ines & de filles, ce n'eft pas la regle qui a formé la regle. On n'a pas commencé par prefcrire ce qu'on devoit obferver, mais par obferver ce qu'on a prefcrit depuis. L'efprit de Dieu a agi devant l'efprit de l'homme; il a écrit dans les cœurs avant que l'autre écrivit fur le papier. Il a fait obferver par la force & par la douceur de fes infpirations ce qu'on a depuis fait paffer en loi; & ainfi ces faints Legiflateurs ne faifant que fuivre Dieu, fans le prévenir, ont éviτέ té par cette fage conduite les engagemens temeraires en des chofes qui paroiffent belles en idée, & qui ne fe peuvent executer, puifqu'ils n'ont fait leurs regles que fur ce qui s'obfervoit déja avec une édification finguliere par des perfonnes qui étoient ravies de s'impofer à eux-mêmes cette heureufe neceffité de perfeverer dans une maniere de vie que la grace leur avoit rendue non feulement supportable, emais très - agreable &

tiès-douce.

L

Port Royal qui fe verront dans ce livre, fe font faites par cette même conduite de l'Esprit de Dieu, & on les a long-temps pratiquées avant que de les écrire.

La Mere Marie-Angelique Arnauld étant Abbeffe de ce Monaftere, fondé il y a près de soo. ans, dans une vallée auprès de Chevreuse, à 6. lieues de Paris, par un Saint Evêque de Paris nommé Odon, proche parent du Roy Philippe Augufte, fut pouffée par un mouvement extraordinaire de grace, n'ayant encore que 17. ans, de faire revivre dans cette Maison le premier efprit de Saint Bernard, qui étoit prefque éteint dans tout l'Ordre de Cifteaux; auffi-bien parmi les hommes que parmi les filles. Mais elle ne penfa qu'à faire obferver la regle de Saint Benoît fans aucunes conftitutions particulieres, quoiqu'il femblât qu'on en eût befoin pour réta blir les chofes, qui étoient fi étran gement déchûes par la mifere du

temps & les defordres des guerres. Son exemple étoit la plus forte loi, & comme elle étoit la premiere à pratiquer la pauvreté, l'humilité, la mortification & toutes les autres vertus religieufes, on les vit bien - tôt refleurir dans cette maison > qui les répandit en d'autres, où cette Mere fut appellée, pour y établir le même ordre qu'elle avoit établi dans la fienne par le modele vivant de fa pieté, & non par des reglemens écrits.

Et en effet, elle gagnoit tellement les cœurs par l'ardeur de fon zele & par l'onction de fa charité, qu'ayant reçû plus de 25. filles dans l'une de ces Maifons qu'elle étoit allée reformer, lorfqu'elle penfa à retourner dans fon Monaftere, elles furent fi touchées de cette rude feparation, que ne pouvant fouffrir d'être arrachées d'entre les bras d'une fi bonne Mere, elles la conjurerent avec tant de larmes de les emmener avec'elle, que quoiqu'elle n'euffent toutes enfemble qu'environ sq. livres de

penfion viagere, & que Port Royal fût très-pauvre, elle en écrivit à fes Religieufes, qui ayant accepté à bras ouverts la propofition qu'elle leur en fit, elle augmenta fon troupeau de ces nouvelles brebis, que Dieu lui avoit envoyées d'une maniere fi extraordinaire.

Ayant encore depuis reçû d'autres filles, & le nombre s'en étant accrû jufques à près de 80. elles fe trouverent incommodées dans cette Maifon des Champs par les frequentes maladies; de forte que Dieu ayant infpiré à une Dame de grande vertu de les fonder à Paris, elles s'y établirent en 1624. & obtinrent du Pape Urbain VIII. de n'être plus fous la jurifdiction de l'Abbé de Cifteaux, mais fous celle de l'Archevêque de Paris, comme , comme elles y avoient été foûmifes dès leur fondation.

Er ce fut alors que la Mere Angelique trouva moyen d'executer ce qu'elle avoit defiré depuis fi

long-temps, qui étoit de fe dépouiller de fa qualité d'Abbeffe ; ce que la Mere Agnès fa fœur ayant fait auffi de celle de Coadjutrice, cette charge fut mife en élection triennale, avec le confentement de feu Roi, à la priere de la Reine fa mere.

Environ ce même temps, Dieu ayant infpiré aux Religieufes de cette Maison une devotion particuliere au Saint Sacrement de l'Autel, une Princeffe de très-grande pieté prit le deffein de demander au Pape qu'il confentît à une nouvelle inftitution de Religieufes, qui fe confacreroient par un vou folemnel à la veneration perpetuelle de cet augufte myftere ce qu'ayant obtenu d'Urbain VIII. la Mere Angelique & quelques autres de fes filles furent choifies pour en jetter les premiers fondemens mais la mort de cette Princeffe étant furvenue bientôt apre, & cet établiffement re s'étant pû faire manque de