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Liv. VI.

comme le marque le boiffeau qu'il a fur la tête. Sur une autre du même Antiquaire, Jupiter paroît affis fur un trône, avec l'Aigle & la pique : par-deffus fa tête, le Soleil marqué d'une grande étoile, eft dans un Char à quatre chevaux; & la Lune fignifiée par le croiffant, dans un Char à deux taureaux. Du moins cela devroit être ainfi ; cependant le revers de la Medaille donnée par du Choul, met l'étoile du côté du Char à deux taureaux, & le croiffant du côté du Char à quatre chevaux ; je ne fçais fi c'eft une erreur du Monetaitaire. Aux pieds de Jupiter font deux hommes étendus tenans des faisceaux, à la maniere dont on marque les fleuves dans plufieurs Medailles; ce pourroit être pour fignifier les deux élemens inferieurs, la terre & l'eau : en forte que les quatre élemens feroient auffi reprefentés; l'air & le feu, par les deux chars, l'eau & la terre par les deux hommes d'enbas: c'eft ainfi que l'a expliqué du Choul; je ne fçais fi fa conjecture plaira à bien des gens. Tout le contour de la Medaille reprefente les douze Signes du Zodiaque : le tout fignifie apparemment que Jupiter eft le maître du Ciel, des aftres, de la terre, & des élemens.

Jupiter foudroyant eft gravé fur plufieurs Medailles de Beger, foudroyant les Geants, un defquels qui eft terraffé, a des jambes de ferpent, dont j'ai donné la raifon dans l'Ar(1) Tom.I. ticle de Typhon (1). Un autre Jupiter fur une Medaille des Brutiens, peuple d'Italie, a derriere lui le croiffant de la Lune; & dans une autre des Atheniens, fept étoiles, qui dé fignent apparemment les fept Planetes. Sur un Medaillon d'Antonin le Pieux, on voit Atlas un genou en terre, qui foutient le monde fur fes épaules; ce qui fignifie que Jupiter étoit le maître du monde.

Le Jupiter tonnant dont nous avons parlé, fe voit dans un monument confacré par Poplius, & rapporté par Boiffard, avec cette Infcription, Bono Deo Brotonti, pour Brontonti, au bon Dieu Tonnant (a). Les figures nous reprefentent un jeune homme affis fur une roche, à demi-nud, un bonnet

(a) Bronton eft un mot grec qui fignifie Tonnant, & qui ne se trouve que dans cette Infcription.

fur la tête, tenant entre fes bras une lyre pofée fur fes genoux: deux Nymphes lui prefentent, l'une un vafe, l'autre une patere, & au deffous du jeune homme eft une louve.

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J'ai dit que Jupiter étoit reprefenté fous la figure d'un homme majeftueux, & dans l'âge de la force; cependant on le voit fouvent fur les monumens reprefenté fans barbe. Tel eft Vejovis, ou Vejupiter, qui se voit fur les Medailles des familles Fonteia & Licinia; & le Jupiter Axur ou Anxur, fur les Medailles Confulaires, & fur plufieurs autres, & fur quelques-unes même avec l'Infcription de Jovi juveni, au jeune • Jupiter.

Jupiter paroît fur une Medaille de M. de la Chauffe, avec des cornes de belier à la tête; & dans une de Maffei, avec une couronne rayonnante, & le boiffeau, marques de Jupiter Ammon, & de Jupiter Serapis. Mais l'image la plus finguliere de Jupiter, eft celle qui fe voit dans Beger: fur une bafe eft une tête de belier qui porte une colombe; ce qui marque fans doute l'Oracle de Jupiter Ammon. Quoique j'aye parlé de l'Oracle de ce Dieu dans le premier Volume (1), (1) Liv. 41 je n'ai pas rapporté la fable que les Grecs publioient à l'occafion de ce nom, & je dois fatisfaire ici la curiofité des Lecteurs à ce sujet. Ils prétendoient qu'il étoit ainfi appellé du mot grec App, qui veut dire, fable, parce que la Libye, où fon Temple fut bâti, étoit pleine de fables. On le figuroit avec des cornes de belier, parce qu'on le trouva, difent quelques-uns, entre des moutons & des beliers, après qu'il eut été chassé du Ciel par les Geants; ou qu'il fe métamorphofa lui-même en un belier, de peur d'être reconnu. Les autres Mythologues en parlent differemment : felon Hygin, Bacchus fur le point de partir pour les Indes, étant fort preffé de la foif, trouva un belier qui le conduifit où il у avoit de T'eau, & il pria Jupiter de donner place dans le Ciel à ce belier; ce que Jupiter accorda. Alors Bacchus bâtit un Temple à ce Dieu, qui fut appellé le Temple de Jupiter Am

