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enfin les Allemands leur Velleda (1): car le nom de leurs autres (1) Cefar. Déeffes Meres n'eft pas venu jufqu'à nous.

On ne fçait rien, au refte, de bien particulier fur le culte qu'on rendoit à ces Déeffes, Il étoit fans doute le même que celui des autres Divinités champêtres, & on peut très-bien conjecturer, fur ce qu'elles portent dans les bas-reliefs qui nous reftent, des fleurs & des fruits à la main, que c'étoitlà la matiere des facrifices qu'on offroit en leur honneur, ainsi qu'aux autres Dieux de la campagne. Le miel & le lait entroient auffi dans les offrandes qu'on leur faifoit: on doit conclure même du bas-relief de la Zelande, qu'il y avoit des Prêtres qui leur étoient confacrés, & que la liqueur que le Miniftre qui l'accompagne répand fur l'Autel, eft du lait ou du

vin.

On leur immoloit auffi le cochon : c'eft ce qui paroît dans le bas-relief de Rome, fur lequel on voit des Miniftres égorger une de ces victimes, pour l'offrir aux Déeffes qui y font nommées Suleva & Campestres, & qui étoient les mêmes que les Déeffes Meres, ou Matrones. On peut remarquer en paffant, qu'on immoloit le cochon à Bacchus & aux Divinités de la campagne, parce que cet animal caufe beaucoup de ravages dans les champs, dans les jardins & dans les vignes & c'eft pour cette même raifon qu'on facrifioit la truye à Cerès.

Les Peuples des Gaules, qui honoroient d'un culte particulier les Déeffes Meres, faifoient conftruire en leur honneur de petites Chapelles qui ont été nommées Cancelli, y portoient leurs offrandes, y allumoient de petites bougies ; & après avoir prononcé quelques paroles myfterieufes fur du pain ou fur quelques herbes, ils retiroient de la Chapelle ces offrandes, pour aller les cacher ou dans un chemin creux, ou dans le tronc de quelques arbres, croyant par-là garantir leurs troupeaux des maladies contagieufes & de la mort même. Ils joignoient encore à cette pratique plufieurs autres fuperftitions, dont on peut voir le détail dans les Capitulaires de nos Rois, & dans les anciens Rituels qui les défendent. Voilà ce que j'ai crû pouvoir dire de plus raisonnable sur

Com. 1. 6.

un sujet assez negligé par les autres Mythologues. Il eft étonnant que ceux qui ont donné d'amples & de fçavans Traités fur les Dieux du Paganisme, comme Gerard Voffius ; ceux même qui en avoient donné de particuliers fur les Divinités des Gaulois & des Germains, n'ayent pas davantage approfondi cette maniere: car on doit compter pour rien ce qu'en dit Schoédius, qui ne fait que copier le peu qu'en avoit dit Selden.

De tout ce que je viens de dire on doit conclure, 1°. Que les Déeffes Meres étoient des Divinités communes à plusieurs Peuples, & que les noms qu'elles portent dans les Infcriptions, étoient ceux des lieux où elles étoient honorées. Ainfi celles où on lit Matribus Gallaicis, marquoient les Déesses Meres de la Galice: & veritablement le monument fur lequel eft cette Infcription, fut trouvé à Coroña, ville de Galice. Les Meres de Vaccelli font celles d'un ancien bourg de l'ancienne Germanie, que Gruter nomme Vachlendorf. Les Rumanées, celles qui étoient honorées à Rhumaneim dans le pays de Juliers; ainfi des autres. 2°. Que ces Déeffes ont été particulierement honorées dans les Gaules & dans la Germanie, puisque c'eft dans ces deux pays qu'ont été trouvés la plupart des monumens qui nous en reftent; mais qu'on fe trompe, lorfqu'on prétend que c'eft chez ces deux peuples qu'elles ont pris leur origine, puifqu'on les connoiffoit en plufieurs autres endroits.

