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Gaules, s'amufoit un jour à compter fa dépenfe, lorsque son hôteffe, qui étoit une célebre Druydeffe, lui tint ce difcours : En verité, Seigneur, vous êtes trop avare. Hé bien, lui répondit Diocletien: Je ferai liberal quand je ferai Empereur. Vous le ferez, lui dit brufquement l'hôteffe, lorsque vous aurez tué Sanglier (1); cum aprum occideris. Diocletien frappé de (1) Vopifcus cette réponse, s'appliqua depuis beaucoup à tuer de ces ani- in Numeri. maux, fans pour cela parvenir à l'Empire; mais enfin s'étant avifé que l'équivoque du mot Latin Aper, qui veut dire un fanglier, pouvoit regarder Aper le beaupere de Numerien, il le fit mourir, & devint Empereur.

un

dio.

Enfin pour terminer ce qui regarde ces Miniftres de la Religion Gauloife, il eft bon d'examiner en peu de mots en quel temps ils furent abolis. Suetone (2), Aurelius Victor & (2) In ClauSeneque foutiennent que ce fut fous l'empire de Claude, ce qui eft abfolument faux, puisqu'on voit qu'ils fubfiftoient encore long-temps après; & il y a apparence qu'ils ne veulent parler que des facrifices humains dont cet Empereur leur interdit abfolument l'ufage, & c'eft le fens le plus naturel qu'on puiffe donner aux paroles du premier de ces trois Auteurs (a).

Tibere avoit donné un Arrêt contre eux, mais qui ne fut pas mieux executé, que l'avoit été celui d'Augufte. Adrien fit auffi un refcrit pour interdire l'ufage des facrifices de victimes humaines qu'on offroit à Mithras & à Jupiter; mais cet Edit ne regardoit pas plus les Druydes que les autres Prêtres de l'Empire. Les Druydes fubfiftoient encore du temps d'Eusebe de Cefarée, qui reproche aux Gaulois ces mêmes facrifices, ainsi que du temps d'Aufone qui en loue quelques-uns. qui étoient fes contemporains. Enfin on en trouvoit encore du moins dans le Pays Chartrain, jufqu'au milieu du cinquiéme fiecle; & il y a apparence que leur ordre ne fut entierement aboli que lorfque le Chriftianifme triompha entierement dans les Gaules des fuperftitions du Paganisme, ce qui n'arriva que tard, au moins dans quelques Provinces.

(a) Druydorum Religionem apud Gallos diræ immanitatis, & tantum civibus fub Augufto interdictam, penitus abolevit. Suet. ibid.

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CHAPITRE V.

De quelques Superftitions Gauloifes.

'ABOLITION des Druydes n'entraîna pas celle des

L'fuperftitions qu'ils avoient répandues dans toutes les

:

Gaules elles y avoient jetté de trop profondes racines, & l'introduction même du Chriftianifme n'en put pas arrêter les déteftables pratiques. Celle du premier Janvier, qui confiftoit à fe couvrir de la peau de plufieurs animaux, & de courir ainfi par les rues, dura jufqu'au feptiéme fiecle de l'Ere chrétienne, malgré les efforts des Evêques, les défenfes des Peres, & les Canons des Conciles qui tendoient à les abolir. C'eft cette pratique abominable, du moins dans fes commencemens, qu'on appelloit Cervoles & Vetula (a). Avec quel fcandale ne voyoit-on pas des gens fe transformer en bêtes, contrefaire dans leurs courfes infenfées le cerf, le faon, la biche, & d'autres animaux ? Mais on avoit beau déclamer contre cet usage, on alloit toujours fon train, & ces mascarades ridicules eurent bien de la peine à être oubliées.

Le culte de quelques Divinités particulieres, & plus che res que les autres à nos anciens Gaulois, dura encore bien avant dans le Chriftianifme, fur-tout celui de Diane, ou Arduina, dont nous parlerons dans la fuite, que ce Peuple, qui aimoit paffionément la Chaffe, prenoit pour fa protectrice. (1) Idem, ib. On a découvert depuis peu de temps une petite statue (1), qu'on croit être de cette Déeffe, & qui étoit apparemment le Dieu Penate, ou le Genie particulier de quelque fameux Chaffeur. Certe idole représente une femme couverte à moitié d'une espece de cuiraffe, tenant d'une main un arc débandé, & ayant près d'elle un chien.

Le funefte ufage de la Magie & des prestiges subsista encore

(a) Voyez la neuviéme Lettre de M. le Boeuf, dans l'Ouvrage intitulé, Divers Ecrits, &c. Tom. 1. pag. 280.

plus long-temps. Comme c'étoient les Druydeffes qui l'avoient mis en vogue, les femmes après l'extinction de ces Prêtreffes, continuerent à en obferver les pratiques, & dès-là on conçoit la difficulté qu'il y eut de les faire ceffer. Ces femmes croyoient bonnement aller au Sabath, ou que Diane leur prêtoit la nuit des montures pour courir à travers les airs ; & on fçait combien a duré cette folle credulité, fi toutefois elle ne fubfifte pas encore parmi quelques femmes du bas peuple. Lorsqu'on fut venu à bout de détruire la mascarade dont je viens de parler, les fêtes du premier jour de Janvier ne cefferent pas entierement elles ne firent que changer d'objet, & au lieu de courir fous la dépouille des bêtes, comme on faifoit auparavant, on introduit:t la coutume de dire ce jourlà la bonne avanture, & d'employer pour cela plusieurs pratiques fuperftitieufes de la Magie & de la Divination. Il n'eft pas douteux au refte, que toutes ces pratiques de Magie, ainfi que les idées de Sabath & de voyages nocturnes, ne viennent de nos anciens Gaulois & des Druydeffes qui les avoient exercées les premieres.

