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roles que je viens de rapporter, que les mêmes Pelafges avant que de venir dans la Grece, où ils fe mêlerent avec les Athéniens, avoient demeuré dans l'Ile de Samothrace, & avoient appris à ces Infulaires à honorer les Cabires. Quiconque, dit-il, a quelque connoiffance des cérémonies: » de ces Dieux qu'obfervent auffi les Samothacres, jugera fans› » doute qu'ils les avoient apprifes des Pelafges; car ce Peuple, qui demeura depuis avec les Athéniens, avoit autre fois habité la Samothrace, & les Samothraces en avoient appris les Orgies.

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Ces mêmes Pelafges, fuivant notre Auteur, avoient aussr appris aux Athéniens la maniere obfcene dont ils représentoient Mercure ; & ils rendoient de cet ufage des raisons myftérieufes qu'Herodote ne nous apprend pas.

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Le même Auteur, dans le Livre que je viens de citer, & dont j'ai extrait ces paffages, fait encore une remarque au fujet des Pelafges. « Prefque tous les noms des Dieux, dit-il, font venus d'Egypte dans la Grece. En effet, j'ai trouvé » que la chofe étoit ainfi, après m'en être informé, sur ce que j'avois oui dire qu'on les tenoit des Barbares. Pour moi je crois qu'ils font venus véritablement d'Egypte : mais fi l'on n'y trouve point les noms de Neptune, ni de Caftor, » ni de Vefta, ou de Themis, ni des Graces, ni des Nereïdes, ni des autres Dieux, je répondrai ce que répondent les Egyptiens, qu'ils n'ont jamais oui parler d'eux. Auffi me femble-t-il que ces Dieux ont pris leurs noms des Pelafges, » fi l'on en excepte Neptune, dont ils ont pris le nom des Libyens ; car il n'y avoit autrefois que les Libyens qui connuffent Neptune, qu'ils ont de tout temps en vénération. » Voilà donc les anciens Pelafges inftruits par les Barbares, des noms qu'ils devoient donner aux Dieux; qui instruisent à leur tour la Grece, alors très-ignorante, & qui lui apprennent les noms de ces mêmes Dieux, & les myfteres des Cabires, qu'ils avoient auparavant enfeignés aux Samothraces. C'est là tout ce qu'on fait de la Religion de la Grece, au temps de l'arrivée des Pelafges, & de leur établissement à Athenes.

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cit.

2°. Le fecond article que nous devons examiner, fçavoir, quels changemens les Colonies cauferent dans l'ancienne Re ligion de la Grece, eft déja décidé par le même Auteur, comme on vient de le voir, puifqu'il affûre que tous les Dieux qu'on y adoroit, fi on en excepte ceux que nous avons nommés après lui, étoient venus d'Egypte. Les Colonies qui en porterent la connoiffance dans la Grece, n'arriverent pas dans le même temps, ainfi que nous le dirons dans le troifiéme Tome, & par conféquent les changemens arrivés dans la Religion des Grecs, furent fucceffifs, & ne fe firent que dans differens fiecles. Herodote (1) qui paroît (1) Loc avoir examiné avec foin l'article que je difcute, après les excep tions dont j'ai parlé, conclut qu'excepté les Dieux qu'il a nommés, tous les autres étoient venus d'Egypte dans la Grece. Cet Auteur entre enfuite dans quelque détail au fujet de Bacchus, dont le culte fut porté dans la Béotie par Cadmus & Melampus. « C'eft lui en effet (il parle de Melampus, fils » d'Amythaon) qui a fait connoître aux Grecs le nom de Bacchus, & qui leur a enfeigné les cérémonies des facrifices. qu'on lui offroit, & à faire la représentation de ce Dieu. » Veritablement il ne leur a pas expliqué tout le refte de ce myftere; mais les Sages qui font venus après lui, en ont donné plus de connoiffance. Melampus a donc inventé cette représentation de Bacchus, & les Grecs qui en ont été inftruits, font fuivant fes préceptes toutes les chofes qu'on leur voit faire. Pour moi j'eftime donc que Melampus étoit >> un homme fçavant, qui s'étoit inftruit dans l'art de la Divination, & qu'il enfeigna aux Grecs plufieurs chofes qu'il avoit apprifes lui-même des Egyptiens, & fur-tout le fa» crifice de Bacchus, en y apportant toutefois quelque chan- gement: car je ne voudrois pas affûrer que tout ce qu'on fait en Egypte à la fête de ce Dieu, füt femblable aux cérémonies qu'on y obferve parmi les Grecs. Je ne dirai pas non plus que ce font les Egyptiens qui ont emprunté des Grecs, ou cette cérémonie, ou toute autre chose que ce foit, mais plutôt il me femble que Melampus a appris tout ce qui concerne le culte de Bacchus, de Cadmus & des.

