1942.
levard qui devoit être livré ; du Bellay prit les mefures les plus sages, non-seulement pour envelopper & pour écrafer "le Corps Efpagnol qui seroit chargé de l'exécution, mais encore pour s'emparer d'Ulpiano , tandis que César de Naples, qui en étoit Gouverneur, en feroit forti avec la garnison dans l'espérance d'aller surprendre Turin, Ce projet méritoit certainement d'être suivi , & il nous semble que du Bellay dégénéra un peu du zèle de fa maison pour le service du Roi, lorsque préférant ses affaires particulieres aux affaie res publiques , il partit pour Paris à l'occasion de la mort de son frere , fans attendre le jour de l'exécution, sans même avoir fait part de son projet à Boutieres, Gouverneur du Piémont ni à Monneins auquel il remit en partant, le Gouvernement particulier de Turin. Sa raison est qu'il n'estimoit pas assez Boutieres ni Monneins pour leur confier l'exécution d'une entreprise si délicate, il falloit donc qu'il
Pexécutât lui-même , & il est assez fingulier que du Bellay expose si naturellement la conduite dans cette occafion, fans s'apperçevoir qu'elle a besoin d'apologie.
Avant de partir , ii fit arrêter les trois soldats Espagnols qui étoient fecretement à Turin , & sous pré- texte qu'il n'avoient point de fauf- conduit , il les traita en criminels, ils furent confrontés aux deux fol- dats François, ils avouerent l'objet de leur séjour à Turin , & ils eurent la tête tranchée. Il paroît qu'on pouvoit leur épargner un fupplice fi noble & les renvoyer à Ulpiano, ou les tenir étroitement renfermés fi l'on craignoit les avis qu'ils pour roient donner à César de Naples. Du Bellay pour prévenir le succès de l'entreprise formée fur Turin, fe contenta d'avertir Boutieres de se défier de toutes les voitures de foin qu'on pourroit introduire dans la ville, parce que c'étoit par le moyen de ces fortes de voitures que les Impériaux se proposoient d'y faire entrer des soldats & des
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1543
armes. On avoit envoyé Alexandre de Cavara à Grouillan pour obser- ver les mouvemens des ennemis. Lè 8 Février Boutieres en reçut une lettre par laquelle il lui donnoit
avis d'une marche des Impériaux Mém. de du vers Turin, Boutières se mit en Tellay, l... défense , & les Impériaux se voyant Belcar, 1. 23. découverts, prirent le parti de se
retirer. Le douze du même mois, Cavara écrivit encore à Boutieres pour l'avertir d'un nouveau mou- vement des ennemis , Boutieres par une distraction inexcusable mit la lettre dans sa poche sans l'ouvrir, Les Impériaux à la faveur d'un brouillard épais, disposerent le len- demain divers corps de troupes au- tour de Turin , & cependant cinq voitures à foin s'avançoient vers la Ville. La premiere étant arrivée à la premiere barriere, on demanda au voiturier d'où venoit ce foin ? il répondit , de Ligny, & il montra un sauf-conduit figné de Boutieres ; on le laissa passer. A la seconde barriere , il prit fantaisie au Capi- taine Raimonet qui y commandoit ,
Y
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. 133 de marchander ce foin, on lui en demanda un prix fi excessif, qu'il vit bien que c'étoit une défaite, il soupçonna que c'étoit la fatale ma- chine qui entroit dans les murs de Troye ; aussi prudent & plus heu- reux que Laocoon, il donna ordre à son Lieutenant d'enfoncer dans cette voiture , une longue pique qu'il avoit à la main, celui-ci re- tira la pique sanglante , on vit gulli- tôt sortir par une trappe, d'une espece de grande cage, ménagée dans la voiture , fix foldats bien armés, dont le premier attaqua Rai- monet & lui coupa un doigt, Rai- monet le tua sur le champ à coups de dague, les cinq autres soldats s'avancerent dans la place ; les sol- dats des autres voitures se voyant découverts, mirent pied à terre, &
à forcerent la porte. Les voituriers eux-mêmes étoient des soldats bien armés, du moins pour la défensive, munis de cottes de maille sous leurs habits de toile. En même-temps les divers corps disposés autour de Turin s'ébranlerent pour aller les
soutenir ; cependant le Capitaine I543
d'Aguerre , qui faisoit la garde dans la place , chargea vigoureusement les soldats qui y étoient entrés mais ce n'étoit rien faire ; il falloit fur-tout empêcher leur jonction avec les corps, qui du dehors de la place, s'avançoient à leurs secours, ce fut un maréchal ferrant qui eut cet honneur, il monta sur la porte, rompit à coups de marteau une grosse chaîne de fer, & fit tomber la herse qu'elle retenoit. Boutieres & Monneins arrivant au
bruit acheverent de faire fermer les Mém. de du portes. C'est ainsi que Turin fur Belay, l. 9. délivré du pressant danger où l'a
voit exposé la négligence de Boutieres , qui se rellouvint alors de n'avoir pas lu fa lettre.
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