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temps déteftés, s'y répandirent de tous côtés. Ifis, Ofiris; Harpocrate, Anubis, Serapis, &c. y avoient des Temples, des Autels & des Prêtres. Il est vrai qu'ils ne furent introduits dans Rome qu'avec quelque ménagement, puifqu'avant que de commencer les cérémonies particulieres au culte de ces Dieux, les Prêtres en demandoient la permiffion aux anciennes Divinités de la République; mais cet ufage qui au fond n'étoit que de parade, s'abolit bien-tôt lui-même, & tout fut inondé de ce culte étranger, culte le plus indécent que l'homme abandonné à fa propre foibleffe ait pû établir. On fit encore quelques efforts pour le reprimer. Agrippa gendre d'Augufte & Gouverneur de Rome, ne permit la pratique de ces céremonies qu'à 5oo. pas hors des (1) Tacite, murs de la ville. Tibere fit plus : il exila (1) de Rome tous Ann.l.s. Suet. ceux qui ne vouloient pas renoncer aux pratiques fuperftitieufes de ces nouveaux cultes. Mais foit qu'il changeât d'avis par la fuite, ou qu'il ne tint pas la main à l'exécution de fon Decret, toutes les cérémonies fe renouvellerent dans les regnes fuivans. Il y eut même des Empereurs qui fe mêlerent parmi les Prêtres d'Ifis, & qui prirent part aux myfteres qu'on célébroit en fon honneur; d'autres fe firent initier à toutes les pratiques Egyptiennes, & la Magie fur-tout fut du goût d'Adrien, de Marc-Aurele & de quelques-autres.

in Tib.

Enfin la Religion Romaine prit une nouvelle face, du moins parmi les Philofophes Platoniciens, qui pour la rendre plus fupportable & plus raisonnable, imaginerent ces Génies intermédiaires, entre l'Etre fuprême & les hommes, & qui lui portoient leurs vœux & leurs prieres, fur quoi on peut confulter ce qui a été dit à ce fujet dans les Livres quatriéme & cinquiéme du premier Tome.

Long-temps auparavant de fages Romains avoient déclamé contre cette foule de Dieux adoptés par les Romains, & contre les excès où l'on s'étoit porté. Varron, (2) De Civ. au rapport de S. Augustin (2), avoit observé au sujet de ces Dei.l.4.c.31. Dieux tant de chofes ridicules, méprisables, & même détestables, qu'il faifoit bien voir qu'il n'en avoit pas une idée fort avantageufe. Ce fçavant Romain diftinguoit la Theolo

& 1.6. c. 2.

gie civile de la fabuleufe, & rejettoit ordinairement cette derniere, quoique ce fût la plus génerale, étant celle du peuple. On fçait ce que penfoit Ciceron de tous ces Dieux qu'une vaine fuperftition avoit porté à honorer, & on n'a qu'à lire à ce fujet fes trois Livres fur la Nature des Dieux. Senéque dans S. Auguftin (1) reprend cette Theologie civile encore (1) De Civ. avec plus d'aigreur que Varron n'avoit blâmé la Theologie Dei.l.6.c.10. fabuleufe. On conferve, difoit-il, les Dieux immortels dans une matiere vile & infenfible; on les représente fous la figure de bêtes, de poiffons, & on appelle des Dieux des chofes qui feroient des monftres, fi elles étoient animées. Voilà pour la Theologie populaire, puis parlant de la civile : Quoi, di.foit-il, eft ce donc que les rêveries de Titus Tatius, ou de Romulus, ou de Tullus Hoftilius, nous paroiffent plus raifonnables? L'un a confacré la Déeffe Cloacine, l'autre Picus & Tyberinus, & le dernier la Crainte & la Paleur, deux vilaines paffions des hommes, dont l'une eft un mouvement de l'ame étonnée, l'autre des efprits animaux, & plûtôt une couleur qu'une maladie.

Après ce préliminaire que j'ai crû néceffaire, je dois entrer dans le détail de ces Dieux que j'ai dit être particuliers aux Romains. On a déja parlé de quelques-uns: de ceux du mariage à l'occafion de Junon, de ceux des campagnes & des fruits dans l'hiftoire des Dieux de la Terre. Mais pour ne rien laiffer à défirer fur ce fujet, je dois encore faire mention de plufieurs autres qui n'étoient guéres connus que des Romains, & qui regardent la plupart les differens états de la vie. D'abord on en reconnoiffoit un grand nombre pour les femmes gtoffes & pour les enfans. La Déeffe Partunda préfidoit à leurs couches; & Egerie, qu'elles invoquoient avec une grande dévotion, employoit tous les foins à leur procurer une heureuse délivrance, pendant que les Dieux appellés Nixii, foulageoient les douleurs de l'enfantement. Profa procuroit d'heureuses couches, & Poftverta présidoit aux accouchemens difficiles. A peine l'enfant étoit conçû, les Dieux Viturnus & Sentinus donnoient l'un la vie, & l'autre le fentiment (2). La Déesse Nafcio, ou Natio, pré- de

que

1.7.

Civ. Dei (2) August.

nommé du

fans.

(2) Acunis, berceau.