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D

autres Tyriens qui vinrent avec lui de la Phenicie, dans le pays qu'on appelle aujourd'hui la Béotie ».

par

Voilà donc le culte de Bacchus, ou Dionyfius, introduit dans la Grece par Cadmus & par Melampus. On fçait aussi d'autres Auteurs que Cecrops avoit porté à Athenes, où il s'établit, le culte de Minerve, honorée dans la ville de Saïs, d'où il étoit parti. Le même Prince, fi nous en croyons (1) In Arcad. Paufanias (1), regla le culte des Dieux & les cérémonies de la Religion, avec beaucoup de fageffe. Il fut le premier qui (2) Tipra appella Jupiter le Dieu fuprême, ou plutôt, le très-haut (2). Il défendit que l'on facrifiât aux Dieux rien qui fût animé, & regla les cérémonies du mariage.

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On ne fçait rien d'auffi certain, des changemens que purent faire dans l'ancienne Religion des Grecs les autres chefs de Colonies; mais il n'eft nullement douteux qu'Inachus, qui y conduifit la premiere de toutes, Danaus & les autres, n'y ayent auffi apporté la connoiffance & le culte de leurs Dieux. Des chefs de Colonies, pour changer de pays, ne changent pas pour cela de Religion ; & lorfqu'ils deviennent les maîtres des contrées où ils vont s'établir, ils cherchent le moyen d'y faire connoître & honorer leurs Dieux. Que s'ils trouvent quelque résistance à y faire recevoir un culte nouveau, comme il arriva à Cadmus, qui voulant introduire celui de Bacchus dans la Béotie, fit naître cette guerre qui coûta la vie à Penthée, & qui l'obligea lui-même à fe retirer dans l'Illyrie, ils cherchent du moins des temperamens pour ajuster leur Religion avec celle du pays, jusqu'à devenus les maîtres, ils la rendent la dominante.

ce que

Il n'eft donc nullement douteux que les Colonies d'Egypte & de Phenicie, n'ayent caufé de grands changemens dans T'ancienne Religion de la Grece. Je parle ici des temps qui ont précedé la guerre de Troye, n'ayant pas deffein d'examiner prefentement ceux qu'y apporta dans des temps pofterieurs à cet événement, l'introduction de plufieurs autres Dieux que differentes conjonctures firent connoître aux Grecs.

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3°. Le troifiéme temps que je confidere dans la Religion des Grecs, regarde celui où vécurent Homere & Heliode, lef

(1) Voyez

Théogonie des

quels, felon Herodote, firent des Théogonies: mais cet article fe trouve fuffifamment expliqué dans ce que j'ai dit au fujet de la Théogonie des Grecs, où j'ai prouvé que ces deux Poëtes n'avoient point inventé les Fables & les Dieux dont ils font mention, & qu'ils n'avoient fait que fuivre la Religion établie de leur temps (1). Il me paroît même qu'Herodote ne s'exprime pas nettement, en difant que ces deux Poëtes l'article de la avoient fait des Théogonies. Cela eft exactement vrai d'He- Grecs. fiode; pour Homere, il n'y a nulle apparence qu'il ait voulu réduire en fyftême ce que les Grecs penfoient de leurs Dieux, s'étant contenté de les nommer & de les employer fuivant que la conftitution de fes Poëmes le lui permettoit. Mais quoique ces deux fameux Poëtes n'ayent pas inventé les Dieux dont ils parlent, il eft certain qu'ils les firent connoître plus généralement qu'ils ne l'étoient, & qu'ils donnerent lieu, furtout Homere, à en faire augmenter le culte, par le foin qu'il avoit pris de faire intervenir ces Dieux dans toute occafion, & de leur donner des intérêts vifs & empreffés pour ce qui regarde les hommes: ce qui portoit naturellement à les craindre, & à chercher à les appaifer, lorsqu'on pouvoit les croire irrités.