3°. Que ces Déeffes préfidoient à la campagne & aux fruits de la terre. Les cornes d'abondance qu'elles portent fur leurs monumens, & les fruits qu'on leur offroit en facrifice, en font des preuves convaincantes. Cependant on ne fçauroit nier, quoiqu'en difent quelques Antiquaires, qu'elles ne fufsent aussi honorées dans les villes, comme il paroît par le monument de Lyon, & par quelques autres, ainsi qu'on l'a dit.

4°. Que leur culte n'étoit pas borné aux chofes champêtres, puifqu'on les invoquoit, non feulement pour la fanté des Empereurs & de leurs familles; mais auffi pour celle des particuliers: deux exemples vont le prouver. Le premier est tiré d'une Inscription trouvée dans la Pannonie, qui porte, T. Pompilianus, Tribun des Soldats de la premiere Legion

Minervia,

Minervia, s'eft acquitté, en offrant un Repofoir & une Table aux Matrones d'Offen, & aux Meres de Pannonie & de Dalmatie, d'un vœu qu'il avoit fait pour la confervation de l'Empereur Sept. Severe, & de toute fa famille. L'autre Infcription, qui regarde les particuliers, eft conçue en ces termes : Julius Regulus, foldat de la fixieme Legion Antonienne, s'acquite volontiers du vou qu'il avoit fait aux Déelles Meres, pour lui & pour fa fa

mille.

5°. Que c'est avec raifon que j'ai cru que l'on confondoit fouvent les Déeffes Meres, avec les Génies particuliers de chaque lieu, ou avec les Junons, qui étoient les Génies des femmes; avec les Suleves, les Commodeves, les Matrones, les Sylvatiques, & autres femblables Divinités champêtres. De tous les exemples que je pourrois rapporter pour cette derniere propofition, je n'en choifirai que deux: on trouve les autres dans Gruter, dans Reynefius, dans Spon, & dans les autres Antiquaires. Je tire ces deux exemples de deux Infcriptions des Gabiens, dont l'une, rapportée par Etienne Broelman (1), dans fon Hiftoire de Cologne, eft conçue en ces (1) Specim. termes, Maironis Gabiabus. L'autre qu'on trouve dans Gru- Hift. Agrip. ter, p. 91. porte, Junonibus Gabiabus: par où il paroît clairement que les Junons, les Génies, & d'autres femblables Divinités, étoient les mêmes que les Déeffes Meres. Il paroît auffi par tout ce que j'ai dit, que leur culte n'étoit pas renfermé dans les Gaules feules & dans la Germanie, puisqu'il étoit auffi ancien que celui des autres Divinités du Paganisme; & qu'il faut chercher leur véritable origine dans la Phenicie, d'où étoient venus la plupart des Dieux connus dans l'Occident.

6°. Enfin que les Déeffes Meres étoient deffervies par des Prêtreffes, & que leur Sacerdoce s'appelloit facer Matratus, comme qui diroit le facré Mairage. Sur une Infcription trouvée depuis peu près de Cologne, fur un Autel dédié à la Déeffe Semelé & à fes foeurs, on lit que Regina Paterna qui prenoit foin du culte de ces Déeffes, fe qualifie de Prêtreffe ou Mairelle des Dames ou Déeffes Meres du lieu, & qu'elle avoit érigé elle-même ce Monument en reconnoiffance de l'honneur qu'on lui avoit fait de lui accorder ce Sacerdoce. Tome II. Tttt

Regina Materna ob honorem Jacri Matratus Aram pofuit. On pourroit encore conclure de-là que les filles de Cadmus, Semélé, Autonoé, Ino & Agavé, étoient regardées dans les Gaules & dans la Germanie comme des Déeffes Meres, puifque Regina Materna qui fe glorifie d'être Prêtreffe des Déeffes Meres, l'étoit des filles de Cadmus ; car le raisonnement de l'Auteur d'une Differtation au fujet de cette Infcription, rapportée dans les Mémoires de Trevoux, Juillet 1738. me paroît jufte. Je fuppofe, dit l'Auteur, que le facré Mairage emportoit de droit la dignité du Sacerdoce ou de la Prêtrife des Déeffes, à qui l'Autel en question étoit dédié; & comme il l'étoit à Semélé & à fes foeurs, & que cette Materna s'y dit mere née, & de plus décorée de la dignité facrée du Mairage, il eft naturel d'en conclure que cette même dignité étoit celle qui concernoit le culte de Semélé & de fes fœurs, qui par conféquent devoient être les Déeffes meres du canton où l'Infcription a été déterrée.

