Comptez moins fur votre jeuneffe,
Son privilege n'est pas sûr.

La mort, quand il lui plaît, pour hâter le

voyage,

Survient, fans vous en avertir;

Vous expédie une dispense d'âge;
Et fans délai vous contraint de partir.

Par la nature élevé durement;

Météores de toute espece

Ne l'incommodoient nullement.

Des aftres, & des vens la maligne influence

N'affoiblifoit point fa vigueur:

Ses rameaux endurcis bravoient avec constance Des plus rudes faifons la plus âpre rigueur.

Un Oranger avec délicateffe

Avoit été mollement élevé ;

On le veilloit, on le foignoit fans

ceffe ;

Avec grand art il étoit cultivé.

On le mettoit tous les ans dans la

ferre ;

A certain tems il en étoit tiré :

Dès qu'il le demandoit, on le changeoit de

terre ;

On l'arrofoit, fitôt qu'il étoit altéré.

Le Dieu des vens fur eux lâcha la bife:
Malgré tous les fecours que le maître apporta,
Notre mignon ne put réfifter à la crife:
Le Chene plus robuste aisément supporta
Cette fâcheufe intempérie.

Pour la fanté trop de précaution,
Trop de foin, trop d'attention
Quelquefois nuifent à la vie :
Ce qu'on fait pour la prolonger
Souvent ne fert qu'à l'abréger.

粥粥粥粥粥粥粥粥粥諾光粥粥粥粥

FABLE XXX.

Le CIGNE, & le HE'R ON.

Out céde à ma blancheur dont l'éclat doit furprendre s

Rien n'eft égal à ma beauté ;

Difoit un Cigne habitant du Méandre:

Je joins la grace avec la majesté ; Le plumage que j'ay reçû de la nature

Eft plus beau que celui de l'oifeau de Junon ; Le fien n'eft qu'une bigarrure;

Le mien eft noble. Auffi ce n'eft pas fans

raifon

Que Vénus à fon char m'attele:

Par fes accens harmonieux

Ma voix furpaffe Philomele.
Amphibie, ainfi que je veux,
Je marche, je vole, je nage.
Un Héron qui fur le rivage
Ecoutoit le Cigne orgueilleux,

Lui dit ; voyons vos pieds; ils font un peu

cagneux :

On fait cas de vos chants, & de votre plu

mage;

Vous avez des beautez, je n'en difconviens

pas;

Mais vous avez auffi des défauts en partage. Concluons qu'il n'est rien de parfait ici bas.

Fin du fecond Livre,