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célébre; & ce feroit perdre le temps que d'accumuler des témoignages pour le prouver. Dans la fuite on y tint une Foire où s'affembloient des Marchands de plufieurs Nations voifines, & un grand concours de Peuples. Ce chêne que la Religion du pere des Croyans avoit confacré, ayant été si connu, il y a apparence, dit-on, que les Colonies qui partirent de la Syrie & des autres Provinces voisines, pour venir peupler l'Occident, en conferverent le fouvenir, & choifirent dans les lieux où ils étoient venus s'établir, cet arbre préférablement à tout autre, pour y célébrer les myfteres de leur Religion. On ne fçauroit difconvenir de même, ajoutet-on, que la Religion des Gaulois n'ait eu, du moins dans ses commencemens, beaucoup de rapport avec celle des Juifs. Porphyre qui avoit faifi ce rapport, en fit un sujet de reproche aux Chrétiens, en leur oppofant l'antiquité des Druydes, à la nouveauté de la religion Chrétienne.

Mais je crois qu'il eft inutile de chercher ici du myftere. La terre étoit autrefois toute couverte de bois ; & ceux qui venoient s'établir dans quelque pays inhabité, n'en défrichant qu'autant qu'il étoit néceffaire pour y femer du grain, il falloit bien qu'ils priffent les bois & les forêts pour célébrer leurs myfteres. D'ailleurs les lieux fombres & folitaires femblent infpirer je ne fçais quelle fainte frayeur qui les rend plus refpectables. On doit juger de l'ancien monde comme du nouveau: or toutes les Relations nous apprennent que l'Amerique n'étoit qu'une vafte forêt, & que fans connoître le chêne de Mambré, les Sauvages pratiquoient dans les bois & aux pieds des arbres leurs cérémonies religieufes.

Quoi qu'il en foit, rien n'eft fi ancien dans le Paganisme, que ce refpect pour les bois & les forêts, qui ont fervi de Temples aux premiers hommes; de forte même que quand on commença à en bâtir, on ne manquoit prefque jamais de planter des bois autour. De-là fans doute l'origine de ces Bois facrés, Luci, fi célébres dans toute l'Antiquité, & dont l'usage a duré si long-temps.

Lors même que toute la terre étoit remplie de Temples, à prendre ce mot dans fa propre fignification; non seulement

Tome 11.

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les Poëtes les défignoient encore par le mot Lucus,bois,bocage, mais les Historiens auffi, & ce qui eft encore plus fort, les Architectes même. Ainfi Vitruve parlant des proportions qu'on doit garder dans les Edifices d'ordre Tofcan, & donnant pour exemple le Temple de Diane Aricine, appelle ce Bâtiment, Aricino nemori Diana', le Bois de Diane,

Comme l'exercice de la Religion étoit entre les mains des Druydes, il est néceffaire de faire connoître ces Prêtres firenommés dans l'Antiquité..

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Os anciens Gaulois avoient d'abord, ainsi qu'on l'a dit, beaucoup de Religion, & comme les Druydes la traitoient d'une maniere également grave & férieufe, ils avoient infpiré un respect infini pour elle. Qu'on ne s'attende donc pas à trouver dans la Theologie ancienne de ce Peuple ces fables abfurdes & impies, dont celle des Grecs & des Romains étoit chargée; encore moins une Venus galante, un Jupiter inceftueux, & ces myfteres impurs que les Auteurs profanes n'ont pas même ofé réveler.

Quoique les Druydes fuffent les principaux miniftres de la Religion des Gaulois, ils n'étoient pas les feuls, & il y avoit differens degrés dans leur Hierarchie. Les Anciens nomment parmi ces différens miniftres les Bardes, les Eubages, les Vates & les Druydes. Ceux-ci étoient les chefs, & les autres des fubalternes qui les aidoient dans leur miniftere, & qui en tout leur étoient beaucoup inférieurs. Les Bardes, dont le nom en langue Celtique veut dire, felon Feftus, un Chantre célébroient en vers les actions immortelles des grands hommes, & les chantoient ordinairement fur des inftrumens de Mufique, Leurs vers étoient d'un fi grand prix

qu'ils fuffifoient pour immortalifer la memoire de ceux qu'ils avoient entrepris de louer, & ces Bardes eux-mêmes étoient fi eftimés, que s'ils fe préfentoient lorsque deux armées étoient prêtes d'en venir aux mains, & que le combat fût même déja commencé, on mettoit fur le champ les armes bas pour écouter leurs propofitions. Outre leur occupation ordinaire de célébrer les louanges de leurs Heros, & de ceux qui leur faifoient du bien, ils fe mêloient de cenfurer les actions des particuliers, fur-tout lorfque leur conduite ne répondoit pas à leur devoir.

Les Sarronides inftruifoient la jeuneffe, & lui infpiroient des fentimens vertueux. Les Vates, ou Eubages, avoient le foin des facrifices, & s'appliquoient à la contemplation de la Nature; mais ces trois fortes de Miniftres étoient inférieurs en tout & foumis aux Druydes, qui dans la fuite réunirent à leur corps prefque toutes leurs fonctions, fur-tout celles qui regardoient la Religion, leur laiffant feulement le foin des autres chofes. Les fonctions des autres que j'ai nommés font peu connues, & Diodore de Sicile confond même les Sarronides avec les Druydes. Ceux-ci étoient tellement fuperieurs aux autres, que non-feulement ils étoient chargés par leur état de tout ce qui concernoit la Religion, mais qu'ils donnoient encore la Loi à ces Miniftres fubalternes, qui ne pouvoient exercer leur emploi qu'avec leur permiffion, & étoient obligés de fe retirer lorfqu'ils paroiffoient, à moins qu'ils ne leur permiffent de demeurer.

