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attribuées à ce Dieu, comme nous aurons plus d'une fois oc cafion de le dire. La quatrième enfin, qu'il étoit inceffamment devoré dans les Enfers par deux Vautours, eft expli(1) De Rer. quée par Lucrece (1), lorfqu'il dit que le véritable Tityus eft celui dont le cœur eft déchiré l'amour par cette paffion étant ordinairement accompagnée d'inquiétudes & des foucis les plus cuifants.

Hat. L. 3.

(2) Loc. cit.

On pourroit cependant penfer, ou que la Tyrannie de Tityus ne dura pas pendant tout le cours de fa vie, & qu'à la fin de fon regne il repara les maux qu'il avoit faits dans les commencemens, ou que les habitans de l'Ifle d'Eubée n'en avoient pas la même idée que ceux de Panope, puifque Strabon (2) dit dans l'Eubée on montroit encore de fon temps un que antre nommé Elara, du nom de fa mere, & une Chapelle où on rendoit à Tityus un culte religieux. Mais Strabon qui dit qu'il regnoit à Panope, ne contredit-il pas Homere, qui fait faire à Rhadamanth e le voyage de l'Eubée pour y voir Tityus? Madame Dacier a cherché à concilier cette contradiction, en disant qu'Elara étant accouchée de Tityus, l'emvoya dans l'Eubée pour le dérober à la jaloufie de fa Rivale; qu'il y fut élevé, & que ce fut pendant fa jeunesse que Rhadamanthe alla le voir; qu'enfuite Tityus étoit venu à Panope où il avoit regné; & que les Eubéens qui avoient pris foin de fon éducation, lui avoient confacré la Chapelle dont nous venons de parler.

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Phlegyas.

ON trouve auffi dans le Tartare l'infortuné Phlegyas, & il eft dans une continuelle appréhenfion de la chute d'un rocher qui lui pend fur la tête. Son crime fut d'avoir fait brûler le Temple d'Apollon de Delphes, parce qu'il crut que ce Dieu avoit débauché fa fille (a); apparemment que quelque Prêtre qui en étoit devenu amoureux, avoit pris l'habit & l'équipage de ce Dieu. Phlegyas eft le Prédicateur de ces

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triftes lieux, fi nous en croyons Virgile (a). Apprenez, dit-il
aux Ombres d'une voix fort élevée, à ne point méprifer les
Dieux, & à rendre juftice à tout le monde. Inutile fermon, puif-
qu'il eft fait à des gens qui ne font plus en état de pratiquer
de fi belles leçons.

Stace ajoute que le pauvre Phlegyas étoit à jeun & acca-
blé fous la pefanteur d'un effroyable rocher. Situation bien
gênante pour un Prédicateur, & on aura fans doute toujours
peine à comprendre comment Virgile le fait crier fi fort, étant
à jeun, & ayant un poids fi lourd fur l'eftomac.

Comme Paufanias eft celui des Anciens qui s'eft le plus étendu fur l'hiftoire de Phlegyas, je vais rapporter tout ce qu'il en dit (1).Eteocle étant mort fans enfans,les defcendans d'Ĥalmus prirent poffeffion de fes Etats, car il n'avoit que deux filles Chryfogenie & Chryfé. Celle-ci ayant eu une intrigue avec Mars,devint mere de Phlegyas,qui dans la fuite occupa le trone de fon aieul maternel,& fit changer de nom à la contrée qui s'ap. pelloit Andreide, & qui depuis fut nommée Phlegyade. Če Prince ayant fait batir une Ville de fon nom, la peupla de tout ce qu'il put ramaffer de plus brave dans toute la Grece ; & de ce mélange il fe forma un peuple audacieux qui prétendit faire un corps à part, & s'étant féparé des Orchomeniens, ne fongea qu'à s'aggrandir aux dépens de fes voisins. Il porta même fon audace jufqu'à marcher contre Delphes, & à vouloir piller le Temple d'Apollon. Philamman vint au fecours des Habitans de cette Ville avec une troupe d'Argiens choisis; mais lui & les fiens furent tués dans un combat qui fe donna fous les murs de Delphes. Cette victoire augmenta le courage & l'audace des Phlegéens; auffi Homere les reprefente-t' il comme un peuple fort belliqueux. C'est dans cet endroit de l'Iliade où le Poëte parle de Mars, & de la Terreur qui a ce Dieu pour pere; il met les Phlegéens dans le même rang pour la valeur. Le feu du Ciel, dit Paufanias, la pefte, & des tremblemens de terre continuels, exterminerent enfin

