d'autres endroits. Dois-je me flatter jufqu'au point de vous croire, toute fincere que vous vous piquez d'être, & toute éclairée que vous êtes? Mes Fables, ajoutez – vous reffembleront à ces mets frians & délicats, apprêtez par une excellente main que les convives connoiffeurs & de bon goût ne trouvent pas moins exquis, quoiqu'ils ne foient pas fervis fur une table fplendide opulente, ni dans des plats fabriquez d'un riche métal, couronnez de fleurs, artiftement travaillez Une Perdrix de bon fumet N'a pas befoin quand on la mange, Qu'on l'affaifonne d'une Orange: Et pour un habile Gourmet, á iiij Lejus dont la Champagne en nectar fi fertile Compose un vin charmant qui n'eut jamais d'é N'eft pas moins bon, versé dans un vase d'argi le, Que dans un verre de Cristal. Je crois comme vous, Mademoifelle, qu'une noble agreable fimplicité peut fuppléer à une faftueufe vaine magnificence. Une Bergere fage & modefte, qui n'est parée que de fes graces naturelles, ne plaît pas moins, qu'un 'une coquette dont la beauté artificielle doit paroître fufpecte. Les charmes empruntez n'imposent qu'aux yeux du vulgaire ignorant, qu'un éclat trompeur enchante, qu'une fausse lueur éblouit. Pardonnez-moi cette petite digreffion de morale: l'habi.. tude de compofer des Fables, m'a rendu moralifte, an homme de ré fléxions: j'en vais faire encore une fujet de ce Livre-ci ; c'est que nous fommes dans un tems où il faut fe contenter du nécessaire, retrancher le fuperflu. Par-là je fermerai la bouche aux Lecteurs mécontens qui fe plaindront qu'on ait mis des bornes à leurs menus plaifirs. Le Libraire, peut-être un peu fcrupuleux, a plus confulté leurs interêts, que les fiens propres. Ila jugé à propos de ménager leurs bourfes. La difficulté de les ouvrir lui a fait chercher un temperamment qui puiffe les fatisfaire à peu de frais. trop On recherche aujourd'hui ce qui ne coûte guere ; Encor le plus fouvent demande-t-on crédit: Court rifque de n'avoir ni vogue, ni débit. que les autres Je crois, Mademoiselle, que vous qui êtes judicieufe, vous entrerez dans ces raifons; s'en contenteront à votre exemple. Je fouhaite qu'il ne manque à mon Livre, que l'agrément des Eftampes, qui, felon vous, le rendroit parfait. Les critiques toûjours ardens à exercer leurs cenfures, trouveront fans doute d'autres défauts lui reprocher. Comment pourroisje me garentir de leur fureur jalouJe, maligne, impitoyable, qui n'a pas épargné les Corneilles, les Racines, les Defpréaux? Je me. reftrains à l'approbation de quelques perfonnes de mérite, qui m'honorent de leur fuffrage. Je compte le vôtre parmi ceux qui me flatent le plus. Sous vos aufpices, je confens que mes Fables prennent l'eẞor, dans l'efperance que vous me donnez, qu'elles réüffiront, fans le fecours du Graveur; & que s'il m'en revient quelque gloire, elle fera entierement à moi. En ce cas, je n'eßuirai point Les reproches pleins d'amertume Fit Monfieur le Burin à Madame la Plume. LE BURIN ET LA PLUME. FABLE. A Plume ne pouvant fe tenir en repos, Que le Public ne recherchoit Les Fables que pour les images. Or, à la Plume un jour le Burin reprochoit Que leur Livre fans. lui n'auroit aucuns fuffra ges: Sans moi, vos vers feroient-ils lus ? |