déeffe devoit défendre l'approche; & fi quelque criminel réfugié dans ce lieu pouvoit en arracher une branche, il lui étoit permis de fe battre contre le Prêtre, & s'il en étoit vainqueur, de prendre la place.

Le fçavant Jefuite Lacerda adopte ce que dit l'ancien commentateur de Virgile; mais il faut avouer que fi c'est là l'origine du Rameau d'or, c'eft une origine bien éloignée. Difons donc que cette idée eft le fruit de l'imagination des Poëtes; & que s'ils avoient emprunté des Egyptiens la plus grande partie de ce qu'ils ont débité fur les demeures de l'autre monde, ils y avoient auffi ajouté des chofes, dont ils n'y avoient pas trouvé le modele.

On ne doit pas penfer de même des deux portes par où l'on pouvoit fortir des Enfers, l'une de corne, l'autre d'y voire, puifque cette Fable venoit d'Egypte, comme on l'a remarqué dans le Chap. 5. voici de quelle maniere les Poëtes en parlent. Il y a deux portes des fonges, dit Penelope à Ulyffe (2): ceux qui nous viennent par la porte d'yvoire, »ce font les fonges trompeurs, qui font attendre ce qui n'ar rive jamais; mais ceux qui ne trompent point, & qui font » véritables, font les fonges qui nous viennent par la porte de corne. Virgile parle auffi de ces deux portes; & faifant fortir fon Héros par celle d'yvoire, il détruit d'un feul trait, & assez mal-à-propos, ce me femble, tout ce qu'il avoit avancé dans un des plus beaux livres de fon Poëme. Ce font-là de pures imaginations, auffi bien que les réflexions des Commentateurs d'Homere & de Virgile; fans en

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