mon.

Herodote, beaucoup plus ancien, raconte differemment cette hiftoire. Jupiter, dit-il, ne voulant pas fe montrer à Hercule

Du culte rendu à Ju

piter.

qui avoit grande envie de le voir, mais ne pouvant réfifter à fes instances, s'avifa de cet expédient: il coupa la tête à un belier, l'écorcha, & s'étant couvert de cette peau, fe montra à Hercule en cet équipage; ce fut pour cela que les Egyptiens reprefenterent depuis Jupiter avec la tête de belier. Les Ammoniens qui font une colonie des Egyptiens & des Ethiopiens, ont pris cette coutume d'eux.

Mais nous ne devons pas écouter les Grecs fur les étymogies des noms des Dieux de l'Orient, & nous avons des guides plus sûrs. Ammon est visiblement Cham, fils de Noé, comme nous l'avons dit.

Les Antiquaires croient que le Jupiter Capitolin eft diftingué des autres par le bandeau royal, ou le diadême qu'il porte; cependant fur les Medailles Confulaires, où il est nommé Capitolinus, il n'a point ce bandeau royal, tant il y a fur cela de varieté. Le Jupiter Axur eft toujours representé jeune & fans barbe: c'est même, felon Servius, ce qui lui a fait donner ce nom. Quelquefois par l'Aigle feule, tenant la foudre fous les pieds, on a voulu nous reprefenter Jupiter, comme il paroît dans un monument rapporté par Boif fart.

On ne doit douter pas que de tous les Dieux du Paganifme, Jupiter n'ait été celui dont le culte a été le plus folemnel. Il devoit même y avoir une varieté infinie dans les cérémonies de ce culte, puifque chaque Peuple recevant ce Dieu comme le Maître des autres, ajoutoit ou retranchoit à fon gré aux cérémonies de fon culte, ou l'ajuftoit à celui de fes Dieux, dont il prenoit la place. On peut ajouter encore qu'à chacune des occafions qui lui firent donner tant de noms differents, on joignoit quelques cérémonies aux anciennes, fur lesquelles l'hiftoire ne nous apprend rien. Mais pour s'arrêter à quelque chofe de plus sûr & de plus précis, nous pouvons dire d'abord, qu'on ne lui facrifioit point de Victimes humaines, comme à Saturne fon pere, ainfi que nous le dirons dans fon hiftoire. L'exemple feul de Lycaon, qui, (1) In Arcad. felon Paufanias (1), lui immola un enfant, ou selon Ovide (2), (2) Met. 1. 2. un prifonnier de guerre, ne fut point fuivi: ce Prince même

s'attira l'indignation de toute la terre. Enfin il eut des imitateurs, mais Cecrops étant arrivé à Athenes, abolit cette cruelle fuperftition.

Les Victimes les plus ordinaires qu'on immoloit à ce Dieu, étoient la chevre, la brebis, & le taureau blanc, dont on avoit foin de dorer les cornes. Souvent fans aucune Victime on lui offroit de la farine, du fel & de l'encens, fur- tout à Rome, car à Athenes c'étoit toujours par le facrifice d'un bœuf; & quand il reprefentoit Vejovis, ou le Jupiter Vengeur, on l'appaifoit par le facrifice d'une chevre. Ce Dieu avoit un Temple à Rome fous ce nom près du Capi-tole, où il étoit reprefenté avec des fleches à la main, pour marquer qu'il étoit prêt à venger les crimes. Parmi les arbres, le chêne & l'olivier lui étoient confacrés. Perfonne au refte, fi nous en croyons Ciceron, ne l'honoroit plus particulierement que les Dames Romaines: à matronis Romanis caftiffimè cultus, dit cet Auteur (1).

