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levard qui devoit être livré; du
Bellay prit les mefures les plus fa-
ges, non-feulement pour envelop-
per & pour écrafer le Corps Ef-
pagnol quis feroit chargé de l'exé-
cution, mais encore pour s'empa
rer d'Ulpiano, tandis que Céfar
de Naples, qui en étoit Gouver→
neur, en feroit forti avec la gar→
nifon dans l'efpérance d'aller fur-
prendre Turin, Ce projet méritoit
certainement d'être fuivi, & il nous
femble que du Bellay dégénéra un
peu du zèle de fa maifon pour le
fervice du Roi, lorfque préférant
fes affaires particulieres aux affai
res publiques, il partit pour Paris
à l'occafion de la mort de fon frere,
fans attendre le jour de l'exécution,
fans même avoir fait part de fon
projet à Boutieres, Gouverneur du
Piémont ni à Monneins au
quel il remit en partant, le Gou-
vernement particulier de Turin. Sa⚫
raifon eft qu'il n'eftimoit pas affez
Boutieres ni Monneins pour leur
confier l'exécution d'une entreprise
fi délicate, il falloit donc qu'il

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Pexécutât lui-même, & il eft affez fingulier que du Bellay expofe fi naturellement fa conduite dans cette occafion, fans s'apperçevoir qu'elle a befoin d'apologie.

Avant de partir, ii fit arrêter les trois foldats Efpagnols qui étoient fecretement à Turin, & fous prétexte qu'il n'avoient point de faufconduit, il les traita en criminels, ils furent confrontés aux deux foldats François, ils avouerent l'objet de leur féjour à Turin, & ils eurent la tête tranchée. Il paroît qu'on pouvoit leur épargner un fupplice fi noble & les renvoyer à Ulpiano, ou les tenir étroitement renfermés, fi l'on craignoit les avis qu'ils pour roient donner à Céfar de Naples. Du Bellay pour prévenir le fuccès de l'entreprise formée fur Turin, fe contenta d'avertir Boutieres de fe défier de toutes les voitures de. foin qu'on pourroit introduire dans la ville, parce que c'étoit par le moyen de ces fortes de voitures que les Impériaux fe propofoient d'y faire entrer des foldats & des

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armes. On avoit envoyé Alexandre de Cavara à Grouillan pour obferver les mouvemens des ennemis. Le 8 Février Boutieres en reçut une lettre par laquelle il lui donnoit avis d'une marche des Impériaux Mém. de du vers Turin, Boutières fe mit en Dellay, 1. défenfe, & les Impériaux fe voyant Belcar, 1. 2:. découverts, prirent le parti de fe

n. 21.

retirer. Le douze du même mois, Cavara écrivit encore à Boutieres pour l'avertir d'un nouveau mouvement des ennemis, Boutieres par une diftraction inexcufable mit la lettre dans fa poche fans l'ouvrir. Les Impériaux à la faveur d'un brouillard épais, difpoferent le lendemain divers corps de troupes autour de Turin, & cependant cinq voitures à foin s'avançoient vers la Ville. La premiere étant arrivée à la premiere barriere, on demanda au voiturier d'où venoit ce foin? il répondit, de Ligny, & il montra un fauf-conduit figné de Boutieres ; on le laiffa paffer. A la feconde barriere, il prit fantaisie au Capitaine Raimonet qui y commandoit

de marchander ce foin, on lui en
demanda un prix fi exceffif, qu'il
vit bien que c'étoit une défaite, il
foupçonna que c'étoit la fatale ma-
chine qui entroit dans les murs de
Troye auffi prudent & plus heu-
reux que Laocoon, il donna ordre
à fon Lieutenant d'enfoncer dans
cette voiture
une longue pique
qu'il avoit à la main, celui-ci re-
tira la pique fanglante, on vit auffi-
tôt fortir par une trappe, d'une
efpece de grande cage, ménagée
dans la voiture, fix foldats bien
armés, dont le premier attaqua Rai-
monet & lui coupa un doigt, Rai-
monet le tua fur le champ à coups
de dague, les cinq autres foldats
s'avancerent dans la place; les fol-
dats des autres voitures fe voyant
découverts, mirent pied à terre, &
forcerent la porte. Les voituriers
eux-mêmes étoient des foldats bien
armés, du moins pour la défensive,
munis de cottes de maille fous leurs
habits de toile. En même-temps les
divers corps difpofés autour de
Turin s'ébranlerent pour aller les

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foutenir; cependant le Capitaine d'Aguerre, qui faifoit la garde dans la place, chargea vigoureusement les foldats qui y étoient entrés mais ce n'étoit rien faire ; il falloit fur-tout empêcher leur jonction avec les corps, qui du dehors de la place, s'avançoient à leurs fecours, ce fut un maréchal ferrant qui eut cet honneur, il monta fur la porte, rompit à coups de marteau une groffe chaîne de fer, & fit tomber la herfe qu'elle retenoit. Boutieres & Monneins arrivant au bruit acheverent de faire fermer les Mém. de du portes. C'eft ainfi que Turin fut Bellay, 1. 9. délivré du preffant danger où l'avoit expofé la négligence de Boutieres, qui fe reflouvint alors de n'avoir pas lu fa lettre.

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