Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Quoique la Poëfie, dont les fictions & les allegories font l'ef fentiel, eût pû faire fentir fa for ce & fes agrémens, fans le fe cours de la Verfification & de la Profodie, elle s'eft fi fort unie avec l'une & avec l'autre, qu'elle en eft devenue inféparable. Cependant, malgré l'étroite union qu'il y a entre ces trois Arts, ceux qui en ont une veri table idée, n'ont garde de les confondre.

Les Auteurs, qui fe font effor cez de pénetrer dans l'antiquité la plus obfcure, conviennent que les premices de la Poëfie, ont été confacrées au Seigneur; il y a lieu de croire que l'ardeur de chanter fes louanges, a produit dans ceux qui en étoient poffe

dez, cette élevation d'efprit, que d'autres fujets enfuite ont produit dans les Poëtes prophanes. Cela fuppofé, le refpect que nous avons pour Moife, ne doit pas nous empêcher de le regarder comme le premier de tous les Poëtes, d'autant mieux que c'est le premier de tous les Ecrivains, dont les ouvrages font parvenus jufques à nous : les deux Cantiques qu'il compofa, l'un aprés le paffage de la Mer rouge, & l'autre,pour remercier le Créa teur de tant de miracles qu'il avoit faits en faveur de fon Peu ple, ont toûjours été regardez comme deux admirables produc tions d'un efprit poëtique. Saint Jerôme affure qu'ils étoient en Vers Hexametres & Pentame→

·A-iij.

tres; & quoique les traductions. leur ayent fait perdre une partie des agrémens, que leur don noient les belles expreffions & l'harmonie; les connoiffeurs ne laiffent pas d'y trouver ce merveilleux & ce fublime qui font l'effentiel de la Poëfie.

C'eft fans doute fur ces mode→ les, que David, Salomon & d'autres Prophetes fe font formez, lors qu'ils ont voulu chanter les louanges de Dieu, déploter les calamitez publiques, & inftruire le Peuple des chofes futures. Je ne ferai point ici mention de leurs ouvrages, & je ne parlerai de la Poëfie ancienne, qu'autant que je la croirai necessaire pour l'intelligence de la Françoife, dont je tâcherai de donner uneHiftoire fuccinte.

Les Arabes, les Syriens, les Egyptiens, les Perfes, & les Ioniens ont toujours aimé les difcours figurez & les allegories; comme la Poëfie étoit conforme à leur inclination, ils s'y attacherent dés qu'ils en curent la moindre connoiffance.

Ils s'apperçurent bien-tôt qu'elle étoit d'un grand fecours à la memoire; parce que les chofes dont on veut la charger, s'y impriment beaucoup mieux, quand elles s'y prefentent fous un arrangement mefuré, & s'en effacent plus difficilement, les mots étant comme liez les uns aux autres leur Theologie, leur Philofophie, leurs Loix & leurs Coutu mes furent mifes en Vers. Les Perfes s'appliquerent plus

.

que tous les autres Poëtes Afiatiques à rendre leur Poëfie har monieufe, à quoi leur langage étoit tres-propre : Un Interprete dit, qu'un de leurs vieux Livres fait mention d'une dispute qu'il y eut entre deux de leurs Poëtes, fur la douceur de leurs Vers: Les miens font fi doux (dit le premier) que quand je les chante dans les bois, le Roffignol quitte fes fleurs pour venir m'écouter & les miens font fi harmonieux (répondit l'autre que quand je les récite, le Bracmane interrompt fa priere, & vient m'entendre S'il en faut croire quelques Hif toriens, l'Arabie a plus produit de Poëtes, que le reste du monde enfemble.

[ocr errors]

Les Ioniens & les Grecs entre

« AnteriorContinuar »