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Telle en travail d'enfant, & pouffant de longs

cris,

Sans Sage-femme, une montagne fiere
N'accoucha que d'une fouris.

Si vous me mettez en lumiere,
Dit le Livre, je suis perdu ;`
Je ne fournirai pas une longue carriere :

Chez l'Epicier, chez la Beurriere

Peut-être notre espoir fera-t-il confondu,
O Ciel! préserve moi de cette ignominie ;
Vil avorton, enfant moné,

A des emplois fi bas serois-je destiné ?
Sauvez-moi de l'affront de voir à l'agonie
La gloire d'un héros par moi deshonoré,
Et dont j'aurois dégeneré.

Que ce preffentiment ne foit pas inutile:
La critique en fureur, fans rime fans raifon

Va fur moi répandre fa bile,

Et diftiller fon noir poison.

Ne crains rien, cher enfant d'une verve fertile,

Répondit le présomptueux ;

Je ne te verrai pas gémir d'un fort contraire, Ni fervir l'Epicier aux dépens du Libraire.

Tu ne manqueras point de protecteurs fameux:

J'irai pour toi partout mandier des fuffrages s

Les grands fuccés qu'ont mérité,

Et qu ont obtenu mes ouvrages,

Te font garants de l immortalité.

Je ferai cabales, & brigues;

Dans les Cafez je te réciterai;
Je te prôneral, vanterai

Tant & fi bien, qu au moins par mes in-
trigues

Et que

En ce fiecle on t'eftimera,

chez

nos neveux un jour on te lira.

Il échouia, dés qu'on le vit paroître s

Nul fuccés nul approbateur :

Des critiques malins, mais bien fondez peutêtre,

Fronderent le Livre & l'Auteur.

L'un s'écrioit, celui-ci ne voit goûte;
Il s'eft fans guide écarté de la route:
Il a voulu nous donner du nouveau,
Mais ce qu'il donne eft-il réputé beau ?
L'autre difoit, jusqu'au fommet du Pinde
En ftile enflé quelquefois il fe guinde.

La Fable veut du fimple, du naïf:

Ce Fabulifte eft encore apprentif.
Ce n'eft point là l'élégant la Fontaine
Dont Apollon feul échaufoit la veine:
Ce n'eft point là ce Poëte excellent ;
Il en eft loin; chacun a fon talent.
Il valoit mieux, imitateur fidelle
Choifir fope, ou Phédre pour modéle,
Et mot pour mot traduire d'aprés eux,
Que d'inventer des fujets moins heureux.
Quand le pur or vaudra moins que le cui-

vre,

Comme un chef-d'œuvre on vantera fon
Livre :

Nouvel Icare il prouve que fouvent

L'ambitieux fe perd en s'élevant.

L'amour propre eft aveugle: un auteur qui fe flate

Qu'au public il plaira, fe flate vainement:

Ne prévenons jamais fon jugement;
C'est une espece d'antidate.

*3+*23+*3+3+3+*£3*+E3

FABLE V I.

Le SOLEIL EN COLERE.

Hoebus depuis long-tems caché dans un

PHob

nuage

Aux mortels allarmez refufoit fes faveurs

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Ils. effuioient chaque jour quelque orage;

L'Eté ne faifoit point reffentir fes ardeurs :

Les élémens fembloient leur déclarer la guerre.

Ils coururent en foule au temple d'Apollon,
Le prier qu'il rendit fes regards à la terre,
Et qu'il leur accordât une heureuse moiffon.
Je vois, leur dit le Dieu, quel motif vous
anime ;

Vous cherchez vainement à calmer mon cour

roux;

Je ne veux plus luire fur vous,

Je n'éclairerois que le crime.

Le lendemain, le jour d'aprés, & le fuivant, Ils revinrent encore au temple, & firent tant

Qu'il s'appaifa les Dieux ne font point infle

xibles;

Et ce n'eft qu'à l'extrémité

Qu'ils font tomber fur nous leurs châtimens terribles.

Je consens, ajoûta Phoebus, que ma bonté

De mon courroux prenne la place;

Je vous rend ma plus vive & plus pure clarté ; Mais fi vous ne changez de mœurs, je vous me

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Ingrats, êtes-vous fatisfaits,

Vous méconnoiffez leur puiffance.

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