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c'étoit le Dieu de la Médecine, ne manqua pas de confulter cet impofteur, qui gagna à ce métier beaucoup d'argent.

Les malades venoient en foule dans les Temples de ce Dieu pour être guéris de leurs infirmités, ils y paffoient ordinairement la nuit; & lorfqu'ils y avoient reçû quelque foulagement, ils laiffoient des représentations des parties de leurs corps qui avoient été guéries.

I y a grande apparence au refte que les Prêtres qui desfervoient ces Temples, & qui ordinairement étoient d'habiles Médecins, faifoient prendre, mais d'une maniere mystérieufe, des remedes à ces malades, ou qu'ils en mêloient dans les chofes que ces malades pour se foutenir étoientobligés de prendre, & qu'enfuite ils attribuoient à ce Dieu des guérifons qui n'étoient dûes qu'à ces remedes. Ce que je dis-là n'eft pas fans fondement: on fçait qu'Apollonius de Thiane ayant paffé quelques années dans le Temple qu'Efculape avoit à Egès ville de Cilicie, & qui étoit un des plus célebre, y puifa plufieurs connoiffances, & apprit l'usage d'un grand nombre de remedes, dont il fe fervit dans la fuite pour guerir les malades, aufquels il les donnoit gratuitement; ce qui lui en attira une foule dont il étoit toujours environné, & lui acquit beaucoup de réputation.

Quelques railleries qu'il y ait dans le Plutus d'Ariftophane contre Efculape & les autres Dieux, on y apperçoit cependant de quelle maniere les malades paffoient la nuit dans fon Temple, pour y être gueris ; & il y a peut-être peu de morceaux dans l'Antiquité, dont on puiffe tirer plus de lumieres fur cet article, que dans cette Comédie (a).

Les autres Dieux de la Medecine, & de la Santé qu'elle procure, étoient parmi les Grecs Thelefphore, Hygiea, Jafo, & Panacée, qu'on difoit être les enfans d'Efculape, & Meditrina. Les Pergameniens, au rapport de Paufanias, fur la foi d'un Oracle honoroient comme un Dieu Thelefphore, que les Epidauriens, qui lui rendoient auffi les honneurs divins, appelloient Acefios, qui rend la fanté, & les Sicyoniens,

(a) Voyez la Medaille des Epidauriens, rapportée dans Spanheim, & la page 76. du troifiéme Volume du Théâtre Grec.

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Evemerion. Auffi ce Dieu étoit-il à parler exactement, le Dieu des convalefcens. Hygiea participoit auffi aux mêmes honneurs, ainsi que fes foeurs (a) Panacée & Jafo. L'Auteur que je viens de citer, dit que dans le Temple d'Efculape à Sicyone étoit une Statue de la premiere de ces trois Déeffes, prefqu'entierement couverte d'un voile, à laquelle les femmes de cette ville dédioient leurs chevelures ; & on la trouve fouvent représentée fur les monumens anciens, & fur les Medailles, tantôt avec fon pere, fouvent feule. Les Romains furtout portoient un grand refpect à cette Déeffe, la regardoient comme le falut de l'Empire, & lui en donnoient la qualité fur leurs Medailles.

Je n'ai pas deffein de parcourir tous les Monumens fur lefquels on trouve Efculape, & les autres Dieux de la Medecine qui ont fait la matiere de ce Chapitre. On peut confulter les Antiquaires; il fuffit d'avertir qu'Efculape paroît toujours fous la figure d'un homme grave, couvert d'un manteau, ayant quelquefois le boiffeau de Serapis fur la tête, tenant un bâton à la main, lequel eft ordinairement entortillé d'un ferpent; quelquefois avec une patere d'une main, & le ferpent de l'autre; quelquefois appuyé fur un cippe entortillé auffi par un ferpent. Le coq, animal confacré à ce Dieu, & dont la vigilance marque celle que doivent avoir les Medecins, fe trouve quelquefois aux pieds de fes Statues, & une fois fenlement il en porte un à la main. On fçait que Socrate prêt à expirer, dit à ceux qui l'affiftoient dans ce trifte moment, Nous devons un coq à Efculape, donnez-le fans délar. Hygiea qui accompagne fouvent fon pere dans les Monumens qui nous en reftent, paroît comme une jeune femme, qui tient ordinairement un ferpent d'une main, & une patere de l'autre ; quelquefois le ferpent boit dans la patere, quelquefois il entortille tout le corps de la Déeffe. Thelefphore eft toujours peint en jeune enfant, & avec un habit singulier. C'eft une longue robbe qui lui couvre tout le corps, en forte que les bras ne paroiffent point; il a fur la tête une espece

(a) Ces deux noms ont un rapport marqué avec la Medecine, le premier veut dire remede univerfel, le second, medela, ou guerison.

de capuchon, qui ne laiffe que le vifage à découvert. Cet habit eft prefque en tout femblable à celui des Camaldules. Cet habillement eft fans doute myfterieux, voudroit-il dire que les convalefcens doivent être bien couverts? veut-il dire autre chose? C'eft ce qu'on ignore. Enfin Meditrina, dont le nom vient de mederi, medela, guerir, guerifon, étoit encore une Déeffe de la Medecine que Varron & Feftus nous apprennent avoir été honorée à Rome : la principale céremonie de fa fête, nommée meditrinalia, confiftoit à goûter le vin nouveau, par principe de fanté ; le Pontife du Dieu Mars, appellé Flamen Martialis, recitoit à haute voix cette formule, il faut boire le vin nouveau, & le vieux, comme un remede.

Salus ou la Déeffe de la Santé.