Les Druydes dont le nom venoit incontestablement du mot Celtique Deru, qui veut dire un chêne, que les Grecs nomment d's, étoient donc chez nos anciens Gaulois les principaux Miniftres de la Religion. Les Anciens les défignent quelquefois par d'autres noms, mais qui marquent toujours leurs fonctions. Diodore de Sicile en effet en parle affez au long fous le nom de Sarronides, d'autres fous celui de Samothées, & Diogene Laerce (1), ainfi que Sui- (1) In proëm. das, nous apprennent qu'ils ont été appellés Semnothées nom qui défignoit la profeffion qu'ils faifoient d'honorer les Dieux, & d'être confacrés à leur fervice, comme celui de

Sarronides faifoit allufion aux chênes auprès defquels ils paffoient leur vie (a) Enfin les monumens déterrés dans la Cathedrale de Paris, dont nous parlerons dans la fuite, leur donnent le nom de Senani, qui sera expliqué en fon lieu.

Origine & Antiquité des Druydes.

Je ne m'amuferai pas long-temps à la recherche de l'an tiquité & de l'origine des Druydes. Ceux qui ont le plus approfondi cet article, font obligés d'avouer qu'ils n'ont rien de certain à propofer, & qu'il faut fe contenter de fimples conjectures. Les Druydes defcendoient-ils, comme le prétendent quelques Sçavans, des anciens Gymnofophiftes des Indes? Mais quelles traces nous a laiffées l'Hiftoire du commerce de gens fi éloignés les uns des autres ? Etoient-ils les difciples de Pythagore dont la doctrine a tant de rapport à celle de ces Prêtres Gaulois? Car enfin c'étoit en Italie, à Crotone que ce Philofophe publioit fes dogmes, & les Gaules font affez voifines de l'Italie pour que ces mêmes dogmes ayent paffé en-deçà des Alpes. Mais, 1°. Il y a bien plus d'apparence que Pythagore lui-même avoit adopté plufieurs opinions des Druydes. 2°. Il n'eft pas vrai que la doctrine de ce Philofophe ait autant de rapport qu'on le croit avec celle des Druydes ; & fur l'article principal qui eft celui de la Métempfycofe, que Pythagore avoit puifée en Egypte, & qui étoit de fon temps même répandue dans toutes les Indes; il ne paroît pas, comme on le verra dans la fuite qu'ils fe foient copiés les uns les autres. 3°. Quoique la diftance de l'Italie aux Gaules ne foit pas bien confidérable, des Italiens n'avoient que peu ou point de commerce avec les Gaulois, qu'ils regardoient comme des Barbares, contre lefquels ils ne cherchoient qu'à couvrir leurs frontieres.

Comme j'ai déja prouvé qu'il y a beaucoup d'apparence que les Celtes du Nord, peres de nos Gaulois, avoient puisé une partie de leur doctrine chez les Perfes, ou chez leurs

(a) Voyez l'Auteur de l'Hiftoire de la Religion des Gaulois, Tom. I. pag. 175,

voifins, on peut penfer de même que c'étoit fur le modele des Mages que les Druydes s'étoient formés ; & certainement la reffemblance entre eux eft mieux marquée qu'avec tous les autres Philofophes du monde. Auffi plufieurs Anciens ont-ils été du fentiment que je propofe, fans s'être embarraffés de la route par laquelle la Religion des Perfes pouvoit avoir pénétré dans le fond de l'Occident. Après tout l'origine des Druydes fe perd dans les ténebres de l'Antiquité, & tout ce que nous pouvons fçavoir, c'est que les Philofophes Grecs, Ariftote, Sofion, & d'autres encore avant eux, qui en ont fait mention, car ils étoient connus dès les temps les plus reculés, en parlent comme de gens fages, trèséclairés dans les matieres de Religion, & comme de Philofophes confommés dans la fpeculation. On avoit une idée fi avantageuse de leur fçavoir, que Ciceron dit que ce furent eux qui inventerent la Mythologie, & dès-là ils doivent paffer pour les maîtres des Grecs & des Romains.

Mais on ne verra que trop dans la fuite, car la verité m'engage à en dire le mal comme le bien, que toute leur fageffe n'étoit que folie, qu'ils étoient adonnés à des connoiffances auffi frivoles que dangereufes, à la Magie, à la Divination, & à des pratiques pueriles & fuperftitieufes ; & s'ils -ont paffé pour les plus fages des hommes, c'eft que les hommes admirent ordinairement ceux qui fçavent le mieux leur -en imposer.

De leur maniere de vivre & de s'habiller, de leur

Autorité, &c.

LES Druydes menoient une vie fort retirée & fort auftere, du moins en apparence. Cachés dans le fond des forêts, ils n'en fortoient que rarement, & c'étoit-là que toute la Nation alloit les confulter. Cette vie auftere attira l'admiration de Jules-Cefar, lui qui n'admiroit gueres que les vertus d'éclat & de parade; & il en fut fi frappé, qu'il ne put leur refufer fon eftime.

Quoique les Druydes formaffent plusieurs Colleges dans

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