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n'y en a trouvé aucuns veftiges; & que d'ailleurs des Commerçans ne s'avifent gueres de parler des matieres de Religion avec ceux chez qui ils ne vont que pour négocier, & s'arrêtant feulement dans les Ports, le temps néceffaire à leur carguaifon. C'est ce qui fait qu'on a fi peu de connoiffance des Dieux de ce peuple, & qui nous feroient encore plus inconnus fans leur proximité avec les Gaules, dont la Religion nous eft mieux connue.

que

CHAPITRE XIV.

De la Religion des anciens Iberiens ou Efpagnols.

E ne crois pas qu'on puiffe douter que les anciens Espafuite des Carthaginois. Il est constant, & feu M. Huet Evêd'Avranches l'a prouvé dans fon fçavant Traité du Commerce des Anciens, que ces deux Peuples avoient un grand commerce avec les Efpagnols, furtout avec ceux qui habitoient la Bétique, aujourd'hui l'Andalousie, où ils alloient principalement trafiquer de l'or, qui en ce temps- là y étoit très-commun. Cela fuppofé, il paroît évident que ces deux Peuples leur apprirent une partie de leur Religion, & introduifirent chez eux le culte de quelques-unes de leurs Divinités. Le fait eft au moins certain pour l'Hercule Phenicien, celui qu'on dit qui éleva fur les bords de l'Ocean ces fameuses Cołomnes qui avertiffoient que c'étoit là le bout du monde connu, & qu'on ne pouvoit paffer outre. Cet Hercule en effet, fut dans la fuite fort honoré dans le pays, & l'Antiquité fait mention plus d'une fois du Temple célebre qu'il avoit à Gadès, ou Cadis. Cependant, foit défaut d'Hiftoriens anciens, foit manque de curiofité de la part des habitans, il y a peu de pays au monde dont la Religion nous foit moins connue que celle des anciens Espagnols Les Hiftoriens, furtout Mariana, qui font peupler l'Efpagne par uneColonie conduite parThubal,

environ cent trente-un ans après le Déluge, ne débitent que des fables auffi groffieres que mal afforties.

Ce n'eft pas qu'on n'ait de temps en temps déterré dans ce Pays quelques Monumens anciens; mais la plupart se sont trouvés totalement mutilés, & on n'a pu en tirer que des conjectures prefque entierement dénuées de preuves. On en a déterré plufieurs en differens endroits, fur lefquels on voit le nom d'Hercule; ce qui prouve que le culte de ce Dieu paffa de Cadis, où il fut d'abord établi, dans les Provinces

voisines.

On lit encore fur un affez grand nombre d'autres, qu'on trouve dans Gruter & dans Reinefius, le nom d'Endovellicus quelquefois joint à celui d'Hercule,quelquefois seul,& ces monumens ont prefque tous été deterrés près de la ville d'Ofca, aujourd'hui Villa Viciofa. Perfonne ne doute que cet Endovellicus n'ait été un Dieu particulier à l'Efpagne: mais étoitil le même qu'Hercule, comme le prétendent quelques Sçavans, ou en étoit-il different? C'est ce qu'il eft bien difficile de décider. Cependant comme dans une de ces infcriptions on lit,

HERCULI P.

ENDOVELL.
TOLET. V. V.

DEIS TUTELARIBUS.

il paroît qu'on diftinguoit en Espagne ces deux Dieux; car s'ils avoient été le même, on auroit mis Dieu Tutelaire, & non Dieux Tutelaires, au pluriel.

Comme on ignore quel étoit ce Dieu, adoré en Espagne, le feul pays où l'on ait trouvé fon nom, les Sçavans fe font donné carriere, & ont débité à ce fujet plufieurs conjectures. Quelques-uns ont cru que c'étoit le Dieu Mars, honoré en Espagne, comme on le verra dans la fuite: d'autres ont prétendu qu'il étoit le Cupidon des anciens Iberiens, ou Hercule lui-même, le nom de l'un & de l'autre fe trouvant sur une de ces Inscriptions; mais fans m'y arrêter, je renvoye les Curieux à la Differtation de Reinefius, à celle d'un Allemand

qui a pris le nom de Ludovicus Alphitandus, & enfin à celle de M. Freret, dont l'Extrait eft imprimé dans la Partie hiftorique du troifiéme Volume des Mémoires de l'Académie des (1) Pag. 191. Belles-Lettres (1).

1.6. c. 44.

P. 106.

Nous trouvons encore parmi les Anciens, que les Efpagnols honoroient Pluton, ou plutôt Mouth, ou la Mort, ainfi que les Pheniciens (a): & ceux qui admettent l'Hiftoire des Titans, telle que je l'ai racontée, n'auront pas de peine à comprendre qu'on ait adoré dans le pays le Prince qui l'eut pour fon partage, & qui y finit fes jours.

