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appellé par

les Grecs ἵπε

105.

14.

Du Sommeil,*& de fes Enfans.

Je dois commencer cet article par une remarque neceffaire.Les invocations qu'on faifoit auSommeil pouvoient avoir, & avoient en effet deux fens bien différents. Lorfqu'on l'invoquoit pour les morts, ainsi qu'on le voit dans les formules qui fe trouvent quelquefois fur les tombeaux des Anciens, comme celle-ci, Eternali Somno, & autres femblables, c'étoit du fommeil de la Mort qu'il étoit queftion; mais dans toutes les autres occafions, il s'agiffoit du Sommeil pris dans fa fignification naturelle, auquel on s'adreffoit pour jouir paisiblement & fans danger, du tranquile repos qu'il procure.

(1) Theog. Le Sommeil, felon Hefiode (1), étoit fils de la Nuit, & (2) Iliad. 1. frere de la Mort. Homere (2) parlant de ce Dieu dit, voici le Sommeil qu'on dit être le frere de la Mort: Virgile qui ne s'écarte jamais de fon original, dit la même chofe, & confanguineus lethi fopor: & certainement on ne pouvoit lui donner un titre qui lui convînt mieux, puifqu'il eft lui-même l'image de la mort. L'Auteur d'un Hymne qui porte le nom d'Orphée, appelle le Sommeil, le Roi des Dieux, des hommes, & de tout ce qui refpire fur la terre. Les Lacedémoniens, au rapport de Paufanias, fondés fur l'autorité d'Homere, joignoient dans leurs Temples la représentation du Sommeil avec celle (3) In Eliac. de la Mort. « On voit, dit cet Auteur (3), fur une des faces du coffre de Cypfelle, une femme qui tient deux enfans dans » fes deux bras, l'un blanc & l'autre noir; l'un qui dort, & l'au» tre qui femble dormir; & tous les deux, les pieds contre→ faits. L'inscription les fait connoître ; mais indépendamment » de toute infcription, qui peut douter qu'un de ces enfans ne foit le Sommeil & l'autre la Mort, & que la femme qui les »tient, ne foit la Nuit? »

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Ce que dit Paufanias nous apprend qu'on repréfentoit le Sommeil comme un enfant ; un beau marbre qui nous refte, & qui eft d'un excellent goût, le prouve fans replique. C'eft un enfant enfeveli dans un profond fommeil, qui tient d'une

main quelques pavots, & qui a la tête appuyée fur d'autres: près de lui eft un grand vafe, rempli fans doute de quelque liqueur narcotique, ou affoupiffante. Ce même Auteur, dans fon voyage de Corinthe, parle d'une Statue qui étoit dans un Temple d'Efculape, & qui n'avoit que la tête; mais comme il ne fe reffouvient pas ordinairement de ce qu'il a dit, ou de ce qu'il a à dire, il ne nous avertit point fi c'étoit la tête d'un enfant, ou celle d'un homme fait. Comme nous avons encore une autre ftatue du Sommeil fous la figure d'un enfant ailé, il y a apparence que c'étoit la maniere unique de repré

fenter ce Dieu.

Philoftrate dans le tableau d'Amphiaraüs, peint le Sommeil fous la figure d'un homme revêtu d'une robe noire, & par deffus une autre qui eft blanche, ayant l'air abbatu & affoupi, & tenant d'une main la corne avec laquelle il envoye les Songes veritables: fur quoi il eft bon de remarquer que les Anciens diftinguoient deux fortes de Songes; les vrais, c'eftà-dire, ceux qui n'annonçoient que des chofes qui étoient réellement telles qu'on les voyoit; & les Songes faux, qui n'étoient que de vaines illufions. Les premiers étoient contenus dans une corne ordinaire, les feconds dans une corne d'yvoire: de là les deux portes du Sommeil dont parlent Homere & Virgile (a).