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(1) In Co

rinth. c. 26.
in Beot. c. 36.

(1) In Corinth.

cette nation. Ceux qui fe fauverent, pafferent dans la Pho cide, & il n'en fut plus parlé.

Phlegyas ajoûte le même Auteur (1), fit un voyage dans le Peloponnefe, en apparence par curiofité, mais en effet pour examiner le pays par lui-même, & voir fi les Habitans étoient en grand nombre & belliqueux. Car ce prince étoit le plus grand guerrier de fon temps, & de quelque côté qu'il fe jettât, il ravageoit la campagne, & remportoit toujours beaucoup de butin. Il n'avoit qu'une fille, qui s'étant laiffé féduire par quelque Prêtre d'Apollon, devint mere d'Escu (2) Voyez lape, comme nous le dirons dans le Livre fuivant (2).

Hift. de ce

Dieu, L. 5.

Phlegyas étant mort fans enfans, Chryfes fon neveu,du côté de fa belle-fœur, lui fuccéda. Les deux fables qu'on a mêlées dans cette hiftoire, l'une qu'il étoit fils de Mars, l'autre qu'il étoit puni dans le Tartare, font aifées à expliquer. Son extrême valeur lui fit fans doute donner pour pere le Dieu de la guerre : & d'ailleurs on ne manquoit gueres de mettre fur le compte de quelque Dieu les intrigues des filles du rang de Chryfé fa mere: fon entreprise contre Delphes eft fans doute ce qui le fit regarder comme un impie. Le genre de fupplice dont il étoit puni, n'eft qu'une imagination poëtique à laquelle apparemment fon caractere inquiet & ambitieux a (3) De Civ. donné lieu. Si nous en croyons cependant S. Augustin (3) Dei. L. 18. c. qui avoit recueilli plufieurs des anciennes traditions de la Grece, ce ne fut pas Phlegyas, mais Danaüs qui fut l'auteur de l'incendie du Temple de Delphes.

32.

c. 5.

Tantale.

TANTALE étoit fils de Tmole Roi de Lydie dans l'Afie (+) Hift. 10, mineure. Tzetzès nous apprend (4), après tous les Anciens, que ce Prince étoit très-religieux, mais qu'il pouffa la fuperftition jufqu'à offrir aux Dieux des Victimes humaines ; ce qui l'a fait regarder comme un impie, & a porté les Poëtes à le condamner au fupplice dont nous allons parler. Cependant Ovide & Hygin (a) croient qu'il ne mérita ce fupplice (a) Quærit aquas in aquis, &c.

que

que pour avoir revelé le fecret des Dieux, dont il étoit le
grand Prêtre, c'eft-à-dire, pour avoir découvert les mysteres
de leur culte ; ce qui étoit défendu avec la derniere rigueur.
Paufanias dans la description d'un tableau de Polygnote (1), (1) In Phoc
parle d'un vol facrilege fait par Tantale, & d'un ferment qu'il
fit, ajoûtant qu'il eut dans cette occafion Pandare pour com-
plice. Ce vol eft un point de Mythologie peu connu: la com-
mune opinion eft en effet que Tantale eft puni dans les En-
fers,
, pour avoir servi aux Dieux les membres de Pelops fon
fils, comme nous venons de le dire; mais Pindare, & après
lui Didyme, nous apprennent que ce Prince admis à la table
des Dieux, déroba le nectar & l'ambrofie, pour en faire part
aux mortels. Le Scholiafte de Pindare a fuivi une autre tradi-
tion, fur ce que Lucien prétendoit que Tantale avoit volé
un chien que Jupiter lui avoit confié pour garder fon Tem-
ple dans l'Ifle de Crete. Jupiter lui ayant fait demander ce
qu'étoit devenu ce Chien, il répondit qu'il n'en fçavoit rien :
voilà le vol & le faux ferment dont on vient de parler.

