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origine, & ils m'ont placé parmi eux.... Allez donc cher Proculus, & avertiffez mes Romains d'aimer la temperance & les exercices de la guerre.... Pour moi fous » le nom du Dieu Quirinus je leur ferai toujours favorable». Ce difcours tenu par un homme irreprochable calma les efprits, & on ne fongea plus qu'à honorer le nouveau Dieu fous le nom de Quiris ou Quirinus, furnom de Mars qu'on crut devoir donner à fon fils (a). On inftitua en fon honneur la fête nommée Quirinale, qu'on célebroit tous les ans le 17. Fevrier, & dans la fuite Numa Pompilius créa un grand Pontife, nommé Flamen Quirinalis, qui devoit être tiré du corps des Patriciens pour avoir foin du culte de ce Dieu. Cette inftitution & le nom du Pontife prouvent que ceux qui croyent qu'il n'y eut à Rome d'autre Dieu appellé Quirinus que Mars, fe trompent groffierement, puifque le Prêtre de Mars s'appelloit Flamen Martialis. Herfilia femme de Romulus reçut le même honneur que fon mari, & fut revérée fous le nom d'Horta, ou de la Déeffe de la jeuneffe,

Les Romains contens de voir leur Fondateur au nombre des Dieux, ne fongerent pas à y élever leurs autres Rois, ni aucuns de leurs grands hommes pendant plufieurs fiecles; jufqu'à ce qu'enfin ayant perdu leur liberté fous Jules Céfar, ils fouffrirent qu'Augufte fon fucceffeur le fit reconnoître comme un Dieu, faifant courir le bruit que Venus étoit venue, comme le raconte fi bien Ovide (1), au milieu (1) Met. l. 15. du Senat dans le temps que ce grand homme fut assassiné; & avoit placé fon ame parmi les Aftres. Une nouvelle étoile, ou plutôt une comete, qui parut cette année-là, felon Suetone (2), fut favorable à l'Apotheofe, & on voulut bien la (2) In Caf. regarder comme le féjour de l'ame de ce Prince. On bâtit des Temples en fon honneur, où l'on offroit des facrifices, & fa ftatue ne parut depuis qu'avec une étoile sur la tête (b).

(a) Il y a plufieurs opinions fur le mot Quiris & Quirinus, épithete de Mars: quelques uns croyent que dans la langue du pays il fignifioit une lance, d'autres que c'étoit le nom d'un ancien Dieu nommé Quiris, & adoré par les Sabins; quoiqu'il

en foit, Romulus prit fa place, & fut le
nouveau Mars de Rome.

(b) L'Apotheofe de Jules-Cefar fouf-
frit quelques difficultés, dont j'ai rapporté
le détail dans mes Métamorphofes d'O-
vide, liv. 15.

Ggggiij

C. 15.

Mais à dire vrai cette Apotheofe vint un peu tard; le temps n'étoit plus fi fertile en Divinités qu'il l'avoit été autrefois. Quelque refpect qu'on eût pour le petit neveu de Cefar, cette Apotheofe ne laiffa pas de lui attirer quelques raille(1) Plin.l.2. ries ; les uns l'appellerent faifeur de poupées (1), les autres dirent qu'il achevoit de peupler le ciel, qui depuis longtemps n'avoit reçû de nouvelle colonie. Mais Augufte fe moquoit des railleurs, efperant qu'on lui rendroit un jour les mêmes honneurs. Car rien n'eft tel que d'établir une nouvelle mode. Son efperance ne fut pas vaine; on n'attendit pas même fa mort pour les lui rendre, & il avoit à peine vingt-huit ans, felon Appien, lorfqu'il fut reconnu comme un Dieu tutelaire dans toutes les villes de l'Empire. La fureur de l'Apotheofe fut à un point dans la fuite qu'on mit au nombre des Dieux non-feulement les Empereurs les plus fcélerats, comme Tibere, mais auffi les plus ftupides, comme Claude. On fit les mêmes honneurs à plufieurs Imperatrices; & la folie d'Adrien alla même si loin, qu'il voulut qu'on regardât comme un Dieu l'infame Antinous qui s'étoit noyé dans le Nil, ayant fait élever dans la ville d'Antinopolis en Egypte, qu'il avoit fait bâtir en fon honneur, un Temple magnifique où il voulut auffi établir un oracle. Mais il faut avouer que ces nouveaux Dieux ni leurs oracles ne firent pas fortune, quelque foin qu'on prît pour les mettre en crédit. On ouvrit enfin les yeux fur un ufage auffi impie que ridicule, & on ne voit plus gueres de nouvelles Divinités depuis ce temps-là. En vain Alexandre qui affürément méritoit autant cet honneur qu'aucun autre, au prix où on le donnoit alors, avoit tenté plus de trois cens ans avant Augufte, à être mis au nombre des Immortels; en vain l'Orateur Demadès tâchoit, en employant toute fon éloquence, de porter les Atheniens à regarder ce Conquerant comme le treiziéme des grands Dieux; Alexandre ne fut point obéi, & l'Orateur fut mis à l'amende.