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Les Poëtes font fouvent mention des pavots que ce Dieu tient dans cette corne, & qu'il repand fur les mortels fatigués. Ovide eft celui de tous qui s'eft le plus étendu fur l'article du Sommeil : c'eft dans l'endroit où il dit (1) que Junon fati- (1) Met.l.1. guée des vœux inutiles qu'Alcyone lui adreffoit fans ceffe fon mari, qui avoit péri dans un naufrage, envoye Palais du Sommeil, pour lui ordonner d'apprendre à cette infortunée & tendre époufe, la mort de fon mari. Rien n'eft plus élégant que la defcription que fait ce Poëte du Palais de ce Dieu, & des Songes qui l'environnent; mais je renvoye à l'Auteur même, qu'il faudroit copier entierement pour ne laiffer rien perdre d'une defcription fi charmante.

(a) Sunt gemina fomni porta, &c. Æneid. Lib. 6.

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Les Songes paffoient pour être les enfans du Sommeil : le Poëte que je viens de citer en nomme trois ; Morphée, le plus habile de tous à prendre la démarche, le visage, l'air & le fon de la voix de ceux qu'il veut représenter; & ce Songe n'eft que pour les hommes: Phobetor, le fecond, prend la reffemblance des bêtes fauvages, des oiseaux, & des ferpens: le troifiéme, appellé Phantafe, fe métamorphofe en terre, en rocher, en riviere, & en tout ce qui eft inanimé ; mais ces trois Songes n'étoient députés qu'aux Palais des Rois & des Grands: il y en avoit une infinité d'autres pour le Peuple. Ces trois noms au refte, conviennent à ce que ce Poëte dit de ces trois Songes; le premier fignifiant la forme & la figure, que ce fonge imitoit: le fecond a à peu près la même fignification, & le troifiéme vient des phantômes que forme l'imagination.

Homere met le féjour du Sommeil dans l'lfle de Lemnos, & c'eft-là effectivement que Junon va chercher le Sommeil pour endormir Jupiter: les autres Poëtes parmi lefquels eft (1) Loc. cit. Ovide (1), établissent le domicile de ce Dieu dans le Pays des Cimmériens, & rien ne convient mieux au Sommeil qu'un Pays éternellement couvert de ténèbres. Virgile (2) fait habiter le Sommeil & les Songes dans un vieux Ornie qui fe trouvoit à l'entrée de l'Enfer.

(2) Eneid. 1.6.

Enfin, les Grecs reconnoiffoient une Déeffe du Sommeil, appellée Brizo, nom qui fignifie je dors; & une autre qu'ils nommoient Brimo.

De la Mort.

COMME nous avons dit après Homere que le Sommeil étoit le frere de la Mort, puifqu'elle étoit elle-même le grand Sommeil, le Sommeil éternel, il faut ajouter ici un mot fur cette divinité, car les Grecs avoient mjs la Mort au nombre de leurs Dieux : leurs Poëtes auffi bien que les Latins, & (3) En. 1. 2. Virgile entre autres (3), lui donnent cette qualité. On ne fçait rien touchant le culte qu'on lui rendoit; on nous apprend feulement que les Lacedemoniens l'honoroient comme une 44) In Lacon. divinité, & avoient, au rapport de Paufanias (4), une de fes

Statues près de celle du Sommeil fon frerc. Nous venons de parler d'après cet Auteur, de cette ftatue de la Nuit qui tient entre fes bras fes deux enfans, la Mort & le Sommeil.

Nænia, la Déeffe des funerailles, avoit un culte mieux établi, & l'Hiftoire fait mention d'une Chapelle qu'elle avoit à Rome, hors les murailles de la Ville. C'étoit furtout aux funérailles des vieillards, fi nous en croyons Varron dont le témoignage eft rapporté par S Auguftin (1), qu'on redoubloit (1) De Civ. les honneurs rendus à cette Déeffe; & c'étoit de la même di- Dei. 1. 5. vinité qu'avoient pris leur nom, ces airs lugubres & plaintifs qu'on chantoit aux funérailles. Cette Déeffe au refte qui n'eft gueres connue que par Arnobe, qui eft le feul des Anciens dont les écrits nous reftent, qui en parle, n'entroit en fonction qu'à l'agonie des malades. C'étoit alors qu'on commençoit à l'invoquer.

