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pendant l'efpace de plus de deux cens ans,avoient occupé cette Ifle, lorfqu'une grande fechereffe la leur fit abandonner (a).

On trouve auffi dans le Tartare Edipe, Etheocle, Polynice, Ixion, Théfée Porphyrion & quelques autres dont les font crimes affez connus ; mais nous aurons une occasion plus naturelle d'en parler, dans le troisiéme volume.

(a) J'avois déja parlé affez au long de ces deux Aloïdes, dans l'Hiftoire des Geants, Livre I. mais comme j'avois omis plufieurs particularités affez curieuses, j'ai crû devoir reprendre cette Hiftoire, & j'efpere qu'on me pardonnera cette repetition, ains que quelques autres qu'il eft impoffible d'éviter dans un Ouvrage de cette nature, quelque précaution qu'on prenne.

LIVRE

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LIVRE CINQUIEME

DE QUELQUES AUTRES DIEUX
adorés par les Grecs, & par les Romains.

NDEPENDAMMENT des Dieux
dont il a été parlé dans les Livres précedens,
les Grecs & les Romains en reconnoiffoient
encore un grand nombre, qu'ils ne plaçoient
dans aucune des quatre claffes dans lesquel-

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les j'ai renfermé les autres (a). Ciceron (1) après (1) De Nat. avoir parlé des Dieux naturels, comme le Deor. 1. 2. Ciel, la Terre, les Aftres, &c. ajoute « qu'outre ceux-là il » y a en bien d'autres qui ont été divinités par les Sages de la Grece, & par nos Ancêtres, dans la perfuasion où ils étoient que tout ce qui procure une grande utilité aux hommes, leur vient d'une bonté divine.... On a fait aufsi » le nom d'un Dieu d'une chofe qui a quelque vertu fingu»liere, par exemple, la Foi, l'Intelligence. Depuis peu Scaurus les a placées au Capitole parmi les Divinités. La Foi y avoit déja été mife par Calatinus. Vous avez devant les le Temple de la Vertu, & celui de l'Honneur, retabli par Marcellus, érigé autrefois par Fabius. Parlerai - je des

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yeux

(a) Les Mythologues nomment ces Dieux Azonoi, hors des Zones, c'est-à-dire, pour parler plus clairement, hors des claffes, dans lesquelles ils rangeoient les autres. Vuu

Tome II.

(1) De Civ. Dei. 1. 4. c.23.

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Temples dédiés au Secours, au Salut, à la Liberté, à la Concorde, à la Victoire, qui font chofes qu'on a déïfiés, parce que leurs Etres ne fçauroient être que ceux d'une puif» fance Divine? C'eft ce qui a fait confacrer pareillement les » noms de Cupidon, de la Volupté, de Venus, &c. ».

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Ce fçavant Auteur ne nomme pas à beaucoup près tous les Dieux de cette efpece, comme on le verra dans la fuite. Après en avoir bien examiné la nature, je crois qu'on peut les rapporter à cinq ou fix chefs. Je veux dire aux Vertus, aux affections, & aux paffions de l'ame; aux vices, aux actions principales de la vie, comme le mariage, la fanté, les maladies, les repas, la joye; car on avoit des Dieux pour le manger, le boire, le fommeil, &c. Commençons par ce que le Paganisme avoit de plus fenfé & de plus raisonnable, j'entends par là les Vertus mifes au rang des Dieux.

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СНАРIT RE I.

De quelques Etres, & en particulier des Vertus érigées en Divinités.

SAIN

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LA FELICITE'.

AINT Augustin (1) s'étonne avec raison que les Romains qui avoient introduit un grand nombre de Dieux inconnus aux autres Nations, fe foient avifés fi tard de mettre la Félicité de ce nombre: « Car enfin, dit ce fçavant Pere de l'Eglife, fi » les livres & les cérémonies des Payens font véritables, & que la Félicité foit une Déeffe, pour quoi ne l'ont ils » pas uniquement adorée, puisqu'elle pouvoit tout donner, & rendre les hommes promptement heureux ? Que defi>rons-nous en effet autre chofe que le bonheur ? Pourquoi ont-ils attendu fi tard à lui bâtir un Temple? Pourquoi Ro» mulus lui-même qui vouloit fonder une Ville heureuse, ne lui en a-t-il pas furtout confacré un, & abandonné pour elle feule le culte de tous les autres Dieux; puifqu'avec elle rien ne pouvoit lui manquer? En effet, fi cette Déesse

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» ne lui eût été favorable, il n'auroit pas été Roi, & enfuite » Dieu lui même. Pourquoi donc Romulus a-t-il donné pour Dieux aux Romains Janus, Jupiter, Mars, Picus, Faunus, Tyberinus, Hercule? Pourquoi T. Tatius y a-t-il ajoûté Sa> turne, Ops, le Soleil, la Lune, Vulcain, la Lumiere, & » une infinité d'autres, & même la Déeffe Cloacine, au même temps qu'il ne faifoit aucun compte de la Félicité? Pourquoi Numa a-t-il introduit tant de Dieux & tant de Déeffes » fans la mettre du nombre ? Ne feroit-ce point peut-être par» ce qu'il n'a pu la démêler parmi une fi grande foule de divinités? Si Tullus Hoftilius l'eût connue & adorée,il n'eût pas » confacré la Peur & la Pâleur, puifque l'une & l'autre euffent disparu à la vûe de la Félicité ».