Enfin les Romains auffi fuperftitieux en matiere de Reli gion, qu'ils étoient devenus célebres par leur fçavante politique, de peur d'avoir oublié de mettre dans leur Calendrier

J

quelque Dieu fecourable ou nuifible, facrifierent aux Dieux inconnus, ainsi que les Grecs, comme nous l'avons dit dans le I. Volume. En effet Aulu-Gelle raconte (1) que pendant (1) L. 2. un furieux tremblement de terre qui ébranla toute la ville de Rome, comme on ignoroit à quel Dieu il falloit s'adreffer, ils immolerent à bon compte des victimes à celui qui caufoit ce funefte évenement, fans le nommer ni le connoître. Funefte & ridicule effet de la fuperftition, qui refusant de reconnoître le feul Dieu créateur de toutes chofes, en établissoit à chaque moment de nouveaux ; & en alloit ramasser dans tous les pays du monde, de peur qu'il ne lui en échapât quelqu'un! Telle étoit l'origine des Dieux inconnus & anonymes qui étoit une efpéce de fupplément à la créance publique.

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De quelques Dieux particuliers à l'Italie.

OMME l'Italie avoit reçû en différens temps plufieurs colonies, que les Grecs & d'autres Peuples encore y avoient conduites, ainfi qu'on peut le voir dans les fçavantes Differtations que Theodore Rickius a compofées à ce fujet, ces colonies, comme toutes les autres, porterent avec elles leurs Dieux & les céremonies de leur Religion. Je pourrois en citer en particulier un grand nombre d'exemples, mais comme ce n'eft pas ici le lieu de traiter cette matiere, (2) je me contente de celui des fêtes appellées Lu-, (2) Voyez percales que l'Arcadien Evandre y avoit établies. Comme la plupart de ces Dieux étoient les mêmes que ceux des Nations qui y avoient conduit des colonies, il eft inutile de repéter ce que nous avons dit; mais il y en avoit de particuliers à chaque canton, qu'il eft bon du moins de nommer ici. Les anciens Tofcans avoient leur Tagès, le grand artisan de la divination Etrufque, dont nous avons fait mention dans

le Tome 11

(1) T. I.1.4.

Tom. 3.

pour

l'article de la Divination (1). Les Sabins reconnoiffoient leur principale Divinité Semo Sangus, que l'on croit être Hercule, ainfi qu'on le dira dans l'hiftoire de ce Heros. Les Albins rendoient un culte particulier à Jupiter & à Enée, (2) Voyez qu'ils confondoient avec ce Dieu (2). Evandre & Carmenta 'Hift. d'Enée, fa femme mériterent les honneurs divins dans le lieu où s'étoit établie la colonie que ce Chef y avoit conduite; c'eftà-dire près du mont Aventin & aux environs. Hercule qui y avoit passé, lorsqu'il ramenoit d'Espagne les bœufs de Geryon, y reçut auffi les mêmes honneurs. Janus, Faunus, Picus, Canente, & quelques autres dont on a déja parlé, devinrent les Dieux Indigetes & Topiques des lieux où ils avoient regné.

