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FABLE XX.

Le CHIEN, & le PHILOSOPHE.

Ous êtes un grand homme

Vous

certes ;

A Defcartes difoit le Chien;

Vous avez fait d'heureufes découvertes

Dans le païs Phyficien.

Vous pénétrez dans la nature;

Ses plus fecrets refforts ne vous échapent

point;

Toûjours fçavant exact ; mais votre conjecture

Pourroit fe tromper en ce point.

Vous voulez que je fois machine:

C'est votre opinion: Nego, Seigneur, Nego. Je n'en puis convenir lorfque je m'examine. J'ay jugement, mémoire, Ergo,

Vous avez tort. Pour me défendre Je vous oppoferai d'invincibles raifons: Ne dédaignez pas de m'entendre ;

S'il faut argumenter, nous argumenterons.

Je connois, je fens, je haïs, j'aime;

Je fuis difciplinable; enfin les paffions

Font fur moi leurs impreffions,

Et mon raisonnement détruit votre systême.!
D'ailleurs l'Automatie à peu de partifans;
Sa démonstration n'eft pas trop évidente:
Pour rentrer dans mes droits j'ay preuve con-
vaincante,

Et titres plus que fuffifans.

Vous avez degradé ma nobleffe autentique Par une nouveauté trop peu digne de foi: Malgré l'orgueil philofophique,

Par un promt desaveu réhabilitez - moy.

Tout ici bas eft énigme, & problême;
Le fçavant doute, & l'ignorant réfout :
L'homme prétend connoître tout,
Et ne fe connoît pas lui-même.

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FABLE XXI.

Le JARDINIER, la CHEVRE, le POURCEAU, L'ASNE & la GUENON.

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Voulant faire un petit voyage,

Ne fçavoit à qui confier

La clef de fon Jardin: il étoit en veuvage.

La Chevre le pria de vouloir l'en charger;

J'en aurai foin, comme vous-même,

L'herbe eft l'unique mets que l'on me voit manger;

Et le fruit n'eft pas ce que j'aime.

On fçait que je ne me nourris

Que des méchans, & des pourris,

Dit-le Pourceau ; pendant le tems de votre ab

fence

Je ne dois vous causer aucune défiance.

Je ferois pour grimper des efforts fuperflus; Dit l'Afne d'une voix fort peu mélodieufe; Et d'ailleurs, un chardon me ragoûte bien plus

Qu'une poire de virgouleufe.

Je m'offre à la garder; ajoûte la Guenon: Pour contenter ma friandise,

Quand je fuccomberois à la tentation,

Que faut il une noix avec une cerife, Quelques grains de raisin ; c'est mince portion.

Je fçai de quoi vous êtes tous capables; Leur répondit le maître; en cette occafion Vos raisons felon moy ne font pas recevables. D'autant plus que mes fruits font tout prêts à

meurir

Demes arbres je veux prévenir la ruïne.
La Chevre en les broutant peut les faire mou-

rir;

Et le Pourceau déterrer leur racine;
L'Afne par fa ftupidité

Aux voleurs de mes fruits permettroit de tout

faire;

La

La Guenon n'en mangeroit guere,
Mais elle en perdroit quantité.
Mon chien eft vigilant, fidelle,

Sobre, actif, definterefsé;

Je ne compte que fur fon zele.
Il parloit en homme fensé;
J'approuve fa philofophie.

Il faut bien prendre garde à qui l'on fe confie.

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