***************** 1 PREFACE. L'ouverture du second Tome des Lettres de M. Descartes, je tombai sur un endroit de la 24. où il dit que c'est une chose ridicule, que de vouloir employer la raifon du Levier dans la Poulie. Cette réflexion m'en fit faire une autre ; sçavoir, s'il est plus raisonnable de s'imaginer un Levier dans un poids qui est sur un plan incliné, que dans une Poulie. Après y avoir pensé, il me sembla que ces deux Machines étant pour le moins aussi simples que le Levier, elles n'en devoient avoir aucune dépendance, & que ceux qui les y rapportoient, n'y étoient forcez, que parce que leurs principes n'avoient pas affez d'étendue pour en pouvoir démontrer les proprietez indépendamment les unes des au tres. En effet en examinant ces principes un peu de près, il me parut qu'ils ne pouvoient servir tout au plus qu'à démontrer que l'équilibre se trouve toûjours dans un Levier auquel font appliquez deux poids qui font entr'eux en raison reciproque des distances de leurs lignes de direction à fon point d'appui ; encore n'étoit-ce qu'en ce cas: 1°. Que ce Levier fût droit. 2°. Que son point d'appui fût entre les lignes de direction des poids qui y font appliquez. 3°. Que ces mêmes lignes Tome I. A fuffent paralleles entr'elles, perpendiculaires à ce Levier. Auffi Guid-Ubalde, & les autres qui s'en tiennent à la démonstration d'Archimede, ont-ils été obligez de faire revenir de gré ou de force toutes fortes de Machines à cette espece de Levier, & de réduire de même tous les autres cas à celui-ci.. C'est peut-être ce qui a porté M. Descartes & M. Wallis à prendre une autre route. Quoi qu'il en foit, ce n'a pas été sans succès; puisque celle qu'ils ont suivie, conduit également à la connoif fance des usages de chacune de ces Machines, fans être obligé de les faire dépendre l'une de l'autre; outre qu'elle amené M. Wallis beaucoup plus loin qu'aucun Auteur, que je sçache, n'eût encore été de ce côté-là.. La comparaison que je fis de ces deux fortes de Principes, me fit sentir que ceux d'Archiméde n'étoient ni fi étendus, ni fi convainquans que... ceux de M. Descartes & de M. Wallis; mais je ne sentis point que les uns ni les autres m'éclairassent beaucoup. J'en cherchai la raison, & ce défaut me parut venir de ce que ces Auteurs fe font tous plus attachez à prouver la necessité de l'équilibre, qu'à montrer la maniere dont il se fait. Ce fut ce qui me fit prendre le parti d'épier: moi-même la nature, & d'essayer si en la suivant pas à pas, je ne pourrois point appercevoir comment elle s'y prend, pour faire que deux puif-fances, soit égales, ou inégales, demeurent en 'équilibre. Enfin je m'appliquai à chercher l'équilibre lui-même dans sa source, ou pour mieux dire, dans sa generation. Le premier objet qui me vint à l'esprit, ce fut un poids qu'une puissance soûtient sur un plan incliné. D'abord je me le representai de telle figure que le concours de fa ligne de direction avec celle de cette puissance, se fit dans quelqu'un de ses points. De-là je vis aussi que leur concours d'action se faisant aussi par ce moyen dans ce seul point, il devenoit alors son centre de direction: de forte que si ce plan eût manqué tout d'un coup, ce corps auroit necessairement suivi l'impression de ce point. Je cherchai ensuite quelle devoit être cette impression, & j'apperçûs que celles que faifoient fur ce point, & la pesanteur de ce poids, & la puissance qui le retenoit, étant les mêmes que s'il eût été pouffé en même tems par deux forces qui leur eussent été égales, & qui eussent agi suivant leurs lignes de direction. J'apperçûs, dis-je, qu'il lui en résultoit une impression composée suivant une ligne qui étoit la diagonale d'un parallelogramme fait sous des parties de ces lignes de direction, qui étoient entr'elles comme ce poids & cette puissance. D'où je vis que l'impression de ce corps se faisoit alors suivant cette diagonale, qui devenoit en ce cas sa ligne de direction; mais que ce plan lui étant perpendiculairement opposé, il la soûtenoit toute entiere; ce qui faisoit que ce poids ainsi pouffé H par le concours d'action de sa pesanteur & de la puissance qui lui étoit appliquée, demeuroit fur ce plan incliné de même que s'il eût été horifontal, & que cette impreffion composée n'eût été qu'un effet de sa pesanteur. De cette pensée j'en vis n'aître plufieurs au tres, & je m'apperçûs, 1°. Que toute l'impreffion que ce plan recevoit alors de ce poids ainsi soûtenu par cette puissance, se faisoit suivant cette diagonale. 2°. Que sa charge, c'est-à-dire, la force de cette même impression, étoit à ce poids & à cette puissance, comme cette même diagonale à chacun des côtez qui les repréfentent dans fon parallelogramme. 3o. Que ce poids & cette puiffance étoient toûjours entr'eux comme ces mê mes côtez, c'est-à-dire, en raison réciproque des finus des angles que font leurs lignes de direction avec cette diagonale, ou (ce qui revient au même) en raison réciproque des distances de quelque point que ce soit de cette diagonale à leurs lignes de direction. Je vis enfin presque tout à la fois quantité de choses toutes nouvelles, qu'on verra dans les Corollaires de la Proposition des Surfaces. Aprés avoir ainsi trouvé la maniere dont l'é quilibre se fait fur des plans inclinez, je cherchai par le même chemin comment des poids foûtenus avec des cordes seulement, ou appliquez à des Poulies, ou bien à des Leviers, font équi libre entr'eux, ou avec les puissances qui les foû tiennent; & j'apperçûs de même que tout cela fe faisoit encore par la voye des mouvemens composez, & avec tant d'uniformité, que je ne pus m'empêcher de croire que cette voye ne fût véritablement celle que suit la nature dans le con cours d'action de deux poids ou de deux puissances, en faisant que leurs impreffions particulieres, quelque proportion qu'elles ayent, fe confondent en une seule, qui fe décharge toute entiere sur le point où se fait cet équilibre: de forte que la raison Phyfique des effets qu'on admire le plus dans les Machines, me parut être justement celle des mou-vemens composez. Je me démontrai d'abord par cette méthode, & sans le secours d'aucune Machine, les proprie tez des poids suspendus avec des cordes, en quelque nombre qu'elles foient, & pour tous les angles possibles qu'elles peuvent faire entr'elles. Delà je passai à une démonstration des Poulies, qui comprend toutes les directions possibles des puif fances ou des poids qui y font appliquez, foit que le centre de ces Poulies demeure fixe, soit qu'on le suppose mobile. Ensuite au lieu de la démonstration qu'on ne fait ordinairement que pour les plans inclinez, j'en trouvai une qui s'étend géné ralement à toutes fortes de surfaces, & à toutes les directions poffibles des puissances ou des poids qui y sont appliquez. Enfin d'une seule démonstration je découvris les proprietez de toutes les ef peces de Leviers, de quelque figure, & dans quel |