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Tous les autres Dieux, dit-il encore, l'auroient cédé à la Félicité, Jupiter lui-même, puifque c'étoit elle qui l'avoit rendu heureux, en le plaçant fur le Trône. Mais, ajoûte ce S. Docteur, les guerres civiles ne font arrivées que depuis que Rome eut reconnu cette Déeffe. Ne feroit-ce point, dit-il, qu'elle étoit piquée de ce qu'au lieu de la mettre au nombre des grands Dieux, des Dieux du conseil, & de lui bâtir le Temple le plus magnifique, & qui eût effacé ceux de tous les autres Dieux, on l'avoit placée à côté d'un Priape, d'une Cloacine &c. Il paroît par ce qu'on vient de rapporter, que ce ne fut que fort tard que les Romains mirent la Félicité au rang de leurs divinités. Ce ne fut en effet que plus de fix cens ans après la fondation de Rome que Lucullus au retour de la guerre contre Mithridate & Tigrane lui fit bâtir un Temple. Pline (1), (1) L. 35. c. ajoûte que ce Général avoit ordonné au Sculpteur Archefilas de faire la ftatue de cette Déesse, mais qu'ils moururent l'un & l'autre avant que l'ouvrage fût achevé. Lepidus Général de la cavalerie, avoit auffi, au rapport de Dion (2), dédié un Temple (2) L. 44. à cette divinité; & c'est-là à peu près tout ce qu'on en fçait. Les Grecs honoroient auffi la même Déeffe fous le nom d'Eudemonia & de Macaria. Un oracle ayant appris aux Athéniens qu'ils remporteroient la victoire fi un des enfans d'Hercule fe donnoit volontairement la mort, Macarie une de fes filles fe tua elle-même, les Athéniens furent victorieux, &

12.

(1) Tufc.

honorerent celle qui s'étoit dévouée pour eux, fous le nom de la Félicité, que fon nom fignifie. Mais il ne paroît pas que cette divinité Athénienne ait aucun rapport avec celle qu'adoroient les Romains fous le même nom.

Quoiqu'il en foit, la Félicité paroît fouvent fur les Médailles Romaines, ou fous la figure d'une femme qui tient à la main la corne d'abondance, ou fous quelqu'autre symbole, avec la légende, Felicitas publica, ou Felicitas Aug. Felicitas temporum.

L'Esperance.

SI L'ESPERANCE s'étoit évaporée lorfque l'indifcret Epimethée ouvrit la boëte de Pandore, il ne feroit refté à l'homme aucune ressource contre les maux qui l'accablent. Comme elle demeura feule au fond de la boëte fatale, je ne fuis pas étonné qu'on en ait fait une Divinité. Ciceron (1) définit l'EfQuæft. I. I. pérance l'attente des biens, bonorum expectatio : définition conforme à celle de l'Apôtre, fpes eft futurorum bonorum: Ces biens à venir foit dans cette vie, foit dans l'autre, font fon objet ; & il y a apparence que les Payens même l'étendoient jufqueslà. C'eft dans l'Efpérance de l'immortalité, dit Ciceron, que les Heros fe font livrés si volontairement à la mort. Les plus fages d'entre les Payens nous ont montré ce que pouvoient faire l'Efpérance & la Crainte fur l'efprit de ceux qui envifa(1) De Rep. geoient de près la vie future. Ce que dit Platon à ce fujet (2) eft admirable: Sache, Socrate, que lorfque que quelqu'un eft fur le point de mourir, la crainte & l'inquietude s'emparent de lui au fujet de ce qu'il a négligé dans cette vie. C'est alors que les peines & les fupplices réfervés au criminel dans l'autre monde qu'il n'avoit regardés jufques-là que comme des fables ridicules, & dont il avoit fait l'objet de fes railleries, le touchent, & l'agitent, penfant que tout cela pourroit bien être vrai. Ainfi foit que fon efprit foit affoibli par l'âge, foit qu'étant plus proche de la mort, il examine les chofes avec plus d'attention, fon ame se trouve faifie de crainte & d'effroi ; & s'il a fait tort à quelqu'un, le defef poir l'accable, pendant que celui qui n'a rien à fe reprocher conçoit cette douce espérance que Pindare appelle la nourrice de la

L. S.

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