FABLES DE M. LE BRUN, LIVRE SECOND. FABLE PREMIERE. Le BERGER, le LOUP, T A Monfieur l'Abbé T... U veux que fans donner de relâche à ma plume, De récits fabuleux je rempliffe un volume. Sur un premier effai, díja tu m'es garent Qu'ils ne feront point lús d'un oeil indifferent. Par Par l'appas de la gloire excitant ma pa reffe, A travailler encor, Ami, ta voix me preffe, Moi, qui depuis long-tems, loin du facré val Ay quité le fervice, & la cour d'Apollon; Qui par aucun endroit ne cherchant plus à plaire N'ai déja que trop fait, & ne veux plus rien faire. Cher T... l'amitié t'aveugle en ma faveur : Je n'ai point les talens de ce fameux auteur Qui par des traits naïfs, des graces naturelies, Copifte inimitable effaça fes modeles. D'ailleurs, pour les beaux arts de goût eft refroidi : L'ouvrage le meilleur n'eft plus guere applaudi Tout eft fi corrompu dans le fiécle où nous fommes, Tel eft l'aveuglement, telle eft l'erreur des hommes, F Qu'ils ne font occupez que d'un vil interest; Et que ce qui leur nuit, eft tout ce qui leur plaît. Tu m'exhortes pourtant à rentrer dans la lice; A vaincre les dégoûts caufeż par ce caprice. Rifquerai-je de perdre & ma peine & mon tems? N'importe; tu le veux; compofons ; j'y con fens. Je reprens donc la plume; & poursuis mon 'ouvrage': Si parmi les auteurs dignes de ton fuffrage, Malgré les envieux, tu daignes me compter, Je n'aurai rien à craindre, & iien à fouhai2 terak yured col weg gerald C Vers un Berger de la Villete, Excellent joueur de Mufete, Meffire Loup députa Doin Renard, Avec fon troupeau, ni fon chien: Il n'est point de cœur fur la terre Pour vous plus zélé que le fien; Foi de Loup, il vous en affure, L'artificieux meffager: Honteux de vos vieilles querelles La difcorde entre vous en forme de nouvelles. D'aucune infraction ne foupçonnez la paix. D'avoir défolé vos troupeaux, Egorgé fans pitié d'innocens animaux Qui font fi bons que c'eft la douceur même. Au refte, mon maître aime tant Votre Mufete douce & tendre, Qu'il accourt fitôt qu'il l'entend, De cet inftrument agréable ; Et de venir promettre à vos moutons Une amitié fincere, inviolable.. A ce qu'il veut, pourvû qu'au préalable reilles Qu'il ne prenne pas d'autre foin, Nous l'en quittons ; il n'a besoin Que de fa langue, & que de fes oreilles. Le Renard voyant bien que c'étoit vainement Qu'il étaloit fon éloquence, Ambaffadeur berné tira fa réverence, Et rengaina fon compliment. Un langage flateur n'eft fouvent qu'une adreffe Pour nous fuborner mieux, & mieux nous éblouir : Quand un fourbe ennemi vous loüe & vous careffe, Prenez garde, il veut vous trahir. |