Quoiqu'il en foit, il est certain par la découverte de ce Monument, que le culte des filles de Cadmus avoit pénétré dans les Gaules & dans la Germanie, & qu'on doit mettre ces quatre Déesses au nombre de celles qui y étoient honorées.

(1) In Agric.

C. II.

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De la Religion des habitans de la Grande-Bretagne.

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E m'étendrai peu fur la Religion de ces Peuples, parce qu'elle étoit prefqu'entierement femblable à celle de nos Gaulois; mêmes Divinités, même culte, même Sacerdoce. Tacite dit (1) formellement que les Anglois avoient les mêmes fuperftitions que les Gaulois, comme la même audace dans les combats, & à peu-près le même langage. Ce(2) De Bell. far (2) en avoit pensé comme Tacite, & les autres Hiftoriens ne s'éloignent pas de ce fentiment. On a vû dans le commencement de ce Livre, que les Druydes étoient également

Gall. 1. 6.

refpectés en Angleterre & dans les Gaules; qu'ils étoient chez les uns & chez les autres Miniftres de la Religion, & que les premiers même paffoient pour plus fçavants & plus éclairés que ceux des Gaulois, qui y envoyoient leurs Eleves pour y être inftruits dans les myfteres les plus profonds. Les Anglois avoient auffi, comme les Gaulois, d'autres Miniftres fubalternes, les Bardes, & les Eubages, qui avoient chez l'un & l'autre Peuple les mêmes fonctions: on a pu remarquer auffi que les mêmes Bretons rendoient comme les Gaulois, un culte particulier aux Déeffes Meres, & qu'on en avoit déterré chez eux des monumens, auffi-bien que dans les Gaules.

c. 3.

Ajoutons encore que felon Camden & Selden (1), leur (1) De Diis Dieu Belatucadua étoit le même que le Belenus ou l'Apol- Syr. Synt. 2. lon de nos Gaulois, & que ces deux Peuples lui rendoient le même culte que les uns & les autres honoroient Dis, ou Pluton, & Samothès. Enfin pour achever le parallele, Tacite (2) & Dion Caffius (3), difent que les uns & les au (2) Loc. cit. tres immoloient à leurs Dieux des Victimes humaines.

Il eft bon cependant d'obferver, 1°. que comme l'Angleterre fut envahie par differens Peuples, fur-tout par les Pictes & les Saxons, fans parler des autres, il y a bien de l'apparence que ces Conquerants y porterent la connoiffance de quelques-uns de leurs Dieux, & c'eft peut-être de ce nombre qu'étoit leur Andate, Déeffe de la Victoire, qu'ils honoroient d'un culte particulier.

J'obferve, en fecond licu, que l'on doit employer ici la même diftinction dont on s'eft fervi dans l'Hiftoire de la Religion des Gaulois, c'eft-à-dire, qu'il faut avoir égard au temps; & que celle des Anglois dut changer de face, à la conquête qu'en firent les Romains, qui fans doute Y firent auffi connoître plufieurs de leurs Dieux.

3°. Que comme il eft certain que les Pheniciens eurent dès les temps les plus reculés un grand commerce dans la Grande-Bretagne, d'où ils emportoient tous les ans beaucoup d'étain, ils leur avoient peut-être laiffé la connoiffance de quelques-uns de leurs Dieux. Je dis peut-être, parce qu'on

Titt ij

(3) Liv. 60.

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