Jai dit que Paufanias avoit avancé que Pandare avoit été le complice de ce crime de Tantale, & de fon parjure: Pandare, fuivant cet Auteur, étoit de Milet, & fi nous en croyons Homere, les Dieux lui ôterent la vie, peut-être pour le punir de fon facrilege. Peneloppe, dans la bouche de laquelle le Poëte met ce trait d'hiftoire, ajoute que les filles de Pandare étant demeurées orphelines, Venus ellemême prit foin de leur éducation, & que les autres Déeffes les comblerent de faveurs ; que Junon leur donna la fageffe & la beauté, que Diane y joignit l'avantage de la taille, & que Minerve leur apprit à faire toutes fortes d'ouvrages qui conviennent aux femmes ; que quand elles furent nubiles, Venus remonta au Ciel pour prier Jupiter de leur accorder un heureux mariage, & que pendant cette abfence de la Déeffe, les Harpyes enleverent ces Princeffes, & les livrerent aux Furies. Le fens de cette fable, que je n'ai lue que dans Homere,

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eft que ces filles ayant perdu leur pere dans leur jeunesse; leurs Tuteurs avoient pris grand foin de leur éducation, & qu'elles moururent fur le point d'être mariées. C'est ainsi que les faits les plus fimples nous ont toujours été transmis fous les enveloppes de la fiction.

A l'égard de Tantale, Ovide rapporte que les Dieux étant allés loger chez ce Prince, il avoit voulu éprouver s'ils connoiffoient les choses cachées, & juger par-là de leur divinité ; qu'il leur avoit fervi pour cet effet le corps du jeune Pelops fon fils, mêlé avec d'autres viandes; que Cerès qui avoit trouvé le ragoût excellent, en avoit mangé une épaule, & que Jupiter qui découvrit la barbare curiofité de Tantale, avoit redonné la vie au jeune Prince, à qui il avoit remis une épaule d'yvoire à la place de celle qui avoit été mangée, & avoit précipité Tantale au milieu des Enfers; où affis, fuivant Homere, au milieu d'un repas fuperbe, les viandes se retirent à mesure qu'il avance les mains pour en prendre, de même que l'eau lorfqu'il en veut boire. Cependant dans le tableau de Polygnote, dont nous avons parlé, ce Prince étoit repréfenté dans la frayeur qu'une groffe roche, qui étoit fufpendue au-deffus de lui & prête à tomber à tous momens, lui infpiroit.

Paufanias dit que le Peintre avoit emprunté cette idée des Poëfies d'Archiloque, mais qu'il ne fçait pas fi Archiloque en a été l'inventeur ou s'il l'a prise de quelqu'autre Poëte: en ce cas-là, Tantale & Phlegyas auroient été punis du même fupplice.

Il y a bien de l'apparence que la fable qui met Tantale au milieu des viandes & des eaux fans en pouvoir goûter, eft une fuite de celle qui lui fait immoler aux Dieux des victimes humaines; & que les Poëtes pour donner plus d'horreur de la barbare coutume qu'avoit ce Roi de Lydie d'offrir de femblables facrifices, feignirent qu'il leur avoit voulu offrir fon propre fils, & parlerent de ce facrifice fous l'idée d'un (1) Olym. feftin; fi toutefois on n'aime mieux dire avec Pindare (1), que ce qui a donné lieu à cette fable, c'eft que Neptune, c'eft-à dire, quelque fameux Corfaire, ayant enlevé le jeune Pelops, quelqu'un pour rendre Tantale odieux, publia la fable de ce

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