:

Une fuperftition encore bien finguliere, étoit celle que les Gaulois pratiquoient à l'égard du Rhin: lorfqu'ils foupçonnoient la fidelité de leurs femmes, ils les obligeoient d'expofer fur le fleuve les enfans dont ils croyoient n'être pas les peres, & s'ils étoient engloutis dans les eaux, la femme étoit punie de mort comme adultere; fi au contraire ils furnageoient & revenoient à leur mere qui les fuivoit fur le rivage, le mari perfuadé de fa chafteté, lui rendoit fa confiance & fon amour. L'Empereur Julien de qui nous apprenons ce fait, dit que ce fleuve vengeoit par fon discerne ment l'injure qu'on faifoit à la pureté du lit conjugal.

Autre fuperftition encore du moins auffi barbare. Avant de tenir confeil fur les affaires d'Etat, ces Peuples, au rapport de Strabon & de Diodore de Sicile, perçoient par derriere un homme d'un coup de poignard, & tiroient leurs augures de la maniere dont il tomboit, & de la forme de la playe.

Ádonnés à la science des Augures, particulierement an

vol & au chant des oifeaux, autant au moins que les Grecs & les Romains, les Gaulois confultoient auffi les entrailles des victimes, & étoient en général fi entêtés de toute forte de Divination, qu'ils regardoient avec un refpect infini tous ceux qui faifoient profeflion de connoître & de prédire l'avenir. Differens Conciles tenus dans les Gaules, un Traité de S. Eloi, & les Auteurs de l'Hiftoire Ecclefiaftique, nous apprennent plusieurs autres fortes de fuperftitions pratiquées par nos anciens Gaulois, & qui durerent la plûpart bien longtemps après qu'ils eurent embraffé le Chriftianifme: car rien au monde n'eft fi difficile à abolir que ces fortes d'ufages.

On voit par ces autorités qu'ils confultoient encore les Augures; qu'ils étoient attentifs à obferver le vol des oifeaux; les jours heureux & malheureux; les jours de la Lune; qu'on fe mafquoit encore au premier jour de Janvier, & qu'on continuoit à faire une partie des folies dont nous avons parlé ; qu'on obfervoit les Solitices, qu'on en tiroit des augures, & qu'on y chantoit des chanfons diffolues: qu'on invoquoit encore les noms de quelques Divinités payennes ; qu'on chommoit les jours de la dédicace des villes ; qu'on alloit avec des cierges allumés aux bornes des champs, comme pour y honorer le Dieu Terme ; qu'on pratiquoit plufieurs fortes de luftrations; qu'on jettoit des charmes fur les herbes & fur les fruits; qu'on juroit par les noms & furnoms du Soleil & de la Lune, qui étoient appellés le Seigneur & la Dame : que dans les maladies on avoit moins de foi aux Médecins qu'aux fortileges, aux talismans, &c.

Quoique les Gaulois n'ayent pas pouffé la fuperftition dans leurs funerailles auffi loin que plufieurs autres Nations idolâtres, ils ne laiffoient pas d'y en pratiquer quelques-unes affez fingulieres. Ils mettoient en effet les armes des morts & leurs boucliers dans leurs tombeaux, ainsi que plusieurs autres uftenciles qu'ils leurs croyoient neceffaires dans l'autre monde, ce qui a paru à l'ouverture de quelques-uns de ces monumens. Ils étoient même dans l'ufage de confier aux morts des lettres pour leurs parens défunts. Mais comme ce détail est plus du reffort des Antiquaires que des Mythologues,

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je me contente d'obferver qu'il y a apparence que les
tombeaux & les infcriptions qu'ils ont fait graver, paroiffent
n'être pas plus anciens que la conquête des Romains, puif
qu'ils y pratiquoient les mêmes fuperftitions qu'eux.

On voit dans ceux des Gaulois comme dans ceux
'de leurs vainqueurs la formule ordinaire, D. M. aux Dieux
Manes, Diis Inferis, aux Dieux de l'Enfer ; & on y trouve en-
fin la célebre formule, fub Afcia, qui a donné & donne en-
core la torture aux Sçavans qui ont voulu l'expliquer, & qui
fe contredifent prefque tous.

Après avoir parlé de la Religion des Gaulois, de leurs Miniftres & de leurs fuperftitions, il eft temps de donner l'hiftoire de leurs Dieux. Je vais commencer par ceux qui font fur les monumens déterrés dans la Cathedrale de Paris, où il s'en trouve qui étoient inconnus aux Hiftoriens Romains. Il eft vrai que plufieurs Sçavans ont déja expliqué ces monumens; mais je crois qu'une hiftoire abregée de cette découverte, & des ouvrages qui ont été compofés à ce fujet, jointe à quelque Reflexions nouvelles, ne déplaira pas à mes Lecteurs.

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CHAPITRE VI.

Des Bas-Reliefs déterrés dans le Chœur de la
Cathedrale de Paris.

ANs le temps que Louis XIV. pour exécuter le vœu
de Louis XIII. faifoit conftruire le magnifique Autel

de la Cathedrale de Paris, on fut obligé de changer le lieu
dela fépulture des Archevêques, & en fouillant la terre,on dé-
couvrit (1) un mur de près de trois pieds d'épaiffeur; & un peu (1) Le 16.
plus bas, un autre mur qui étoit en partie formé de pierres Mars 1711.
fur lefquelles on apperçutdes lettres & des figures: on retira
promptement ces pierres &on jugea que les figures qui y étoient
gravées repréfentoient des Divinités Gauloifes, & qu'elles

Tome II.

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