Comme la Santé elle-même eft fans contredit le premier de tous les biens de la vie, après avoir parlé des Dieux qu'on honoroit pour l'obtenir, j'en dois dire ici un mot. Les Romains qui en avoient fait une Divinité fous le nom de Salus, l'honoroient d'un culte particulier. Ciceron, Pline, & d'autres encore parlent affez fouvent des Temples confacrés à cette Déeffe, & Tite-Live fait mention de celui que lui éleva le Cenfeur Junius Babulo, près d'une des portes de la ville, qui pour cela fut appellée la porte de la Santé, Salutaris. Comme les Anciens parlent fouvent de l'Augure de la Santé, & que Ciceron s'exprime ainfi à ce fujet, Salutem populi Sacerdotes augurantor; il eft bon de fçavoir que les Prêtres de ce College s'étoient arrogés le droit de pouvoir demander feuls aux Dieux la fanté de chaque particulier & de tout l'Etat, comme si chacun n'avoit pû la demander lui-même. Dion (1). (1) L. 3. nous apprend que le jour deftiné à cette céremonie des Augures,étoit très folemnel; & comme il falloit que pendant l'année il ne fût parti de Rome aucune armée, & qu'on jouît d'une profonde paix, il arrivoit souvent qu'on étoit bien du temps à pouvoir prendre les Augures de la Santé.

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De quelques Dieux particuliers aux Grecs, & à quelques
Peuples de l'Afie Mineure & des Iffes.

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ARMI les Dieux dont je dois parler dans ce Chapitre, il y en avoit de Topiques, ou de particuliers à quelques lieux; & de communs, qui étoient adorés en plufieurs endroits. Ces Dieux étoient ordinairement appellés les Dieux Tutelaires, qu'on croyoit prendre foin ou d'une perfonne, ou d'une maison, ou d'une ville, & quelquefois de tout un Peuple, & qu'on honoroit d'un culte particulier. Servius fur le vers dans lequel Virgile appelle Hercule le Gardien de Soracte, (1) En 1.7. Cuftos Soractis Apollo (1), obferve que ces Dieux Topiques étoient affectés à un pays particulier. Chaque pays avoit un ou plufieurs de ces Dieux. Ainfi Aftarté étoit la Divinité Topique des Syriens; Diafarès & Dionyfius, des Arabes; Marica, des habitans de Minturne en Italie ; Tibilinus, des peuples de la Norique ; Delventinus, des Cruftumeniens; Ancharita, des Afculans. Telle étoit encore Minerve à Athenes; Junon, à Samos & à Carthage; Mars dans la Thrace; Venus à Cythere, à Paphos & à Amathonthe, &c. Faune, aux Latins; Sancus, aux Sabins; Fenelles, aux peuples d'Aquilée; Laphiftius, aux Archomeniens; Tenes, aux habitans de l'Ifle de Tenedos; Vulcain, à Lemnos; Bacchus, à Naxe; Apollon,à Delphes; chez les Cariens, Lagdnia; Tuifcon,& Velleda,aux Germains; Efus,aux Gaulois. Les Romains, au rapport de Macrobe (2) avoient auffi leurs Dieux tutelaires; & lorfqu'ils affiegeoient une ville, ils ne manquoient guefelon Pline, de faire évoquer le Dieu Patron de cette ville, par un Prêtre qu'ils amenoient pour cela, qui avec quelques formules l'exhortoit de quitter fon domicile, & de venir dans le camp, & enfuite dans la ville, où il feroit autrement

(2) Satur. 1. 3. c. 9.

res,

honoré

honoré qu'il ne l'étoit dans celle où il avoit choifi fa rélidence (a).

Comme tous ces Dieux font connus, & que j'ai déja parlé de la plûpart, je passe à quelques autres qui le font moins.

Sofipolis.

Je commence par Sofipolis, Dieu des Eléens, dont parle Paufanias (1); & comme il eft le feul des Anciens qui (1) In Eli. nous le faffe connoître, je vais copier ce qu'il en raconte. Cet Auteur, après avoir dit que Lucine avoit un Temple à Olympie & une Prêtreffe qui le deffervoit, ajoute: « Sofipolis a auffi la fienne, qui eft obligée de garder la chaste➡té. C'eft elle qui fait toutes les purifications requifes, & qui » offre au Dieu fuivant l'ufage des Eléens, une espece de gâ❤teau pétri avec du miel. Dans la partie anterieure du Temple, car le Temple eft double, il y a un Autel dédié à Lucine, & les hommes y ont une entrée libre; plus avant, c'est le lieu où Sofipolis eft honoré perfonne n'y entre que la Prêtreffe, qui même pour exercer fon miniftere fe » couvre la tête & le vifage d'un voile blanc. Les filles & les femmes reftent dans le Temple de Lucine, & là elles chan>> tent un Hymne, & brûlent des parfums en l'honneur de Sofipolis: mais elles n'ufent point de vin dans leurs libations. Jurer par Sofipolis eft pour les Eléens un ferment inviolable».

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Quant à ce Dieu, continue cetAuteur, voici ce que ces Eléens en racontent. Les Arcadiens étant entrés dans l'Elide, les Eléens marcherent contre eux; & comme ils étoient fur le point de donner bataille, une femme se presenta à eux tenant un enfant à la maminelle, & leur dit que cet enfant combattroit pour eux. On le mit nud à la tête de l'armée, & on le vit dans le moment se métamorphofer en ferpent, prodige qui effraya les ennemis, & les obligea de prendre la fuite. Comme par cette avanture Elis fut fauvée, on donna à l'enfant le nom de Sofipolis (2), & on lui bâtit le Temple dont on (2) Sauveur Voyez ce qui a été dit des évocations dans le premier Volume.

Tome II.

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de la ville.

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