CHAPITRE V.

Tuifton.

ACITE nomme parmi les Dieux des anciens Ger

TA

German.

mains Tuifton, fils de la Terre, dont les descendans par fon fils Man, ou Mannus, peuplerent une grande partie du pays (1). Les Auteurs Allemands ne doutent pas que ce (1) De Mor Tuifton, qui n'a paffé pour être le fils de la Terre, que parce) De Diis qu'on ignoroit fon origine, ne foit arrivé dès les premiers Germ. paffim. temps dans la Germanie. Schoedius (2) croit même qu'il étoit un des fils de Noé, & qu'il porta dans la Germanie la connoiffance du vrai Dieu, & la Religion même de ce Patriarche. Il n'en demeure pas-là : il affûre que ce fut lui qui y commuqua l'ufage de l'écriture & l'alphabet, long-temps avant que Cadmus eût fait le même préfent aux Grecs. Enfin, fi on l'en croit, c'eft le vrai pere des anciens Germains; il les poliça, leur donna des Loix, établit les cérémonies religieufes, & s'acquit parmi fon nouveau peuple tant de vénération qu'il fut mis au rang des Dieux après fa mort ; qu'on doit croire, dit l'Auteur Allemand, car il n'ofe pas l'affûrer, n'être arrivée qu'après une longue vie. Après avoir ainfi expofé fon fentiment, Schoedius rapporte un long paffage de Jofeph fur la longue vie des Patriarches, tant l'érudition coûte peu à cet Ecrivain. Comme Tuifton voyoit, dit-il encore, que rien n'étoit capable de contenir fon peuple, il compofa en vers les Loix qu'il lui donna, vers qu'on étoit obligé de chanter en public & en particulier, afin que chacun les ayant toujours prefens à l'efprit, on ne pût les oublier.

Mannus fucceda à fon pere, & eut trois enfans, defquels, au rapport de Tacite, fortirent trois Peuples, les Ingevons, les Herviones & les Iftevons (a). Plufieurs même, continue

(a) Manno tres filios affignant, quorum nominibus proximi oceano Ingavones, medii Herviones, cæteri istavones vocantur. Idem loc. cit..

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(1)lem Ibid.

le même Auteur, profitant de la liberté que laiffe à l'imagination une Hiftoire fi ancienne, affurent que ce Dieu eut encore plufieurs autres enfans, d'où defcendirent les Marfes, les Gambriviens, les Sueves & les Vandales (a). S'il ne faut, au reste, que des étymologies pour prouver la defcendance de ces Peuples des petits-fils de Tuifton, les Auteurs Allemands, & des pays voifins n'en laiffent pas manquer. Ils fe vantent même de trouver dans tous ces noms des traces de la Langue Teutonique: & à dire vrai, quelques-unes de leurs conjectures ne font pas dénuées de fondement.

Une des principales cérémonies du culte que les anciens Peuples de la Germanie rendoient à leur Fondateur & à fon fils Mannus, étoit de chanter fes louanges, qu'ils avoient mifes en vers que Tacite dit être très-anciens: Celebrant carminibus antiquis Tuiftonem Deum, terra editum, & filium Mannum, originem gentis conditorefque (1).

Comme les Germains avoient la même origine que les Gaulois, & étoient Celtes comme eux, les Sçavans font per fuadés que Tuifton, le Fondateur de la Nation Germanique, étoit le même que Pluton, le pere des Gaulois; & il eft vrai qu'un paffage de Cefar ne laiffe aucun doute à cette conje Eture: Les Druydes, dit-il, publient que les Gaulois font » fortis de Dis ou Pluton, lequel après la mort fut honoré par les autres Peuples comme leur pere & leur fondateur; » chez les Gaulois, fous le nom de Pluton, & chez les Ger» mains fous celui de Tuifton, & les uns & les autres lui éleverent dos ftatues (b) dans les bois qui lui furent con» facrés ».

De quelques autres Divinités des Germains & des autres
Peuples voisins.

AMUEL Groffer a donné dans fon Hiftoire de la Luface

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les figures de quelques Divinités de ce pays-là, que Dom Bernard de Montfaucon a fait deffiner dans le fecond Tome de Ton Antiquité expliquée par les Figures: Schoedius avoit fans doute vâ de pareilles figures, puifqu'il a parlé de tous ces Dieux (1). Les ftatues de la plupart font fort (1) De Dis fingulieres, ainfi que les fymboles qui les accompagnent; German. mais le coup d'œil vaut mieux que des defcriptions détaillées. Leurs noms ne reffemblent en aucune maniere à ceux des autres Dieux du monde payen, & il est bien difficile de deviner ce qu'ils fignifient.

