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abîmes, où ils périffent miférable-
ment. Toute l'expérience des gui-
des les plus habiles ne peut quel-
quefois, les garantir eux-mêmes de
ces dangers. Quand d'Annebaut
arriva à la Novalefe, les paysans
l'avertirent que
que le
temps n'étoit
point affez calme, qu'ils prévoyoient
une de ces tempêtes & que c'étoit
trop rifquer que de paffer outre ;
il négligea cet avis, il s'engagea
dans les montagnes ; mais à peine
étoit-il entre Ferriere & l'Hofpi-
talet, qu'il s'éleva une des plus fu-
rieufes tempêtes qu'on eût vues
dans ces cantons; elle enfevelit
fous les neiges plufieurs des gens
de la fuite de d'Annebaut, entre
autres un jeune Gentilhomme nommé
Carrouge, nom célèbre par le duel
de le Gris & de Carrouge fous
Charles VI. Parmi ceux qui ne pé-
rirent pas, les uns plus malheu
reux perdirent la vûe, les autres
eurent les pieds gelès, la plupart
s'égarerent dans les montagnes,
pénétrés par la neige, tranfis de
froid, mourans de faim. D'Anne-

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baut lui-même eût infailliblement péri fans quelques payfans, qui accourant de leurs cabanes invifibles, le recueillirent & le fecoururent. Un feul Officier de fa fuite, Maugiron, connoiffant un peu le pays, gagna l'Hofpitalet, y refta jufqu'à la fin de la tempête; il trouva le lendemain plufieurs Gentilshommes égarés & demi-morts de froid, auxquels il fauva la vie. D'Annebaut arriva enfin à travers toutes ces pertes & tous ces dangers à Lanebourg, d'où il alla Bellay, 1.9. joindre le Roi à Châtelleraut.

Mém. de du

Depuis fon départ du Piémont des Impériaux avoient fait fur Turin quelques tentatives qui avoient échoué principalement par la prudence vigilante de du Bellay. Un Juge de Turin, natif de Quiers, -vint lui dire un jour qu'il étoit dans cette derniere place, lorfqu'elle avoit été prise en 1537, par la lâcheté du Chevalier Affal; que le Marquis du Guaft n'avoit rien négligé pour le gagner, & qu'en le renvoyant à Turin, il l'avoit vivement folli

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cité de l'aider à furprendre cette Capitale : » Si mon projet vous s plaît, dit le Juge à du Bellay, » nous pouvons l'attirer dans un » piége inévitable. Je lui écrirai que > ma qualité de Juge de Turin me

facilite les moyens de lui livrer » la place, il faudra qu'il concerte » avec moi toutes les mefures, vous > ferez averti de tout, & vous pour»rez vous rendre maître de du "Guaft & de fa troupe. »

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L'offre étoit féduifante, un étourdi l'eût acceptée fans examen. Du Bellay fe contenta de louer fon zèle, d'approuver fon projet, de lui recommander fous peine de mort le filence & l'inaction, & de lui dire qu'il l'avertiroit, lorfqu'il feroit temps d'agir. Du Bellay confidéra que ce Juge étoit pauvre, que fes filles étoient belles, que leur vertu étoit fufpecte, que tout de ce côté là invitoit à la défiance; que le Juge avoit même beaucoup de relations fouterraines avec les Impériaux, il fit éclairer de plus près fa conduite, il l'entoura d'ef

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pions, il intercepta fes lettres: on en furprit une que le traître écrivoit au Marquis du Guaft. » Lan

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gei n'eft plus, fui difoit-il, je puis » vous livrer Turin. » Il prenoit enfuite avec du Guaft des mefures. pour l'exécution de ce projet. Du Bellay muni de cette lettre, fit venir le Juge. » Il eft temps d'agir, » lui dit-il, êtes-vous en état de » tenir la promeffe que vous m'a

viez faite d'attirer du Guaft dans » le piége?» Le Juge promit tout, il indiqua la voie par laquelle il fe propofoit de faire remettre à du Guaft la lettre qu'il alloit lui écrire: pour le tromper ; du Bellay voulut: voir cette lettre, le Juge fortit pour l'écrire, il revint une heure après avec la lettre. Du Bellay dans l'intervalle avoit fait venir chez lui le Président de Turin & le Procureur Général du Roi dans le Piémont. On lut d'abord la lettre que le Juge apportòit. Du Bellay demanda enfuite au Juge s'il n'en avoit pas écrit d'autres au Marquis du Guaft. Le Juge ne fe doutant de rien, rappella

aŭ Gouverneur la défense qu'il lui avoit faite. » Vous fçavez bien, dit> il, que j'aurois mérité la mort,

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fi j'avois défobéi. Cela eft vrai, Mém. de du » répondit du Bellay, & vous avez Bellay, 1. 9. → prononcé votre condamnation. Reconnoiffez-vous cette écriture? ajouta-t-il en lui montrant la lettre interceptée. Le Juge fut obli gé de convenir de tout, fon procès fut bientôt fait, il eut la tête tranchée..

Céfar de Naples forma aufli une entreprise fur Turin, & fon nom feul avertit d'avance qu'elle échoua, il crut avoir gagné deux foldats François qui avoient été fes prifonniers ils devoient lui livrer un des boulevards, mais ils s'emprefferent d'avertir du Bellay de ce projet, & ce fut de bonne foi qu'ils donnerent cet avis. Du Bellay sûr de leur fidélité, leur ordonna d'entretenir leur correfpondance avec Céfar de Naples; ils introduifirent dans la Ville trois foldats Espagnols qu'on leur avoit envoyés pour reconnoître le boul

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