4°. Le quatriéme temps regarde les Philofophes Pythagori ciens & Platoniciens, qui pour rendre fupportable le fyftême de la Théologie Grecque, y introduifirent ces allégories in génieufes, qui en diminuoient l'abfurdité; ce qu'ils croyoient furtout devoir leur réuffir dans les premiers fiécles du Chriftia nisme, où les Peres de l'Eglife attaquoient le Paganisme avec tant de force. Ces Philofophes firent en effet de grands changemens dans la Religion reçue de leur temps: mais ce que j'ai dit fur ce fujet, au commencement de cer Ouvrage, & en particulier dans les Réflexions générales qu'on trouve à la fin du quatriéme Livre, fuffit pour éclaircir cet article.

Outre ces changemens furvenus en differens temps au fyfte→ me de la Religion des Grecs, il en arriva plufieurs autres, dont je vais examiner les deux principaux. Le premier, c'est qu'en recevant les Dieux étrangers, les Grecs leur donnoient d'autres noms, ainfi que je l'ai déja infinué dans le premier Chapitre, qui fert d'introduction à la Mythologie. D'anciens

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Auteurs nous ont heureusement avertis de ces changemens: fans cela, pourrions-nous aujourd'hui connoître l'origine de ces Dieux? Nous fçavons par Herodote, que l'Apollon des Grecs étoit l'Orus des Egyptiens; Bacchus, ou Dionyfius, leur Ofiris; Hermès, ou Mercure, le Thaut, ou Thot; Pan, leur Mendès; Diane, leur Bubafte; Demeter, leur lis; Zeus ou Jupiter, leur Ammon; Venus ou Aphrodite, leur Aftarté. Platon nous apprend que Minerve étoit leur Neit: felon Sanchoniathon, leur Pluton, ou Dis, étoit le Mouth des Pheniçiens; si l'on n'aime mieux dire qu'il étoit l'Ephaiftos des Egyptiens.

Ces changemens de noms étoient ordinaires dans les Apothéofes, qui donnerent tant de nouveaux Dieux aux Grecs & aux Romains. Les Grecs ne fe contentoient pas de changer les noms des Dieux qu'ils recevoient d'Egypte & de Phenicie, ils en changeoient auffi les fonctions, leur donnoient un autre rang que celui qu'ils renoient dans la Theologie des peuples de l'Orient, & en formoient des généalogies de leur façon. Je pourrois en rapporter plufieurs exemples, mais je me contenterai de ceux de Vulcain & de Minerve. Nous apprenons d'Herodote, que Vulcain tenoit le premier rang parmi les Dieux d'Egypte : les Grecs en firent un fils de Jupiter & de Junon, qui chaffé du ciel à cause de sa difformité fe caffa la jambe en tombant, & fut obligé pour gagner fa vie d'exercer dans l'Ile de Lemnos, l'emploi de Forgeron. En Egypte il étoit mari de Minerve; en Grece on lui donna pour femme Venus, pendant que Minerve y fut regardée comme une Déeffe vierge. En Egypte, il avoit part au gouvernement du monde ; dans la Grece, il ne dominoit que fur les Forge

rons.

2o. J'attribue aux Poëtes poftérieurs à Homere & à Hesiode, le fecond changement arrivé dans la Théologie des Grecs; & il faut fe rappeller ici cette fource des Fables, où j'ai prouvé qu'ils en avoient introduit un grand nombre qu'on ne connoiffoit pas avant eux. Comme le caractere de la Poëfie (1) Horat. eft de tout ofer (1), les Poëtes changerent à leur gré les cirde Art. Poët. conftances des Fables, prefque toutes liées à la Religion, en inventerent

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