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tenoient entr'eux une amitié fi étroite, qu'ils s'envoyoient leurs enfans les uns aux autres, pour les faire élever; & ce commerce fit paffer la Poëfie de l'Ionie en Grece,où,comme plufieurs autres beaux Arts, elle fe perfectionna. Melefigene, à qui on donna le nom d'Homere* parce qu'il devint aveugle, eft le plus ancien des Poëtes Grecs, dont le tems a respecté les Ouvrages. Son Illyade & fon Odyffée font les deux grands modeles de la Poëfie Epique, ou Heroïque, que tant de gens ont tâché d'imiter. Je m'écarterois trop de mon fujet, fi je voulois rapporter les differentes opinions que les critiques ont euës fur ces deux Poë-

* Signific, qui a befoin de guide.

mes; je me contenterai de dire, que ces deux admirables génies*, qui ont fi bien connu la force & les beautez de la Poëfie, ont fait gloire de puifer dans l'un & dans l'autre.

Aprés la mort d'Homere, fept Villes confiderables difputerent entre elles la gloire d'avoir donné la naiffance à ce grand Homme; on fçait pourtant qu'il paffa toute fa vie dans une extrême pauvreté Funefte préfage, qui doit glacer les Favoris même d'Apollon, s'ils regardent la Poëfie comme un chemin qui conduit aux richeffes.

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On ignore en quel tems, on a inventé cette multitude de Divinitez chimeriques, qui dans la * Meffieurs Defpreaux & Racine.

fuite ont été adorées par plu fieurs Nations, comme veritables. On fçait feulement qu'Hefiode eft le premier qui en a parlé hiftoriquement; mais il eft aifé de comprendre pourquoi l'on en a fait entrer plufieurs dans les ouvrages poëtiques; les premiers. Poëtes ont crû avec raifon, que rien ne pouvoit mieux foûtenir l'efprit des Lecteurs dans une élevation continuelle, que ce merveilleux qu'on trouve dans tout ce que font les Dieux, &0 furtout quand ils s'intereffent au fort des hommes.

Les Peuples groffiers, qui ont crû devoir borner leurs adora tions à un objet visible, ado→ roient le Soleil fous le nom d'Apollon ou de Phoebus, & le re

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gardoient comme le premier mo bile de toutes chofes : C'eft ce qui obligea les Poëtes à regarder cette prétendue Divinité comme la leur, perfuadez que puifqu'elle rend la terre féconde par la chaleur qu'elle lui communique, elle peut auffi en excitant & en échauffant l'efprit, y faire naître ces agréables idées, dont les beaux Vers fe forment.

Les Mufes étoient Filles de Mnemofine, Déeffe de la Me moire; elles avoient été mifes fous la conduite d'Apollon, & l'on inferoit de-là, qu'elles l'avoient aidé à inventer les beaux Arts; leur office étoit d'ailleurs d'affifter aux Banquets facrez, & d'y chanter des Vers pour divertir les Dieux: Toutes ces

raifons porterent les Poëtes à les invoquer comme des Divinitez qui pouvoient leur être favorables: On invoqua Calliope pour le Poëme Epique; Melpomene pour le Dramatique; Erato pour le Lyrique, & dans la fuite on les invoqua toutes pour toutes fortes d'ouvrages.

Le Parnaffe & Helicon font deux Montagnes de la Phocide, affez voifines, & parce qu'on fuppofoit que les Muses habitoient tantôt fur l'une, & tantôt fur l'autre, on les leur avoit confacrées, & les Poëtes fe crurent en droit de les faire entrer dans leur langage metaphorique : monter fur le Parnaffe, ou fur 'Helicon, & faire des Vers,

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