mot pour fignifier le battement du pouls, l'élevation ou l'abaisfement de la voix : Les Maî tres des Chœurs de la Tragédie Grecque, s'étoient fait un art de fe conformer aux differentes paffions qu'on representoit ; les mouvemens impetueux qu'excitoient la colere & la rage, étoient accompagnez d'une fymphonie précipitée, ainfi du refte, & l'efpace de temps qui s'écouloit, tant qu'on chantoit fur un même ton, s'appelloit rime : les Romains appellerent ainfi les cadences qu'ils affectoient de rechercher à la fin de leurs periodes, parce qu'elles tomboient prefque toûjours fous une même mefure; & à leur exemple les Troubadours donnerent auffi се ce nom aux unifones de leurs Vers. Leurs productions ordinaires étoient des Sirvantes & desTanfons les premieres étoient des Satyres contre toutes fortes de gens: les fecondes contenoient des demandes ingénieufes fur l'amour & fur les Amans: j'en rapporterai ici deux, pour en donner une idée. Un Amant a eu deux Maitreffes; l'une ne lui a accordé fon cœur qu'aprés de longues pourfuites; l'autre ne l'a pas fait foûpirer long-tems: on demandoit,à laquelle des deux il avoit plus d'obligation. Un Amant eft fi jaloux, qu'il s'allarme de la moindre chofe; un autre eft fi prévenu de la F fidelité de fa Maîtreffe, qu'il ne s'apperçoit pas feulement qu'il a de juftes fujets de jaloufie: on demandoit,lequel des deux marquoit plus d'amour. Ces demandes donnoient lieu à mille ingénieufes réponses, & parce que les fentimens étoient toûjours differens, il en naiffoit d'agréables difputes, qu'on appelloit Jeux mi-partis. Il s'étoit formé en Provence uné focieté de gens d'efprit, qui s'affembloient pour fe communiquer leurs Ouvrages, & pour s'entretenir de differentes ma tieres, que l'amour peut fournir: ils donnoient leurs juget mens fur les jaloufies & fur les brouilleries des Amans; c'eft pour cela qu'on appelloit ectte focieté, la Cour d'Amour: L'on y envoyoit toûjours décider les difputes que les Tanfons faifoient naître. Martial d'Auvergne fit, plus de deux cens ans aprés, quantité de jugemens en imitation de ceux-là,& les donna au Public, fous le titre d'Arrêts d'Amour, fur lesquels un Savant Jurifconfulte a fait des Commentaires. Depuis que Muca, General des Armées du Calife de Syrie, avoit fubjugué les Efpagnes, les Arabes y avoient porté la Poëfie; le Comte de Barcelone & fes Courtifans en connoiffoient les beautez, quand ils vinrent en Provence, & les Trouveres n'eurent pas befoin de Mecene pour s'introduire à cette Cour, où ils furent toû jours agréablement reçûs : les Comtes de Sault, les Barons de Grignan, ceux de Caftelane, & tous les Grands Seigneurs de Provence faifoient gloire d'avoir auprés d'eux de ces nouveaux Poëtes, aufquels ils donnoient des chevaux, des armes & des habits magnifiques. Il y avoit des Joueurs de flûte, des Muficiens, & une espece de Bâteleurs, qu'on appelloit Jongleurs, Mufars & Comirs; ils ramaffoient tout ce que les Trouveres faifoient de plus beau, ils alloient le débiter dans les autres Provinces. Ces Ou vrages, qui avoient la grace de la nouveauté, acquirent une grande réputation à leurs Au |