Chrodo.

LA premiere de ces figures, qui porte le nom de Chro

do (2), représente un vieillard qui a la tête nue, & qui ap- (2) Ant expl. puye fes pieds fur un grand poiffon. Il est couvert d'une robe T. 2. pl. 184. qui ne laiffe voir que les pieds, & ceint d'une écharpe : il tient de la main gauche une roue, & de la droite un panier plein de fruits & de fleurs. Comme cette ftatue avec fon pié-d'eftal fut trouvée dans la fortereffe d'Harbourg, autre

fois nommée Salfsboury, Henninius (3) & Groffer croyent (3) Obferv. que c'eft un Saturne; mais fi cela eft, la Mythologie des fur les Epitres Saxons étoit donc bien différente de celle des Grecs & des de Tollius. Romains, qui n'ont jamais repréfenté ce Dieu avec de pareils fymbolés.

Proao.

La feconde eft le Dieu Proao, qui tient d'une main une

pique, environnée d'une espece de banderolle, & de l'autre un écu d'armes, affez semblable aux nôtres. Groffer prétend que ce Dieu avoit foin de la Juftice ainfi que du Marché public, afin que tout s'y vendît avec équité.

Trigla.

LA troifiéme repréfente la Déeffe Trigla avec fes trois têtes; c'étoit fans doute Diane Trivia, ou Hecate: Tria virgi

nis ora.

Porevith.

POREVITH que représente la quatriéme ftatue, eft une idole fort finguliere. Elle a cinq têtes, & une fixiéme fur la poitrine, à peu près comme celle que portoit Minerve dans fon Egide; & autour du piédeftal qui foutient la ftatue de ce Dieu, eft un grand amas d'épées, de lances, de poignards & d'autres armes ; ce qui fait croire à quelques Antiquaires . qu'il avoit foin des dépouilles qu'on prenoit fur l'ennemi.

Suantovith.

SUANTOVITH qui eft la cinquiéme ftatue, a quatre têtes; & eft vêtu d'une cuiraffe: Groffer dit que c'étoit le Soleil, ou Apollon, la principale Divinité de la Luface; mais on pourroit auffi le prendre pour Mars.

Rodig aft.

LA fixiéme figure eft Rodigaft, qui porte une tête de boeuf fur la poitrine, un aigle fur la tête, & tient une pique de la main gauche.

Siwa.

LA Déeffe Siwa eft représentée dans la feptiéme ftatue. Elle eft nue, fes cheveux lui defcendent par derriere jufqu'aux genoux, & elle tient d'une main une grape de raifin, & de l'autre autre une pomme on la prend pour Venus, ou pour la Déeffe de la Santé. Pour moi, fi la figure eft bien dessinée, je crois que c'eft une Divinité champêtte, la Pomone de la Luface.

Flyas.

Flyas.

LA huitiéme eft la Déeffe Flyas; & elle eft représentée, de trois manieres fi différentes, qu'il faut que le même nom fe trouve fur les trois ftatues, pour nous laiffer croire que c'est la même Divinité. En effet elle paroît fur l'une comme un homme couvert d'un grand manteau qui porte en partie fur la tête, & en partie fur l'épaule ; un lion dont elle foutient les pieds de la main gauche, pendant que de la droite elle tient une torche allumée. Sur la feconde elle paroît fous la forme d'un fquélete, à moitié couvert d'un manteau, avec le lion & la torche. Enfin fur la troifiéme, comme un homme contrefait, affis fur un fiége, la couronne fur la tête, des pieds monftrueux, tenant la torche allumée de la main gauche.

Latobius.

ENFIN, on trouve dans Groffer des Infcriptions, déterrées dans la Carinthie, fur lefquelles il eft fait mention du Dieu Latobius, & il paroît par ces mêmes Infcriptions qu'on l'invoquoit comme un Dieu de la Santé : c'étoit l'Efculape des Carinthiens. Une autre Infcription du même pays fait men-. tion d'Epone: deux autres trouvées en Suiffe nomment la Déeffe Aventice; mais on ne fçait que le nom de ces Déeffes & de quelques autres.

De quelques Heros des anciens Germains, & des Villes confacrées aux Dieux.

HAQUE Pays ayant eu fes grands Hommes & fes He

CH

ros qui meriterent de leurs compatriotes les honneurs divins, on doit bien penfer que la guerriere Germanie n'en manqua pas. Elle eut d'abord fon Hercule; car dans quel pays n'en trouve-t-on pas ? & nous avons vû que Tacite le met au nombre des principales Divinités des anciens GerTome II. Zzzz