Les habitans de la ville d'Antium & de Prænefte honoroient d'un culte particulier la Fortune, & avoient pour la confulter ces Sorts fi célebres dans l'Antiquité.

Enfin les habitans de Breffe en Italie avoient plufieurs Divinités qui leur étoient particulieres, que le Roffi, dans fes Memorie Brefciane, a fait graver. Le premier de ces Dieux représente une femme affife, appuyée fur une urne, tenant de la main droite un fceptre. Cette figure a la tête rayon nante & couronnée de laurier, & à fes pieds fe voit une roue & un compas. L'Auteur des Memoires dont je viens de parler, prend cette ftatue pour une Fortune; mais fans dire ici que la roue étoit auffi un fymbole de Nemesis, le fceptre & le compas conviennent encore mieux à cette Déeffe qu'à la Fortune. Peut-être eft-ce la Justice, à laquelle le fceptre & le compas conviennent parfaitement. Je ne crois pas cependant qu'on puiffe rien conclure de ce monument, finon qu'il repréfente une Divinité particuliere aux Breffans, chez lefquels il y en avoit encore d'autres qu'on ne trouve point ailleurs.

Une autre figure trouvée dans le même pays représente un jeune homme enveloppé d'une draperie qui lui couvre tout le corps, avec cette infcription, Bergino M. Nonius M. F. Senecianus, V. S. Marc Nonius Senecianus, fils de Marc, de la Tribu Favienne, a accompli le vœu qu'il avoit fait à Berginus.

La

La Toge Romaine que porte cette figure a fait croire au R. P. Dom Bernard de Montfaucon qu'elle repréfentoit celuilà même qui avoit accompli le vou; ce qui feroit bien extraordinaire. Il eft vrai que la famille de ce Nonius Senecianus étoit une des plus confidérables de Breffe; qu'on a trouvé même dans cette ville une ftatue d'un autre Nonius, avec cette inscription flatteuse, M. Nonius le jeune, la grande efperance des Breffans. Cependant je ne fçaurois me perfuader qu'un homme qui acquitte un vou fait à une Divinité, en ait pris la figure fur le monument qu'il fait élever à ce Dieu en action de graces du bienfait qu'il croit en avoir reçû. On ne fçait rien à la verité de ce Berginus, qui incontestablement étoit honoré comme un Dieu par les Breffans, puifqu'il avoit un Autel que l'Hiftorien des Antiquités de Breffe a fait graver, & une Prêtreffe qui avoit foin de fon culte. Le même Auteur rapporte en effet une infcription qui prouve que Nonia Maxima avoit exercé ce facerdoce. Berginus étoit fans doute quelque Heros du pays. C'est tout ce qu'on en peut dire, & fon habit à la Romaine n'a rien qui doive nous furprendre.

Tyllinus étoit un autre Dieu dont la figure a été aussi déterrée près de Breffe. Șa ftatue, qui au rapport du Sa Roffi fut mise en pieces l'an 840. par Rampat Evêque de Breffe, & qui n'avoit pour infcription que le nom du Dieu à qui elle étoit confacrée, Tyllino, étoit de fer, la tête couronnée de laurier, appuyant le pied droit fur le crane d'un mort, & tenant de la main gauche une pique de fer, terminée en haut par une main ouverte & étendue, fur laquelle on voyoit entre l'indice & le poûce un oeuf qu'un ferpent entortillé dans la main venoit mordre: symboles auffi obscurs que mysterieux, fur lefquels l'Antiquité ne nous apprend rien. Ce pied appuyé fur une tête de mort, & le laurier, marquoientils,comme le conjecture le P. Montfaucon, que Tyllinus triomphoit de la mort & étoit immortel? C'eft ce que je n'oferois affûrer. Qui fera, dit-on, l'Antiquaire ou le Mythologue affez hardi pour expliquer ce que fignifie le ferpent qui fe jette fur l'oeuf, que tient la main qui eft au haut de la pique? Tome II. Hhhh

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