Tels font les Dieux que les Mythologues difent préfider dans les Enfers Ils mettent auffi de ce nombre Jupiter Stygius & Junon Stygia, mais j'ai prouvé ailleurs que dans cette acception ils étoient les mêmes que Pluton & Proferpine; Liber & Hécate, qui dans le fond ne font que le Soleil & la Lune, lorfqu'étant defcendus dans l'Hemisphere inférieur ils alloient fuivant la créance populaire éclairer le Royaume des Ombres; Mercure, mais ce Dieu ne faifoit qu'y conduire les ames, puis venoit dans le Ciel fon féjour ordinaire.

Enfin , pour ne rien laiffer à defirer fur ce sujet, il me refte à parler du culte qu'on rendoit aux Dieux des Enfers, & de ces illuftres malheureux qu'on croyoit être condamnés à demeurer éternellement dans le Tartare.

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Du culte qu'on rendoit aux Dieux des Enfers. NDEPENDAMMENT de ce que j'ai dit dans les Chapitres

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cun des Dieux des Enfers, je dois ajouter ici quelques remar ques qui les regardent tous en général.. La premiere, eft

qu'on ne leur élevoit point d'Autels, ce qui étoit refervé pour les Dieux du Ciel, & qu'on ne faifoit que des foffes dans lefquelles on laiffoit couler le fang des victimes. La feconde, que ces victimes devoient être noires, à la différence de celles qu'on offroit aux Dieux du Ciel. La troisiéme, que les Prêtres dans ces facrifices feulement avoient la tête couverte. La quatrième, que lorfqu'on facrifioit aux Dieux de l'Enfer, le Prêtre, en récitant les prieres prefcrites par le rituel, baissoit la main & la tournoit du côté de la terre, au lieu qu'il la tenoit élevée lorsque ces prieres s'adres foient aux Dieux du Ciel; & qu'il touchoit de la même main la Terre, lorsqu'il facrifioit à cette divinité. Delà, & c'est ma cinquiéme remarque, la diftinction des Dieux, en Dieux fupérieurs, Superi, & en Dieux inférieurs, fi bien marquée dans les Anciens pour défigner ceux du Ciel & ceux de l'Enfer. C'étoit même un axiome reçû, que les vivans étoient fuperieurs, fuperi, par rapport aux morts; comme ceux du Ciel le font à l'égard des hommes, ce que Macrobe expri(1) Somn. me ainsi (1): ficut Dii nobis, ita nos defunctis Superi habemur. La fixiéme remarque eft qu'on haïffoit généralement Pluton & tous les autres Dieux infernaux, ainfi que le dit Ho(2) II. 1. 9. mere (2), & la raison en étoit que ces Dieux paffoient pour inflexibles, & que peu touchés des prieres des hommes, à peine les écoutoient-ils. Euripide ajoute que c'étoit pour cela même qu'on ne leur érigeoit ni Temples, ni Autels, & qu'on ne compofoit point d'Hymne en leur honneur. Ces mêmes Dieux paffoient pour être fi féroces & fi peu fociables qu'ils faifoient toujours bande à part, & n'avoient que très-peu de (3) Hecuba. Commerce avec les autres, comme le dit le même Poëte (3). Ce n'eft pas qu'on ne leur rendît quelques cultes, mais outre qu'on s'adreffoit rarement à eux, ce n'étoit pas pour leur demander des graces, comme aux autres Dieux, mais feulement pour tâcher de les appaifer, & les empêcher de nuire; fans toutefois qu'on eût beaucoup d'efperance d'y réuffir.

Scip. 1. 1. c. 3.

V. 158.

La derniere enfin eft, que les Dieux des Enfers étoient autant les Maîtres dans leur trifte féjour, que ceux du Ciel l'étoient dans le leur, & que ceux-ci, quoique plus honorés,

n'avoient

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