Mercure ou Teutatès étoit chez les Espagnols, comme chez les Gaulois, un Dieu fort refpecté. Il y avoit, felon Tite(2) Dec. 4. Live (2), à Carthage la neuve une éminence qu'on appelloit Mercure Teutatès, & je ne doute pas, comme je l'ai déja dit, que les Efpagnols n'ayent reçû la connoiffance de ce Dieu immédiatement des Pheniciens ou des Carthaginois, & ne l'ayent enfuite communiquée aux Gaulois ; mais on ignore fi les premiers lui offroient comme ceux-ci des victimes humaines. Il y a pourtant bien de l'apparence que les uns & les autres lui rendoient le même culte, puifqu'il leur venoit (3) Liv. 7. par la même voye. D'ailleurs nous fçavons par Strabon (3) que les Lufitaniens, ce font les Portugais d'aujourd'hui, peuple d'Efpagne, immoloient à leurs Dieux les captifs qu'ils avoient fait à la guerre ; & comme ce fçavant Auteur entre à ce fujet dans un détail affez circonftancié, je vais rapporter ce qu'il en dit : « Les Lufitaniens, dit-il, font fouvent des - facrifices, & regardent attentivement les entrailles de la victime, fans toutefois y faire aucune incision. Ils obfervent » avec la même attention les veines, fur-tout celles des côtés, & font fervir à la Divination ces mêmes entrailles, en les touchant avec la main. Ils fe fervent pour le même usa»ge, de celles des captifs qu'ils viennent d'immoler, après » avoir couvert leurs cadavres avec des fayes. Après qu'on leur a coupé les entrailles, le Devin tire le préfage qu'il cherche du cadavre même: enfuite lui ayant coupé les mains, »ils les confacrent à leurs Dieux ».

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D

20

(4) Voyez le Fragment de Sanchoniathon, Tom. I. Liv. II.

Ces Peuples honoroient auffi le Dieu Mars, au rapport du même Auteur (1), & ils lui immoloient des boucs, des che- (1) Ibid. vaux,& des captifs. Ils offroient même à la maniere des Grecs, des Hecatombes en certaines occafions. Ce qu'il y avoit de fingulier, c'est que les habitans de Gadès repréfentoient ce Dieu comme Apollon, ou plûtôt le Soleil, la tête environnée de rayons, croyant que l'ardeur du fang & le mouvement rapide des efprits. qui felon eux formoient les guerriers, étoient produits immédiatement par le Soleil.

Strabon ne nous apprend pas quel étoit le nom qu'ils donnoient au Dieu de la guerre; mais comme Macrobe dit que les Accitains, autre Peuple d'Efpagne, honoroient auffi d'un culte particulier le même Dieu, qu'ils appelloient Neton (a), il y a bien de l'apparence que les Lufitaniens lui donnoient le même nom.

Les Celtiberiens, au rapport de Strabon, & ceux qui habitoient vers les parties feptentrionales de l'Espagne, honoroient un Dieu fans nom, un Dieu inconnu ; & le culte qu'ils lui rendoient, confiftoit à s'affembler chacun avec fa famille à la pleine lune, pour danfer toute la nuit à la porte de leurs maifons.

Voilà à peu près ce que nous fçavons fur la Religion des anciens Efpagnols, ou Iberiens; mais comme ils avoient reçû des Gaulois plufieurs de leurs Dieux, de même qu'ils leur avoient auffi communiqué la connoiffance de quelques-uns des leurs, la Religion de ces deux Peuples fe reffembloit en bien des choses: cependant on ne lit nulle part que les Efpagnols euffent des Druydes, & leur Sacerdoce par conféquent étoit different de celui des Gaulois.

(a) Simulachrum Martis radiis ornatum magnâ religione colebant, Neton vocantes. Sat. 1.6. c. 19.

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LIVRE SEPTIEME.

DE LA RELIGION DES ANCIENS GERMAINS, & de quelques autres Peuples du Nord.

S

ANS vouloir entrer dans la queftion agitée parmi les Sçavans, fi ce font les Gaulois qui ont peuplé la Germanie, comme le croient quelques-uns d'eux, ou plutôt, fi ce ne font pas les Germains, qui venus d'abord du Nord, fe font étendus peu à peu du côté du Midi, & fe font répandus dans les Gaules & dans l'Espagne, ce que je crois plus vraisemblable; il est sûr du moins que ces deux Peuples étoient Celtes, & avoient la même origine. De-là cette conformité de Religion, qui eft fi grande qu'ils honoroient prefque tous les mêmes Dieux. Les uns & les autres n'avoient point d'autres Temples que les Bois facrés, pour lefquels ils avoient un grand refpect; ni d'autres Statues de leurs Dieux, que les Arbres, regardant comme indigne de la Divinité, de la repréfenter de quelque maniere que ce fût; ce qui chez les uns & chez les autres doit être entendu , eu égard à la Religion primitive. Ces bois au refte portoient le nom des Dieux aufquels ils étoient confacrés. Cette conformité de Religion nous difpenfera de nous étendre beaucoup fur celle des anciens Germains, à laquelle on peut rapporter

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