Dei.

fidoit à la naiffance, & Nondina au neuviéme jour, qui étoit (1) Ainfi celui où les parens le nommoient. Vagitanus (1) étoit invomot latin Va- qué pour les cris & les pleurs de l'enfant, & la Déeffe Cugurus, qui ex- nina (2) pour avoir foin du berceau. Comme on avoit coucris des en- tume de mettre l'enfant nouveau né nud à terre, ainfi que nous l'apprenons de Pline (a), de Macrobe & de Seneque (b), on imploroit en fa faveur la Déeffe Levana, comme pour aider à le relever : lorfqu'il commençoit à tetter, (3) De Civit. c'étoit, felon S. Auguftin, (3) la Déeffe Rumina ou Rumia (4) (4) Ruma qui préfidoit à cette opération. Lorfqu'il étoit en état de manen vieux Latin ger & de boire, c'étoit alors la fonction des Déeffes Edufa ou Edulia, & Potina, dont les noms dénotent l'emploi. Dès qu'il commençoit à parler, ou plutôt à bégayer, on invo-. quoit Fabulinus, Dieu de la parole; & la Déeffe Paventia, pour en écarter les fujets de crainte. Enfin lorfqu'il étoit grand, & qu'il falloit commencer à lui donner de l'éducation, c'étoit aux Dieux Statilinus & Statanus qu'on s'adref foit. Offilago leur affermiffoit les os, comme nous l'apprenons d'Arnobe (c). Il y avoit encore d'autres Divinités du Mariage & de fes fuites, telles que les Déeffes Virginicuris, Prema, &c. dont on me fçaura gré de n'avoir pas expliqué les fonctions.

fignifioit mammelle.

(a) Omnes infantes terra nudos excipit. Plin.

(b) Natura hominem tantum nudum, & in nuda humo natali die objicit. Senec. Tellure cadentem

Excepi, fovique finu, &c. Stat. in Syl.

(c) Namque durare & folidare infantibus parvis offa, Offilago memoratur.

CHAPITRE VIII.

Suite du même Sujet.

OICI trois Divinités que je ne connois que par le feul

Vo

pas

paffage de Seneque rapporté par S. Auguftin (1). Ces (1) De Civ. trois Déeffes étoient Populonie, Fulgore & Rumine. Nous Dei. 1. 6. c. 2. laiffons, difoit ce Philofophe, quelques-unes de nos Déeffes dans le célibat, comme fi elles n'avoient pû trouver de parti; bien qu'il y en ait de veuves comme Populonie, Fulgore & Rumine, que je ne m'étonne point qu'on n'ait recherchées. Je ne connois guéres non plus ces Déeffes que les Romains appelloient Fetria Dea, parmi lesquelles Macrobe nomme Semonie; ni les Dieux que Plaute appelle Patellarii Dii, & qu'il femble placer dans la derniere des claffes: Dei me omnes magni minutique, & Patellarii; que les grands &les petits Dieux, & les Patellariens mêmes me foient favorables. Horace penfe comme Plaute en les appellant les petits Dieux. On ne fera guéres plus éclairé fur ce fujet, lorf que j'aurai dit que les Sçavans tirent ce nom des pateres, inftrument dont on fe fervoit dans les facrifices: car auroiton fait un Dieu de cet inftrument même ? C'eft ce qu'on ne nous apprend point.

Je ne ferai prefque que nommer une foule d'autres Divinités dont le culte s'étoit établi à Rome, telles que Juturna, comme qui diroit adjutrice, que Varron & Servius difent qu'on invoquoit lorfqu'on croyoit avoir befoin de fecours dans quelque entreprise. Les Dieux Novenfiles, comme qui diroit les Dieux nouvellement arrivés. On mettoit de ce nombre Hercule, Vefta, Salus, la Fortune & la Foi. Comme les Romains reçurent ces Dieux des Sabins, ils les appellerent les Dieux nouveaux, fur quoi on peut confulter Varron (2) & Tite - Live, qui en font mention. Les Dieux (2) De ling. nommés Divipotes, dont il étoit parlé,fuivant le même Varron, Lat. 1. 8.

Tome 11.

Ffff

huitiéme Liv. de l'En.

dans les livres des Augures, & que les Sçavans confondent avec les Dieux de Samothrace.

La Déesse Caca.

LACTANCE nous apprend que les Romains avoient mis au rang de leurs Déeffes, Caca la foeur du célebre Cacus, parce qu'elle avoit averti Hercule du vol qu'il lui avoit fait de (1) Sur le fes boeufs & Servius (1) nous apprend qu'elle avoit une Chapelle deffervie par les Veftales mêmes qui lui offroient des facrifices. Virgile, qui dans le livre huitiéme de fon Enei, de a fi bien décrit l'avanture de Cacus, au lieu de parler de sa fœur, dit au contraire feulement que ce fut un des boeufs enfermés dans l'antre de ce brigand, qui fe mit à mugir à l'approche de ceux qu'Hercule conduifoit, & décela le vol.

Quies.

LE Repos, Quies: certe Déeffe, car fon nom feminin mar que que c'en étoit une, étoit invoquée pour jouir du repos & de la tranquillité. Elle avoit un Temple hors la porte col(2) Liv. 4. line, & un autre felon Tite-Live (2) dans la rue Labicane.

(3) De ling. Lat. 1. 4.

Murcia, Strenua & Ageronia.

MURCIA étoit la Déeffe de la Pareffe, & rendoit fes devots pareffeux : fon I emple, felon Feftus, étoit fur le mont Aventin. Il faut diftinguer cette Déeffe de Murtia, furnom de Venus, ainsi que nous l'avons dit. Si Murcia faifoit les pareffeux, Strenua & Agenoria, autres Divinités Romaines, rendoient courageux & vigilant. La Chapelle de la premiere, fi nous en croyons Varron (3), étoit près de la rue Sacrée. Nous ne connoiffons le Dieu Minutius que par Feftus qui dit qu'il avoit une Chapelle près de la porte qui en avoit tiré fon nom (a).

(a) Aug. de Civ. Dei. 1.4. Minutia porta Romæ appellata, eo quòd proxima esset sacello Minutii.Feftus

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