Je ne dis rien ici de fes trois Oracles, celui de Dodone, celui de Trophonius, & celui qu'il avoit dans la Libye, en ayant affez parlé dans le premier Tome (2).

(1) De Nat. Deor. liv.

(2) L.4. C...

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A1 dit que Jupiter avoit époufé fa four Junon, & il eft

J'A

devint par ce mariage la premiere de celles du Paganifme.
Elle étoit fille de Saturne & de Rhea, & foeur de Jupiter,
de Neptune, de Pluton, de Vefta, & de Cerès; & les Grecs
la nommoient fimplement Hera, la Dame, ou la Maîtref-
fe (a), ou Megalé, la Grande: au lieu que chez les Romains,
(a) Les Philofophes qui allegorifoient fition des lettres, marquoit l'air, que
toutes ces hiftoires, comme on l'a dit tant cette Déeffe confiderée phyfiquement re-
de fois, prétendoient,ainfi que le dit Athe- prefentoit.
magore, que ce mot par la feule tranfpo-

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6

le nom de Junon venoit du mot Juvans, fecourable, & avoit par confequent la même étymologie que celui de Jupiter, Juvans pater; on la nommoit auffi la Reine.

Plufieurs pays fe difputoient l'honneur de lui avoir donné le jour, fur-tout Samos & Argos, où véritablement elle étoit honorée d'un culte particulier. Si nous nous en rapportons à Homere, elle fut nourrie par l'Ocean & par Tethys fa femme; mais comme il y a toujours une varieté infinie fur ces anciennes traditions, il y en avoit une qui portoit qu'elle avoit été élevée par Eubaa Porcymna, & Acræa, filles du fleuve Afterion. D'autres encore foutiennent que ce furent les Heures qui prirent foin de fon éducation.

Du temps des Princes Titans, c'étoit une coutume ordinaire d'époufer fes propres foeurs ; & Jupiter fœurs ; & Jupiter en se mariant avec Junon, ne fit qu'imiter la conduite de fon pere & de fon ayeul. Son mariage même fut un effet de l'inclination la plus tendre: il avoit aimé cette jeune Princeffe dès fon enfance, & avoit fait agir fon confident, qui fit fi bien son devoir, qu'il la rendit fenfible : & c'eft peut-être ce qui a donné lieu à la Fable qui dir que Jupiter ayant rendu l'air extrêmement froid, fe changea en coucou, & que Junon le reçut dans fon fein; figure poëtique qui nous laiffe aifément entrevoir le fuccès d'une intrigue. Le mont Thornax où cette avanture se paffa, fut depuis ce temps-là appelle le Mont du Coucou. Cette Fable que j'ai lûe dans l'ancien Scholiafte de Théocrite, étoit dans un livre d'Ariftote, qui traitoit du Temple d'Hermione,& qui n'existe plus. Enfuite Jupiter l'épousa folemnellement, & les nôces furent celébrées, au rapport (1) Liv. 5. de Diodore de Sicile ( 1 ), dans le territoire des Gnoffiens, près du fleuve Théréne, où l'on voyoit encore de fon temps un Temple entretenu par des Prêtres du pays. On y folemnife, ajoute cet Auteur, tous les ans le fouvenir de ces nôces, par une représentation fidelle de ce qui s'y paffa, felon les traditions qui en reftent: témoignage bien autentique, (2) Sur le puifque rien ne prouve mieux la verité d'un fait, que ces forpremier de 'Eneide, Ex tes de fêtes, & de mémoriaux. Servius (2) raconte une fa membranisFul- ble à l'occasion de fes nôces. Pour les rendre plus folemneldenfib.

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